éphane Le Foll à la sortie du Conseil des ministres le 18 février 2015 à Paris (Photo : Stéphane de Sakutin) |
[23/02/2015 14:00:28] Paris (AFP) Appels à la “morale” et à la “décence” côté gouvernement, annonce “choquante”, “scandaleuse” pour les syndicats: après les “parachutes dorés” et les “retraites chapeaux”, le “bonus de bienvenue” dont va bénéficier le nouveau patron de Sanofi, qui pourrait atteindre 4 millions d’euros, a suscité une salve de critiques lundi.
Olivier Brandicourt, dont la nomination a été annoncée jeudi, va bénéficier d’une prime d’accueil, pratique très répandue aux Etats-Unis, où l’on parle de “poignée de main en or” (“golden handshake”). Le nouveau dirigeant va recevoir une indemnité forfaitaire brute de 2 millions d’euros lors de sa prise de fonction début avril, et une autre du même montant en janvier 2016, s’il est toujours en poste à ce moment-là.
“C’est incompréhensible”, a jugé le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll. “Comment tous ces gens, qui expliquent que c’est le mérite (…) la prise de risque qui doivent faire les résultats, ces gens-là, à peine prennent-ils la tête d’une entreprise – c’est-à-dire qu’ils n’ont pris encore aucun risque – sont déjà assurés d’avoir rémunération sans commune mesure?”
“Il faut qu’il y ait des règles qui soient réaffirmées, un peu de morale”, a-t-il tancé.
La ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, a quant à elle qualifié cette indemnité de “pas normale du tout”, et dit “espérer” que M. Brandicourt y renonce.
“Ce serait un minimum”, a-t-elle déclaré, appelant à “un peu de décence, notamment de la part de laboratoires pharmaceutiques qui vivent de la Sécurité sociale, donc des cotisations sur les salaires”.
L’annonce de la prime, publiée sur le site internet du groupe, a fait bondir les syndicats. “Choquante” pour Stéphane Galiné (CFDT, 1er syndicat chez Sanofi), elle est qualifiée de “scandaleuse” par Thierry Bodin (CGT, 3e syndicat) “au regard de ce que vivent les salariés et chômeurs dans ce pays”.
La direction a “dû mettre le prix” car les candidats ne se bousculaient pas: “Cela faisait quelques mois déjà que Sanofi était à la recherche de la perle rare et son conseil d’administration a la réputation d’être dur”, observait pour sa part M. Galiné.
M. Brandicourt a selon lui “un bon cv, c’est un scientifique, un médecin qui connait la recherche”, “mais on regrette qu’il ne vienne chez nous que pour des raisons bassement et purement financières”. “On l’attend au tournant sur l’emploi et la stratégie”, prévient le représentant CFDT.
– Indemnité “conforme aux pratiques du CAC 40” –
Sanofi, qui dispute à Total le titre de première capitalisation de la Bourse de Paris et réalise près de 34 milliards de chiffre d’affaires par an, a passé six mois sans directeur général, après l’éviction fin octobre de Chris Viehbacher. C’est finalement M. Brandicourt, médecin de formation actuellement à la tête des activités pharmaceutiques de la société allemande Bayer, qui a été nommé jeudi.
“Nous ne faisons que compenser les avantages auxquels il a renoncé en quittant son précédent employeur”, a dit à l’AFP une porte-parole de Sanofi, qui indique que M. Viehbacher avait bénéficié d’une mécanisme similaire lors de sa prise de fonction.
Cette indemnité est “conforme aux pratiques de l’industrie pharmaceutique, aux pratiques du CAC 40 et au code Afep-Medef”, a déclaré cette porte-parole, qui ajoute que “pour les dirigeants de grands labos pharmaceutiques, la compétition se joue au niveau international”.
Sur les 44 pages que compte ce code non-contraignant, formalisé par les organisations patronales Afep et Medef, un seul paragraphe est consacré aux “indemnités de prise de fonctions”, qui “ne [peuvent] être accord[ées] qu’à un nouveau dirigeant mandataire social venant d’une société extérieure au groupe. Dans ce cas, son montant doit être rendu public au moment de sa fixation”.
Dans un document annexe, les organisations patronales précisent que ces indemnités “peuvent constituer un élément important du recrutement d?un dirigeant.”
Face aux nombreuses polémiques suscitées par les rémunérations des dirigeants d’entreprises privées, le gouvernement a jusqu’ici misé sur l’auto-régulation, à l’exception de l’encadrement des retraites-chapeaux qui est inclue dans la loi Macron.
Interrogé sur l’opportunité de limiter ces rémunérations par la loi, M. Le Foll a estimé que “cela pourrait être dans la loi mais le problème est que ces grandes entreprises sont internationales”. De même, Mme Royal est restée prudente, se bornant à évoquer l'”auto-discipline” qui devrait s’appliquer dans ce type de situation.