ée le 18 février 2015 (Photo : Patrick Kovarik) |
[23/02/2015 18:42:32] PARIS (AFP) Racisme, négationnisme, apologie du terrorisme: face au déferlement sur la toile de vidéos, articles et messages haineux, les pouvoirs publics cherchent de nouveaux moyens d’action pour combattre l’impunité des auteurs, éduquer les internautes et responsabiliser les géants du net.
“On définit internet comme une conversation mondiale sans fin, il nous revient de dire qu’elle ne peut se dérouler sans limite. Le progrès technique n’est pas neutre ou vertueux par essence. Il doit être mis au service des valeurs que se donne une société”, a justifié la ministre de la Justice Christiane Taubira en clôture dimanche des premières assises de la lutte contre la haine sur internet organisée par l’Union des étudiants juifs de France (UEJF).
Durant cette journée, des responsables publics, associatifs et représentants de sociétés du net ont initié un dialogue pour tenter de rapprocher leurs points de vue.
Côté pouvoirs publics, Christiane Taubira veut renforcer l’arsenal juridique pour agir plus efficacement contre les auteurs de propos racistes ou antisémites et mieux responsabiliser les hébergeurs et fournisseurs d’accès. Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve s’est rendu la semaine passée dans la Silicon Valley pour tenter de convaincre les grands opérateurs de l’internet.
“Les infractions reconnues dans l’espace public doivent pouvoir l’être également sur internet”, a proclamé la garde des Sceaux, tout en reconnaissant la difficulté de la tâche face aux géants du net basés essentiellement aux Etats-Unis, mais aussi en Irlande et au Luxembourg, et qui contournent ainsi la loi française.
“Pour renforcer ce sentiment d’impunité, il faut renforcer le rôle de la puissance publique et étendre son action au niveau européen et international”, a affirmé la ministre.
“L’autorégulation par les grands opérateurs du net ne fonctionne pas car ils n’ont pas d’intérêt économique à ce que cela fonctionne”, a souligné Gilles Clavreul, délégué Interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
“Nous avons pris du retard sur les grandes évolutions technologiques. Il nous faut maintenant obtenir une domiciliation juridique des acteurs du net en France”, a indiqué le préfet. Un impératif indispensable pour simplifier d?éventuelles poursuites. Un texte est en préparation, il devra contourner le principe européen qui reconnaît la liberté d’installation des entreprises.
– ‘Un travail pédagogique’ –
Aujourd’hui les commissariats de police, saisis de plaintes, sont contraints d’adresser des courriels de demandes d’informations en anglais aux Etats-Unis pour tenter de caractériser une infraction, a rapporté Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargé du numérique.
Pour agir plus rapidement face aux dérives, Christiane Taubira souhaite également confier à l’autorité administrative le pouvoir de bloquer des sites racistes ou antisémites, comme cela existe déjà pour les sites pédopornographique et, depuis novembre, pour l’apologie du terrorisme.
Elle entend également favoriser les actions de groupe pour permettre aux victimes de propos racistes ou antisémites d’agir ensemble en justice.
Pour alerter sur les contenus illicites d’internet, le site gouvernemental de signalement “Pharos” a été renforcé en 2013. Mais la plateforme qui a enregistré 41% de signalements en plus en deux ans reste peu connue du grand public et dénoncée pour son manque de moyens par les associations antiracistes.
Un groupe d’avocats a donc décidé de prêter main forte et vient de lancer un site privé “dénoncer la haine sur internet” afin d’aider les internautes à faire condamner les auteurs de propos haineux ou racistes en leur fournissant des formulaires de plaintes à remplir et à envoyer au parquet.
“Mais, il ne faut pas se contenter du juridique, il faut aussi faire un travail pédagogique, d’éducation au numérique pour éveiller l’esprit critique”, explique Sacha Reingewirtz, président de l’UEJF qui intervient dans les écoles avec le programme “CoExist” pour notamment “déconstruire les préjugés souvent charriés par les discours complotistes sur internet”.