Il va falloir récolter les 19 milliards de dinars d’impôts prévus par la loi des finances si l’on veut boucler le budget de l’Etat pour l’année 2015. Nous sommes à la veille du mois de mars et presqu’au point mort. La raison? Une administration léthargique, en partie corrompue et à la limite indifférente quant à ce qui peut arriver aux salariés si elle n’assure pas son rôle dans la requête des impôts.
«A chaque fois que l’un des responsables au ministère des Finances demande des comptes aux dirigeants des recettes des finances, aux bureaux des impôts ou aux contrôleurs du fisc, le ou la concernée s’amène avec un représentant syndical pour se plaindre des conditions de travail et l’impossibilité de réaliser les objectifs dans de telles conditions. Nous en sommes au point où un directeur ne peut plus choisir les compétences qu’il estime adaptées aux postes adéquats sans l’accord des syndicats. Oui, madame, nous vivons aujourd’hui sous une nouvelle dictature, celle des syndicats post-14 janvier 2011», a déclaré un haut responsable au ministère des Finances qui a préféré garder l’anonymat de peur des représailles du syndicat. Et à juste titre. On parle aujourd’hui de mauvaises conditions de travail comme si elles n’existaient pas avant le 14 janvier ou comme si elles justifieraient l’absence de performances, la paresse ou la corruption!
Le plus triste dans le cas de l’espèce est que si les services des impôts et des recettes des finances continuent sur ce rythme, les fonctionnaires de l’Etat pourraient se voir privés de leurs salaires d’ici 3 à 4 mois. Ceux qui ont peur de voir la Banque mondiale ou le FMI débarquer en Tunisie pour dicter leurs conditions et leurs réformes devraient alors se taire car leurs positions laxistes face aux débordements syndicalistes risquent de mener le pays vers sa ruine.
Les syndicats relèvent-ils du sacré pour le leadership politique?
Le pire est que personne parmi les leaders ou les décideurs politiques n’ose critiquer ouvertement les pratiques syndicales dans les administrations ou ailleurs. Les syndicats relèvent désormais du sacré. L’absence d’Etat, ces dernières années, leur a permis d’étaler leur puissance aussi bien sur le secteur privé -otage des grèves lancées à tout bout de champ- que des administrations publiques. «Nous n’avons jamais autant assisté à des recrutements des parents et proches des syndicalistes au ministère de l’Enseignement supérieur, tels les rectorats et autres offices des œuvres universitaires. Pour les représentants syndicaux, toutes les erreurs sont permises et doivent être tolérées. Nous avons de la peine à pénaliser les contrevenants et nos directeurs sont terrorisés», témoigne, las, un cadre au ministère de l’Enseignement supérieur.
Sans parler de la mainmise du secrétaire général du syndicat de l’enseignement secondaire, Lassaad Yacoubi, sur tout le secteur: «Ce type fait de la politique, il n’est pas dans la logique de revendications purement syndicales. A-t-on idée de déclencher une grève alors que le ministre n’a même fait le tour des différents départements du ministère et n’a pas eu le temps d’étudier de près le dossier des revendications?», s’interroge une inspectrice au ministère de l’Education nationale.
A situation exceptionnelle -telle celle que nous vivons aujourd’hui dans notre pays-, les syndicats et à leur tête l’UGTT devraient peut-être avoir des agissements et des réactions différentes. Leurs revendications peuvent être légitimes, même si nombre de représentants syndicaux abusent de leurs prérogatives, mais elles ne justifient pas la banalisation de toute acte d’indiscipline ou des délits qui devraient désormais être considérés comme des actes de terrorisme économique. Comme le fait d’avoir bloqué tout récemment la zone industrielle de Ksar Saïd. Le ministère des Affaires sociales, son ministre allié inconditionnel de l’UGTT, et ses inspecteurs de travail ne sont pas dans l’indépendance, la neutralité ou le respect des lois mais plutôt dans l’allégeance aveugle à la centrale syndicale comme s’ils avaient pour directives de casser le tissu économique. Absurde!
Le phénomène de la puissance acquise par les syndicats qui a continué sur la lancée des incompétences de la Troïka qui ont dirigé le pays pendant 3 ans est un secret de polichinelle et touche tous les secteurs d’activités. Quand le représentant syndical du secteur énergétique crie sur tous les toits que ceux qui prétendent que les opérateurs étrangers dans l’énergie fuient le pays sont de fieffés menteurs, il ne peut en aucun cas convaincre les observateurs en place que ce n’est pas le cas. D’ailleurs, il n’a qu’à nous citer un seul nouvel investissement dans le secteur. Et cela fait un bail que des opérateurs comme ENI ou British Gaz qui rsiquent sérieusement de plier bagage, après des décennies de présence en Tunisie.
L’instabilité sociale de la Tunisie conjuguée à l’endurcissement des positions des responsables syndicaux risquent de la mener à son effondrement.
Nous avons beau essayer de comprendre le rôle hautement patriotique d’une centrale telle l’UGTT tout au long des mouvements de lutte des Tunisiens contre l’occupation française ou la dictature des gouvernants post-coloniaux, nous n’arrivons pas à comprendre qu’aujourd’hui elle néglige ce rôle là pour se barricader dans une logique toute revendicatrice. La «légitimité» des requêtes syndicales justifierait-t-elle que l’on participe consciemment ou inconsciemment à la destruction du tissu socio-économique du pays?
La Tunisie est en crise, un nouveau gouvernement vient tout juste de s’installer. Le contexte sécuritaire est délicat et celui économique l’est encore plus. Serait-ce trop demander que de prier un syndicat qui se targue, depuis toujours, d’être très patriote de reporter un peu ses revendications», se demande un cadre au ministère, le temps que le pays et l’économie soient remis en selle?
Est-il immoral de solliciter un acteur social important d’œuvrer à rétablir la confiance des investisseurs dans le site Tunisie et l’autorité des hauts commis de l’Etat dans leurs administrations afin qu’ils gèrent au mieux les intérêts du pays?
Les temps dans un pays, comme la Tunisie, ne sont plus aux réclamations aveugles, ils sont plutôt aux sacrifices qui ne doivent pas être uniquement consentis par les travailleurs mais par tous les contribuables et certainement pas aux dépens des plus démunis.
Mais encore faut-il que l’on donne du temps au temps et l’opportunité aux décideurs de faire ce qui s’impose pour sauver le pays. Il ne s’agit pas d’être un Etat dans l’Etat mais un acteur important dans la reconstruction de l’Etat.