ée (Photo : Patrick Kovarik) |
[26/02/2015 18:14:50] Paris (AFP) La France se montre jeudi sereine sur sa capacité à réduire son déficit public à 3% du PIB d’ici 2017 après un énième sursis mais elle est en fait plus près que jamais d’être sanctionnée pour manque de réformes et dérapages budgétaires.
Paris a obtenu mercredi un délai de deux ans pour ramener son déficit dans les clous européens, la Commission acceptant ainsi ce qui avait déjà été décidé par l’adoption des textes budgétaires par le Parlement français fin 2014.
“3% en 2017, c’est ce que la France a souverainement décidé à travers le Parlement”, a déclaré jeudi à l’AFP le ministre des Finances Michel Sapin, en assurant que vraiment Paris n’avait pas demandé de délai jusqu’en 2018 pour éviter les mesures impopulaires juste avant l’élection présidentielle de 2017.
Plus précisément, la prévision française était de 2,7% du PIB en 2017, après 3,6% en 2016 pour ce ratio de déficit public, c’est-à-dire l’addition des déficits de l’Etat, des collectivités territoriales et de la protection sociale, rapportée au produit intérieur brut.
“La pente n’est pas si rude, c’est une réduction par an raisonnable”, temporisait-on par ailleurs jeudi au ministère des Finances.
Mais en regardant de plus près les commentaires de Bruxelles, on constate un durcissement de la position de la Commission, derrière ce troisième délai. Une largesse de trop pour de nombreux pays européens qui ont été contraints à des efforts budgétaires sur des périodes plus courtes et soupçonnent un traitement de faveur.
La Commission européenne a jugé que la France connaissait des déséquilibres macroéconomiques “excessifs” et a placé le pays à 5 sur une échelle de 6. Seule la Bulgarie a connu mercredi un traitement similaire. La phase 6 est celle qui peut activer les sanctions, ce pourrait arriver dès le printemps, a expliqué une source européenne.
D’ici là, Paris va devoir présenter un plan national de réformes “ambitieux”. Si les mesures ne sont pas jugées satisfaisantes en mai, Bruxelles demandera un plan correctif et si ce n’est toujours pas suffisant, le pays risquera alors une sanction financière, ce qui serait du jamais vu.
Cette sanction peut-être appliquée via un dépôt portant intérêt, équivalent à 0,1% du PIB, transformé en amende annuelle si le pays échoue une deuxième fois à prendre les mesures recommandées.
– 4 milliards d’euros à trouver –
A cette épée de Damoclès, s’ajoute une série de jalons pour réduire le déficit public de la France, qui devrait être le plus élevé de la zone euro en 2016, à 4,1% du PIB à politique inchangée, d’après les prévisions de Bruxelles. La prochaine étape est dans trois mois, et là encore le pays risque des sanctions financières inédites, sous forme d’une amende de 0,2% du PIB.
La France doit réduire en 2015 de 0,5 point de PIB son déficit structurel, c’est-à-dire estimé hors effets de la conjoncture, au travers de calculs complexes.
Or la Commission, dans ses propres calculs, considère que Paris ne prévoit de le réduire que de 0,3 point de PIB cette année. Il manque donc 0,2 point, soit 4 milliards d’euros. Certaines réductions de déficit sont considérées comme structurelles par Paris mais jugées purement conjoncturelles par Bruxelles.
Le ministre français des Finances, Michel Sapin, a assuré jeudi à Vienne que des “mesures supplémentaires” seraient prises si nécessaire pour remplir cet engagement.
“Ca va être très compliqué”, souligne Eric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, d’autant que le gouvernement s’est engagé à ne plus augmenter les impôts.
La France peut “s’attaquer aux retraites” ou bien, par l’intermédiaire des partenaires sociaux, à l’assurance chômage mais ne trouvera jamais ainsi quatre milliards d’euros dans des délais aussi brefs, estime-t-il.
M. Heyer croit plutôt à un scénario relevant plus de la tactique que de la réforme. “Le gouvernement pourrait jouer la carte de l’objectif de 4,1% de déficit nominal” désormais “largement” accessible du fait d’un regain attendu de croissance, qu’il prévoit supérieure à 1% en 2015.
“Le gouvernement pourra alors dire +vous n’avez plus à regarder les efforts structurels+”, dit-il.