La France construit beaucoup plus que ne le disent les statistiques (Photo : Jeff Pachoud) |
[27/02/2015 08:11:33] Paris (AFP) Des logements “fantômes” par centaines de milliers, qui existent bel et bien mais que les statistiques ont oubliés: depuis des années, les chiffres officiels de la construction s’éloignaient de la réalité, a admis le ministère du Logement, qui a mis au point une nouvelle méthode statistique.
La France construit beaucoup plus que ne le disent les statistiques, et depuis 2004, le seuil de 400.000 logements mis en chantier a même été franchi sept fois, avec un pic à 493.900 en 2006, selon les nouveaux calculs du ministère, publiés vendredi.
En 2014, qui apparaissait comme le pire cru depuis 17 ans, ce sont en fait 356.200 logements qui ont vu leur construction débuter, soit près de 58.600 de plus qu’initialement annoncé.
Les logements non comptabilisés jusqu’ici s’élèvent ainsi à 69.900 en 2013, 52.400 en 2012, 68.900 en 2010 et curieusement… seulement 1.500 en 2011.
Au total, depuis 2000, le déficit est de 346.000 logements, dit le ministère.
Certains professionnels du secteur s’en doutaient de longue date, sans pouvoir avancer de chiffres.
“Depuis plusieurs années à la Fédération française du bâtiment, nous disions que les statistiques officielles ne concordaient plus avec nos carnets de commande de gros oeuvre, la consommation des volumes de matériaux, le niveau des crédits immobiliers…”, dit à l’AFP Jacques Chanut, président de la FFB.
“Nous savions depuis longtemps que ces chiffres étaient très fragiles, et l’idée que la construction était sous-estimée était assez répandue”, renchérit l’urbaniste Jean-Claude Driant.
– Tendance toujours baissière –
En 2010, un rapport du Conseil national de l’information statistique (Cnis) soulignait la “situation délicate” due selon lui, à la négligence des demandeurs de permis de construire (promoteurs, particuliers, bailleurs sociaux).
Faute de sanction, ceux-ci “omettent fréquemment” au début des travaux, de s’acquitter de l’obligation de déclarer l’ouverture de leur chantier, selon la Cnis.
Transmises parfois avec retard, recensées par l’administration avec une célérité très inégale d’une région à l’autre, ces données reflétaient de moins en moins les mises en chantier en temps réel.
La France construit beaucoup plus que ne le disent les statistiques (Photo : Philippe Huguen) |
Depuis 2007, dit le ministère, des “trous de collecte” ont été recensés en Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Aquitaine. Parfois simplement dus à une absence prolongée du fonctionnaire chargé de compiler les chiffres, selon une source bien informée.
Une situation pour le moins problématique, car cette statistique est suivie de près, tant par les professionnels, que les collectivités locales, ou les banques…
Désormais, dit le ministère, les chiffres seront calculés à l’aide d’un modèle statistique fiable, censé délivrer “une information en temps réel de la conjoncture” et fournir des “résultats plus fidèles à la réalité du terrain”.
Les données collectées sont ainsi complétées par des enquêtes annuelles et croisées avec d’autres paramètres (stock de logements invendus des promoteurs, taux d’intérêt, moral des ménages…)
Une quarantaine de personnes ont aussi été recrutées afin d’optimiser le traitement des données.
Mais pour disposer d’une base de données “parfaitement fiable”, il faudrait saisir les informations au fur et à mesure, ce qui demanderait des “moyens humains et financiers conséquents”, ce que le ministère ne juge “pas envisageable”.
A défaut, il réfléchit à lier des recettes versées aux collectivités locales (les aides aux maires bâtisseurs) à la qualité des informations sur la construction transmises par celles-ci.
Selon les chiffres du ministère publiés vendredi, 352.900 logements ont été mis en chantier au cours des 12 derniers mois (février 2014/janvier 2015).
Ils “montrent une stabilité de la production de logements collectifs de 2010 à 2014”, note François Payelle, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).
“Cela ne correspond pas à ce que nous vivons sur le terrain: depuis deux ou trois ans, nous avons lancé moins de chantiers”, souligne-t-il, se disant “perplexe”.
Toutefois la tendance demeure baissière.
“Il y a bien une crise du logement neuf et pour résorber le déficit d’un million de logements (…), il faudrait en construire 500.000 par an pendant dix ans”, estime de son côté M. Chanut.
“La priorité reste la relance du logement et de la construction”, assure-t-on au ministère.