L’incident paraît anodin mais il ne l’est pas. Un nombre (50 ou 100 selon les versions) de camions libyens ont forcé le passage à Ras Jedir et sont entrés en Tunisie au début de cette semaine. Le cafouillage qui s’en est suivi, les bizarreries des réactions gouvernementales et le blabla d’une presse qui semble de plus en plus déboussolée et se vautrant dans ces frasques indicibles, nous renseignent sur l’état de malaise des institutions en Tunisie.
Pendant ce temps, les députés, seuls à détenir le vrai mandat de pouvoir populaire, se chamaillent sur le poste de président de la Commission des finances de l’ARP.
Quelques jours auparavant, 4 agents de la garde nationale ont été criblés de balles, du côté de Boulaaba à Kasserine, dans des circonstances non encore vraiment élucidées. Depuis et bien avant, chaque jour les forces de l’ordre arrêtent des salafistes jihadistes, démantèlent des réseaux de soutien et arrêtent de dizaines d’individus préparant de près ou de loin des attentats.
Un gouvernement aux abonnés absents
Entre temps, les énergumènes de DAECH se sont appropriés Syrte et paradent dans leurs pick-up rutilants dans certaines villes de Libye à un jet de pierre de Ben Guerdane. Le gouvernement tunisien est presque aux abonnés absents car la lutte contre le terrorisme ne concerne pas uniquement le ministère de l’Intérieur. C’est vrai que le gouvernement d’Habib Essid vient juste de s’installer mais l’urgence est manifeste et le pays et les citoyens ont besoin d’être secoués.
Il est impératif de se rappeler qu’on est en guerre ouverte, de cesser de se lamenter sur son petit sort et de se mobiliser pour défendre la République et le pays.
Les premiers sur la liste des absents sont évidement les partis politiques qui semblent avoir pris des vacances depuis octobre 2014 et la fin des élections. Au point que la dernière manifestation décidée par Nidaa Tounes et Ennahdha, pourtant les deux plus grands partis du pays, n’a rassemblé qu’une poignée de manifestants.
La mobilisation a ses attributs et ses mécanismes. Elle a également ses vertus à l’intérieur et à l’extérieur du pays. La mobilisation doit commencer par le président de la République lui-même et par les autres présidents. Un discours rassembleur -répétitif s’il le faut, axé sur nos valeurs et sur ce à quoi nous tenons tous, intransigeant quant à notre souveraineté et notre liberté- est attendu par les citoyens. Ce discours doit également viser les ennemis de ce pays, de son peuple et de son modèle.
Les champs de bataille du gouvernement
Le gouvernement a d’autres champs de bataille. Sur les frontières, sur les routes, dans une guerre déclarée ouvertement et de tous les jours contre la 5ème colonne des salafistes, principalement les contrebandiers de tout acabit et les trafiquants notoires qu’il faut arrêter, traduire en justice et désigner dans les médias pour donner l’exemple.
Rôle des partis politiques et de la société civile
Les partis politiques ne doivent pas être du reste. Ils sont l’expression de notre maturité politique. Ils doivent manifester, organiser des meetings, expliquer les dangers et les dessous du salafisme, et nommer clairement les ennemis du pays.
La société civile et ses diverses organisations, particulièrement les organisations féminines, ne doit pas être absente de cette mobilisation générale. Elle doit clarifier ses positions, designer les dérives, accuser les faux semblants et les dénoncer, expliquer la supériorité de nos choix politiques et citoyens face à l’obscurantisme et aux idées moyenâgeuses d’Ansar Chariaa et dérivés (Daech et compagnies) bien cachés derrière des façades de religiosité frelatée…
Rôle des médias…
Les médias aussi doivent se mobiliser dans cette bataille. Certes beaucoup font de leur mieux et ne transigent pas sur ce sujet. Mais les comportements ambigus, les sous-entendus, les manières biaisées de traitement de l’information, les litanies répétitives de pseudo-experts n’aident pas les citoyens à y voir clair.
Les médias ne reflètent enfin d’analyse que l’état de l’opinion à un moment donnée et ne publient enfin d’analyse que l’expression de la société autour d’un sujet donné.
Mais force est d’admettre que l’état de notre société est tout sauf celle d’une société mobilisée contre un danger qui risque demain de nous faire tomber le ciel sur la tête!