Le montant des investissements dans le secteur industriel durant le mois de janvier 2014, dans notre pays, a été de l’ordre de 174,2 MDT, comprenant la création de nouveaux projets ou l’extension d’autres existants. Ce chiffre a régressé de 6,1% durant le mois de janvier 2015 avec seulement 163,6 MDT.
Dans le secteur des services, la régression pour le premier mois de l’année est encore plus frappante d’après les chiffres publiés par l’APII (Agence de promotion de l’investissement et de l’innovation). Ainsi, de 108,6 MDT investis en 2014, le montant des investissements a brutalement chuté à 57,9 MDT (soit -46,7%).
Les raisons? Il faut reconnaître que depuis 2008, tous les pays méditerranéens ont souffert du recul des investissements à l’exception du Maroc qui a profité ces dernières années de l’instabilité socioéconomique et politique des pays du «printemps arabe».
Mais pour le cas tunisien, au-delà du politique et du sécuritaire, c’est l’instabilité sociale et le manque de visibilité malgré l’avènement d’un gouvernement permanent, qui sont à l’origine de cette réticence nationale et internationale à l’investissement depuis 2011.
«Qui oserait investir dans l’industrie lorsqu’il sait que son usine peut être mise en faillite à cause des troubles sociaux, du manque de productivité et de l’indiscipline des travailleurs protégés systématiquement par les syndicats, avant même d’avoir décollé et amorti ses investissements?», déplore un industriel opérant dans le secteur des textiles.
Pour Ezzeddine Saïdane, expert en économie et fondateur de Directway consulting, «les investissements dans l’industrie lourde ou légère sont capitalistiques, ce qui implique trop de risques pour un opérateur qui doute de sa capacité à maintenir son usine en marche».
Quoi de plus normal dans un environnement aussi incertain où le gouvernement de la deuxième République, à peine installé, doit faire face non seulement à de sérieux problèmes sécuritaires mais également à une forte pression sociale.
Sans oublier la formation même du gouvernement revue et corrigée en raison de la composition d’une ARP où les partis dominants ont exigé leurs parts du “butin électoral“ pour accorder leur vote de confiance au gouvernement. Une ARP qui a fait prévaloir le consensus politique aux dépens des compétences nationales opérationnelles et efficientes. Et encore, nous ne savons même pas si les différences idéologiques existant entre les différents partis se partageant le pouvoir permettront d’avoir la même vision quant aux orientations politiques et socioéconomiques d’un pays en crise.
La flambée des revendications risque de bloquer tout investissement dans les régions
Certains opérateurs économiques auraient même peur d’un scénario à la Grecque sans une Europe pompier. «En réalité, les revendications sociales que nous voyons aujourd’hui s’inscrivent parfaitement dans une stratégie savamment conçue et en cours de mise en œuvre. Il est clair que l’UGTT et l’extrême gauche sont en train d’asseoir leur domination sur le gouvernement. L’objectif immédiat est déjà de tétaniser le gouvernement et de le dissuader d’engager toute réforme économique qui leur déplait», indique un chef d’entreprise.
Nombreux sont ceux qui s’inquiètent du fait que «les revendications salariales interminables aggravent le déficit budgétaire de l’Etat, le contraignant à s’endetter davantage tout en empêchant tout investissement en infrastructures, toute génération de croissance et toute création d’emploi». Les Sami Tahri et Lassaad Yaacoubi, respectivement membre du bureau exécutif de l’UGTT et secrétaire général du Syndicat de l’enseignement secondaire, qui campent sur leurs positions sans prendre en considération les souffrances du pays, accentuent les tensions sociales et poussent les salariés -dans le public et dans le privé- à plus d’intransigeance et même au jusqu’au-boutisme.
«Les conséquences seront (ou plutôt sont déjà) désastreuses pour la confiance des opérateurs économiques et pour l’image déjà médiocre de la Tunisie. Est-ce dans ces conditions que nous allons nous remettre à investir et à créer des emplois? Encore plus dans les régions souffrant le plus de chômage! Tout le monde doit désormais savoir que toute augmentation de salaires dans les conditions actuelles est loin d’améliorer le pouvoir d’achat mais bien au contraire alimentera l’inflation et diminuerait les chances des chômeurs à trouver du travail, puisque les entreprises seront moins compétitives et auront plus tendance à réduire leurs effectifs plutôt qu’à recruter!».
La centrale ouvrière est-elle consciente des risques de son intransigeance sur le pays, les investissements et les créateurs de richesses ou irait-elle dans son intransigeance jusqu’à ruiner le pays et s’autodétruire elle-même?