L’Inde sous pression pour agir en faveur du climat

9433a1a10226560f64727ac8c4f96cde8bcff95a.jpg
évrier 2015 (Photo : Money Sharma)

[05/03/2015 09:01:38] New Delhi (AFP) Des volutes d’épaisse fumée noire s’échappent vers les cieux nuageux de Delhi au fur et à mesure que Kunti Desai alimente son fourneau à charbon pour produire le goudron nécessaire à la réfection d’une route de la capitale.

Kunti Desai, dont les mains et le visage sont noircis par la fumée, sait que son travail contribue à dégrader la qualité de l’air de la mégapole, qui dépasse fréquemment Pékin comme capitale la plus polluée du monde. Mais, dit-elle, “cette fumée me permet de gagner ma vie”.

“Nourrir mes enfants et les envoyer à l’école est plus important que de m’inquiéter de la qualité de l’air”, dit cette mère de deux enfants qui gagne 40 dollars par mois.

Les habitants de Delhi respirent un cocktail toxique composé de poussières, de rejets émis par des sites industriels et de construction et des gaz d’échappement de millions de véhicules.

Selon une étude conjointe du Health Effects Institute, basé à Boston, et de l’Energy Resources Institute de Delhi, au moins 3.000 personnes meurent prématurément chaque année dans la capitale en raison de leur forte exposition à la pollution.

Le quotidien de Kunti Desai offre un aperçu du défi que doit relever le Premier ministre indien Narendra Modi à l’approche de la conférence de Paris sur le climat en décembre, en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

– Coupures fréquentes –

Alors que nombre de logements et d’usines connaissent encore de fréquentes coupures de courant, le gouvernement indien se retrouve pressé de réduire la forte dépendance de l’Inde au charbon.

L’Inde est le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre et ses partenaires l’exhortent à annoncer des objectifs de réduction de ces gaz, en particulier depuis que les Etats-Unis et la Chine ont conclu un accord sur ce sujet en novembre.

Barack Obama a estimé en janvier que le monde n’avait “aucune chance” dans la lutte contre le changement climatique si les grandes puissances émergentes comme l’Inde ne réduisaient pas leur dépendance aux énergies fossiles.

a32bf8ec1dfad192761c510ad0ed6155a1e8f00e.jpg
é à New Delhi le 18 février 2015 (Photo : Money Sharma)

Mais l’Inde se garde pour l’instant de tout engagement chiffré de réduction, craignant de nuire à ses efforts pour améliorer le niveau de vie de sa population de 1,2 milliard de personnes, dont un quart est pauvre.

Le gouvernement estime que les efforts doivent essentiellement reposer sur les pays les plus industrialisés.

Arunabha Ghosh, chef du Council on Energy, Environment and Water, reconnaît que fixer des objectifs comme l’a fait la Chine pourrait nuire à l’économie indienne.

“Le développement voulu par le gouvernement n’est pas que de la rhétorique, il a un contenu réel. Des objectifs trop ambitieux en matière d’énergie renouvelables risqueraient de rendre inaccessible l’électricité pour les 20% des foyers les plus pauvres”, dit M. Ghosh à l’AFP.

“Cette question soulève un dilemme: qui va supporter ces coûts élevés?”.

– Ciel gris opaque –

L’Inde prévoit de produire 100.000 mégawatts d’énergie solaire d’ici 2020, contre 3.000 MW actuellement et estime que l’industrie des renouvelables pourrait générer 160 milliards de dollars de revenus sur les cinq prochaines années.

Modi a promis de fournir d’ici 2019 de l’électricité aux plus de 300 millions d’Indiens qui n’y ont pas accès, notamment via le solaire.

Mais il compte aussi beaucoup sur le charbon, gros émetteur de gaz à effet de serre, prévoyant un doublement de la production avant 2019 à un milliard de tonnes.

L’Inde produit 60% de son électricité via le charbon, une ressource qui tue jusqu’à 115.000 Indiens par an, selon des études.

Plus de la moitié des habitants en Inde vit dans des zones où la concentration en particules fines est bien supérieure aux niveaux acceptables.

0152e4c7aebe5b432f7792aa08c2b1bb333e9567.jpg
à briques à Sahibabad, près de New Delhi, le 20 février 2015 (Photo : Prakash Singh)

A Delhi, les habitants vivent sous un ciel gris opaque et les débats télévisés sur la qualité de l’air se multiplient.

L’an dernier, les autorités de la capitale avaient contesté l’étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classant Delhi comme capitale la plus polluée au monde avant de reconnaître qu’elle se classait moins bien que Pékin, pourtant “réputée” pour sa pollution.

Et pour Vikram Mehta, chef de Brookings India, le projet de budget du gouvernement présenté samedi fait l’impasse sur l’arbitrage entre besoins énergétiques et protection environnementale.

“En dehors d’une brève référence à une taxe carbone, le discours (du ministre des Finances) ne contient rien qui puisse réduire les craintes des défenseurs de l’environnement”.

Modi a récemment estimé qu’il ne sentait aucune pression de la part de l’étranger sur le climat mais s’est inquiété “de l’héritage que nous laisserons aux générations futures”.