Ecole centrale de Marseille, le 3 mars 2015 (Photo : Boris Horvat) |
[05/03/2015 09:39:17] Marseille (AFP) Au terminus nord du métro marseillais, dans un laboratoire équipé d’imprimantes 3D et de fers à souder, vingt-quatre jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville viennent de se lancer dans une formation intensive au code informatique.
“Depuis mon tout jeune âge, l’informatique c’est ma passion”, lâche d’une voix douce, Salim, “chaud à 2.000%” pour s’investir dans le programme, dont les participants ont 24 ans en moyenne.
Cette formation s’ouvre cette semaine à l?École Centrale de Marseille, en partenariat avec la start-up sociale de Montreuil (Seine-Saint-Denis) Simplon.co, alors que vendredi se tient à Matignon un Comité interministériel sur l’égalité et la citoyenneté, comportant un volet numérique.
“Parfois, j’ai des petites idées de projet qui me passent par la tête (et) j’aimerais bien me lancer moi-même, aller vers les entrepreneurs”, explique le jeune homme, tempes rasées et mèche de footballeur, lors de son entretien de motivation, auquel l’AFP a pu assister.
Mais les diplômes tunisiens de Salim, “pas reconnus ici” et des notes jugées insuffisantes en mathématiques, lui ont fermé les portes d’une licence en informatique.
Avec un score de “17 badges” aux épreuves de présélection en ligne — les 46 candidats initiaux devaient suivre, sans pré-requis, les tutoriaux des sites de formation en ligne Code School et Codecademy — le jeune homme est pourtant dans “le haut du panier”, note Erwan Kezzar, co-fondateur de Simplon.co, qui conduit l’entretien.
– ‘Une page Facebook avec 400.000 fans!’ –
“Et tu as une page Facebook avec 400.000 fans!”, s’exclame l’expert en innovation numérique qui pianote sur son ordinateur portable: “comment s’appelle-t-elle ?”
“La page qui n’a pas de nom”, répond calmement Salim. “Bien joué!”, dit Erwan, interloqué: “c’est venu comme ça ou tu as fait un travail pour aller chercher des gens, des buzz ?”.
Ecole Centrale de Marseille, le 3 mars 2015 (Photo : Boris Horvat) |
Salim détaille sa méthode: “échanger avec d’autres pages”, “être régulier dans les publications” et … afficher la photo d’une jolie fille, souligne Erwan.
“Growth hacker!” [pirate de croissance, ndlr], pointe le connaisseur qui identifie cette stratégie marketing, consistant à générer du trafic sur une page par tous les moyens: “Mais je peux vous montrer les messages: les personnes croient vraiment que c’est une fille”, glisse Salim dans un sourire.
Avec 35 badges, Lydia tient pour sa part le record des postulants de la matinée. “J’aime trop les maths”, dit-elle, s’excusant presque d’avoir dévoré tous les cours d’HTML en ligne, comme 40% du programme Java Script et Ruby.
“Pour moi le codage c’est vraiment de la réflexion”, dit la lauréate d’un bac scientifique égyptien, mention très bien: “réfléchir pour arriver à ce qu’on veut: taper, taper, taper et après on visualise, on sent ce qu’on a fait concrètement”.
Son objectif, au terme de cette formation gratuite financée pour moitié par l?État — l’équivalent coûte minimum 12.000 dollars aux États-Unis, note Erwan –, et qui débouche sur six mois d’apprentissage ? “Être technicien”, avec un rêve d’enfance: l’aéronautique. En fouillant sur internet, Lydia a repéré un ancien élève de Centrale Marseille, devenu ingénieur commercial en informatique à Paris: “il gagne bien sa vie (…) il bouge”.
Lorsque Lydia se lève pour rejoindre les trois autres membres du groupe avec lesquels elle doit, parallèlement aux entretiens, dessiner le blason — un graphisme, trois valeurs, trois projets, un slogan — de sa future équipe, Erwan confie qu’il voit en elle un profil semblable à celui de Parisa Tabriz, la “security princess” – responsable de la sécurité informatique – irano-américaine de Google.
Vient le tour de Steven. Après quatre ans dans l’armée, où il conduisait les camions informatiques déployés sur les terrains d’opération. Lui cherche à se reconvertir dans le social où il a déjà contribué à l’évangélisation” informatique de parents d’enfants en difficulté.
“Je suis autodidacte”, dit-il, sans détour, avant d?égrener ses nombreuses expériences — maintenance, développement de sites — et les longues nuits passées devant son écran. “J’ai un truc, c’est que quand j’ai un problème (…) il faut que je le règle”, dit-il.
“Eh bien écoute, j’en sais assez”, lâche Erwan, enthousiaste. Les trois candidats ont fait leur rentrée lundi.