Encore un tour de vis pour abaisser les prévisions de croissance mondiale. Et toujours le même appel à davantage de réformes. Le discours du FMI garde la même tonalité monotone.
Quand le FMI se met en posture de vigie de la croissance mondiale, sa consigne est invariablement la même: réduire la voilure. Pour 2015, il n’a pas dérogé à la règle avec -0,3% pour l’ensemble de l’économie mondiale. On fera 3,5% au lieu de 3,8%. Au moins les fois précédentes, on faisait cas de la Chine et les pays de l’ASEAN. Mais cette fois la Chine essuiera (-0,3%) chutant à 6,8%, et les BRIC (-0,6%) pour se trouver à 4,3%.
C’était le message principal de “la revue semestrielle des prévisions économiques pour la région MOANAP“*. Cela s’est déroulé jeudi 26 courant dans le grand amphi de la BCT, avec une présence furtive du gouverneur de l’Institution d’émission et un échange qui n’a pas généré, hélas! Un véritable débat avec Georgina Albertin, représentante permanente du Fonds auprès de la Tunisie. Et ce malgré son expertise et sa bonne volonté. On était pris à contrepied.
La chute considérable du cours du brut est une aubaine qui devrait, avait-on espéré, faire repartir les économies mondiales et bien entendu tunisienne. Il n’en sera rien. Le pétrole entraîne dans sa baisse les métaux qui faisaient le bonheur des pays africains, nous rappelle-t-on. De surcroît, l’économie américaine manque de vigueur et seigneur dollar renchérit. L’UE est à la peine avec un risque de déflation qui lui pèse sur la tête.
Le palier prévisionnel de la croissance mondiale s’installe à hauteur du “nouveau médiocre“ décrié par Christine Lagarde, DG du Fonds. Voilà le décor est planté. Comment se comporte la Tunisie dans ce panorama mondial?
Le bilan en devises de l’énergie ne s’améliore pas…
Dans son intervention, le gouverneur de la BCT n’a pas mâché ses mots. La détente des cours du brut dure depuis le mois de septembre 2014 et le bilan en devises du secteur de l’énergie ne s’est pas amélioré en conséquence. Le bon peuple n’arrête pas de réclamer la baisse du prix à la pompe et pourtant les comptes de nos exportations balancées du produit de nos exportations ne s’améliorent pas et donc ne le permettent pas.
Il faut faire la lumière sur la question, a-t-il conclu. Un full audit ne serait pas de trop afin de tirer les choses au clair. Voilà un budget qui est établi sur la base d’un cours à 98 dollars le baril, et quand le baril tombe à 50 dollars et les comptes ne sont pas pour autant soulagées. Le gouverneur met le gouvernement à l’amende en dégoupillant cette grenade et désormais l’opinion attend les éléments de réponse.
La chute des prix de l’énergie, quel apport pour la Tunisie?
La Tunisie est mal lotie pour l’année 2015 avec une prévision de croissance de 3%. A l’évidence, le repli du brut améliore la position extérieure du pays. Le gain moyen pour la Tunisie est d’environ 2% de PIB. L’amélioration du déficit budgétaire est d’environ 1%. Mais cela ne crée pas les conditions d’un bouleversement significatif de nos finances publiques et ne présage pas d’une reprise économique.
Georgina Albertin rappelle que ce choc positif est vite absorbé par la baisse de la croissance en Union européenne, il faut reconnaître que le bilan est maigre et qu’on sera privé de l’effet d’aubaine.
Accélération des réformes et discipline salariale
Selon le FMI, cette détente des cours qui nous procure un certain répit pour la position extérieure doit être mise à profit pour accélérer les réformes en tous genres. Et il y en a parmi ces réformes qui sont impopulaires, notamment celles concernant les subventions budgétaires. Avec le FMI, la Tunisie a toujours su plaider la progressivité. C’est un moindre mal face aux appels d’urgence du Fonds.
Le pilotage du plan de restructuration du secteur bancaire se déroule bien selon cette cadence. Mais que faire quand le Fonds prévient mezza voce de ne pas laisser les comptes publics déraper? Il insinue par-là que le gouvernement ne peut augmenter les salaires des fonctionnaires alors qu’il sait que le pays est à la veille d’un round de négociations sociales.
Que n’a-t-il empêché les gouvernements de la Troïka de faire une embauche massive de fonctionnaires? Les comptes ont explosé pendant les trois années où la Troïka était à la barre. Au FMI, pour avoir applaudi au succès de la transition politique, ne sait-on pas qu’un refus d’augmentation des fonctionnaires mettrait ce précieux acquis en péril? Qu’est-ce qu’on doit penser de l’attitude du Fonds, en la matière?