éparent leur entrée dans les supermarchés (Photo : Loic Venance) |
[07/03/2015 13:22:41] Paris (AFP) Un rien suffit à les écarter: trop ronds, trop longs, trop foncés… Après les légumes tordus, d’autres “Gueules cassées” préparent leur entrée prochaine aux rayons camembert, charcuterie et petit-déjeuner.
Nicolas Chabanne a confiance: lui qui a imposé aux étals des pommes et des carottes trop mal fichues pour les circuits de distribution traditionnels sent que le consommateur en redemande et que chez les distributeurs aussi l’idée fait son chemin.
Une poignée d’enseignes ont donné leur accord pour faire une place à de nouveaux produits à défaut dès début avril: camemberts au lait cru de Normandie, céréales du petit-déjeuner et saucisses fumées, qui seront vendus au minimum 30% moins cher que leurs modèles calibrés.
“Nous sommes dans la dernière ligne droite pour lancer une marque antigaspi élargie à l’ensemble des secteurs agroalimentaires” assure M. Chabanne à l’AFP. “Des milliers de tonnes de produits, l’équivalent de 17 Stades de France remplis de produits parfaitement consommables et aussi bons que les autres, malgré d’infimes défauts d’aspect, peuvent être proposés à la vente plutôt que jetés”.
Dans le cas du camembert de la Laiterie Gillot, à Saint-Hilaire-de-Briouze, il s’agit de fromages dérogeant au cahier des charges strict de l’AOC (Appellation d’origine contrôlée) en raison de leur forme inégale – trop ronds, pas assez lisses – mais fabriqués avec le même lait cru garanti 100% terroir.
De même, des céréales fabriquées pour des marques de distributeurs (MDD) par la PME Sevenday à Soultz, en Alsace, sont écartées pour “des détails infimes, à peine visibles à l’oeil nu” insiste Rébecca Royal, la responsable de l’opération chez ce fabricant.
“Ce sont des produits tout à fait comestibles. En termes de goût et de recette, rien ne diffère d’une céréale classique sauf l’aspect: ils sont trop petits, trop gros ou le chocolat est trop prononcé par rapport au cahier des charges…” L’affaire se joue au millimètre et c’est chaque jour 10 à 15% de la production qui est écartée, assure-t-elle.
– Chasse au gaspi et anti-crise –
Jusqu’ici ces indésirables allaient à l’alimentation animale, désormais Sevenday compte vendre près de 600.000 boites de céréales à défaut par an. “Le produit est bon et mérite d’être mangé”, relève Mme Royal.
Autre argument, de poids: la boite sera vendue en dessous d’un euro, contre 2,50 pour une marque emblématique et 1,60 pour une MDD.
A Fêche l’Eglise, en plein Territoire de Belfort, Sébastien Roux est déjà débordé par le succès, la presse locale s’étant faite l’écho de ses saucisses de Morteau et de Montbéliard vendues 30% moins cher directement à l’usine: “Je les fabrique sous IGP (Indication géographique protégée) ce qui m’impose un triage très strict” explique le responsable de la PME Saborec.
éparent leur entrée dans les supermarchés (Photo : Matthieu Alexandre) |
“On a environ 2% de déclassés, question de diamètre, de fumage, de couleur trop ambrée… Tout ça va passer sous la bannière des Gueules cassées”.
Tous ces fabricants tendent vers l’objectif Zéro Défaut, mais tant qu’il n’est pas atteint préfèrent voir la marchandise écoulée à prix doux au bénéfice du consommateur, résument-ils à l’AFP.
En temps de crise et de chasse au gaspillage alimentaire, l’initiative a d’ailleurs trouvé son public: la preuve, les 32.000 euros collectés sur la plateforme de financement participatif kisskiss bankbank.
“Il y a des gueules cassées chez tous les producteurs et la crise partout” reprend Nicolas Chabanne. “C’est un nouveau segment qui arrive dans les rayons”.
La somme collectée lui permettra d’installer son initiative chez les géants de la distribution et la vignette qui labellisera les denrées concernées.
“Et puis, face au distributeur, ça nous donne des armes, ça montre que les consommateurs sont intéressés quand une étudiante avance 15 euros ou un retraité, 2.000 pour nous soutenir” note M. Chabanne.
Venu de la pub et du marketing il avait déjà lancé les primeurs “Mon Petit producteur”, avec la tête et l’adresse du maraicher sur le panier, avant d’initier Les Gueules Cassées en 2014 et de convaincre, en huit mois, 1.500 points de vente.