[08/03/2015 13:52:20] Athènes (AFP) Avec son humour désinvolte et son sourire carnassier, Yanis Varoufakis est devenu l’icône du nouveau gouvernement grec de gauche radicale, mais un mois et demi d’omniprésence médiatique ont fini par agacer jusqu’à son propre camp.
Le Premier ministre Alexis Tsipras a paru confirmer samedi la rumeur lui prêtant d’avoir demandé au ministre des Finances d’en faire moins. Au magazine allemand Der Spiegel lui demandant s’il avait recadré le charismatique ministre, M. Tsipras a répondu : “J’ai demandé à tout le conseil des ministres de parler moins et d’agir plus, pas seulement à M. Varoufakis”.
Avgi, le propre quotidien du parti Syriza, au pouvoir depuis le 25 janvier, s’est plaint cette semaine de la “surexposition toxique” de M. Varoufakis.
Avgi a craint que “l’icône sexuelle” décrite par le journal allemand Die Welt ne “gâche tous les bénéfices” de la sympathie qu’il a contribué à construire autour du gouvernement Tsipras, à force d’apparitions dans les médias nationaux et internationaux.
“Yanis, n’en fais pas trop”, lance Avgi. “Parce que l’économie, ce n’est pas seulement savoir gérer le budget, c’est aussi savoir être économe de mots”.
Une caricature dans le quotidien libéral Kathimerini raillait mercredi l’omniprésence du ministre à la télévision grecque. On y voit M. Varoufakis à l’écran, et une ménagère demander à son mari de changer de chaîne. Le mari s’exécute plusieurs fois de suite, mais la femme ne s’en aperçoit pas et s’agace contre lui, car à chaque fois c’est la tête rasée du ministre qui réapparaît dans la lucarne.
Outre la Grèce, où ses homologues européens n’ont pas toujours apprécié de voir sortir dans les journaux des projets du ministère des Finances dont ils auraient souhaité la primeur, M. Varoufakis a parlé à ce que tous les grands pays d’Europe comptent de médias financiers ou dignes de “susciter la réflexion”, comme le revendique son entourage. Il a même donné une interview dans le dernier numéro de Charlie Hebdo.
– “Fouille-boue” –
Il dialogue aussi très librement sur Twitter avec certains journalistes, ce qui ne l’empêche pas de dénoncer sur le même réseau social les “journalistes fouille-boue”.
M. Varoufakis semble cependant un peu plus prudent récemment : il a pris la presse de court cette semaine à Athènes en la convoquant mais en refusant ensuite de répondre aux questions au-delà de sa propre déclaration liminaire.
Son humeur envers les journalistes n’a pas dû être améliorée vendredi par les commentaires moqueurs ou interloqués qui ont accompagné la révélation d’une des mesures proposées par le gouvernement grec à ses partenaires européens pour remplir les coffres de l’Etat : engager pour de courtes périodes des étudiants, ménagères ou même touristes, et les équiper de caméras cachées pour aller traquer les fraudeurs à la TVA.
Le gouvernement a été prompt a rétorquer aux accusations de “ridicule” portées par la droite, assurant qu’une fois menée la chasse aux fraudeurs, “on verrait bien qui est ridicule et qui ne l’est pas”.
Malgré les mises en garde de M. Tsipras, M. Varoufakis n’est pas le seul à parler beaucoup dans le gouvernement, au risque de raidir un peu plus les partenaires financiers de la Grèce, auxquels Athènes réclame pourtant encore beaucoup d’argent.
Ainsi, le ministre des Affaires étrangères Nikos Kotzias n’a pas hésité, samedi en Lettonie, à brandir la menace de millions de migrants illégaux, parmi lesquels des milliers de jihadistes, déferlant en Europe si l’UE abandonne la Grèce. “Les partenaires de la Grèce devraient la prendre beaucoup plus au sérieux”, a-t-il menacé.
Vendredi, c’est le ministre de l’Intérieur Nikos Voutsis qui avait usé du vocabulaire belliqueux. “Le pays est en guerre avec ses créanciers”, a-t-il déclaré au parlement.