Portugal : faute de moyens, le Conservatoire national sombre dans la vétusté

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étudiants dans une pièce vétuste du Conservatoire national de musique à Lisbonne, le 5 mars 2015 (Photo : Patricia De Melo Moreira)

[08/03/2015 16:41:26] Lisbonne (AFP) Sur la façade taguée du Conservatoire national de musique à Lisbonne, des pancartes en carton proclament: “On a le droit d’étudier sans recevoir une tuile sur la tête”. D’autres encore exigent “des travaux, tout de suite!”.

En manque de moyens, l’école ne peut rénover ses locaux, dans un état de dégradation avancé. L’institution plus que centenaire en appelle à l’Etat pour pouvoir continuer à accueillir ses 850 élèves et 160 professeurs.

Une fois passées ses lourdes portes, l’édifice entier résonne de musique. Des saxophones, des violons et des cors répètent à l’infini leurs doigtés et leurs accords, sous les lustres massifs du hall d’entrée, dans les salles garnies de meubles anciens et jusque dans les couloirs.

“C’est un honneur d’étudier ici”, estime Carolina Bermejo, 24 ans, qui apprend le chant lyrique. “Mais c’est triste de voir dans quel état horrible sont les lieux”.

Le Conservatoire, qui a formé depuis 1835 des générations de musiciens, est marqué par les outrages du temps. Les vitres, à tous les étages, sont réparées avec des morceaux de ruban adhésif. Partout, la peinture se décolle des murs. L’humidité se respire à plein nez dans le grand escalier.

– Leçon en plein air –

La fermeture, l’an dernier, de dix salles sur soixante, dont le plafond gorgé d’eau s’était effondré ou menaçait de tomber, a donné le coup d’envoi de la mobilisation d’une “Commission de défense du Conservatoire national”, qui rassemble professeurs, élèves et parents.

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îmés du Conservatoire national de musique à Lisbonne, le 5 mars 2015 (Photo : Patricia De Melo Moreira)

La semaine dernière, les cours de musique ont été donnés en plein air, sur l’une des places touristiques de la capitale portugaise, titillant les oreilles des passants dans une mélodieuse cacophonie.

Il y avait ici un cours de guitare. Là de flûte baroque. Un peu plus loin, un professeur expliquait à ses élèves, derrière de fines lunettes rouges, les rudiments des techniques de composition.

“Au moins, ici, pas de risque que le toit nous tombe sur la tête”, commentait Anne Victorino d’Almeida, une professeur de violon.

La réaction du ministre de l’Education, Nuno Crato, ne s’est pas fait attendre: les travaux “sont sur le point de commencer”, a-t-il promis.

Mais pour la directrice du Conservatoire, Mafalda Pernao, les travaux annoncés “permettront à peine de rouvrir les salles fermées, de ravaler le patio et de réparer les fuites du toit”.

“Le ministère voulait diviser notre budget par deux en 2014”, ajoute-t-elle. Finalement, l’école a conservé une bonne partie de sa dotation, soit un peu plus de 160.000 euros. “Mais il a fallu que je me batte!”.

– ‘Il pleuvait pendant les cours’ –

Le budget 2015 n’est pas encore fixé. Mais l’enveloppe globale du ministère de l’Education, 5,5 milliards d’euros cette année, a fondu de 700 millions d’euros, alors que le Portugal sort d’un plan d’aide international accordé en 2011 en échange d’un sévère plan d’austérité.

“Il y a de l’argent, c’est une question de choix politique”, affirme Mafalda Pernao. En attendant, la directrice pare au plus pressé, organise tant bien que mal les cours et les répétitions.

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étuste du Conservatoire national de musique à Lisbonne, le 5 mars 2015 (Photo : Patricia De Melo Moreira)

Parfois, il faut bricoler. Dans une salle du troisième étage, Rosa Sa interrompt son cours de violon et montre le plafond recouvert de bâches de plastique. “Il pleuvait pendant les cours, du coup on n’avait plus besoin de métronome”, dit-elle avec un brin d’ironie.

Dans la prestigieuse salle de spectacle du Conservatoire, les boiseries sont fanées, le tissu vert qui recouvre les sièges est élimé et, ça et là, une planchette de bois, qui a dû être un accoudoir, traîne par terre. L’un des balcons ne tient plus que grâce à des soutiens métalliques.

Dans ce décor de grandeur passée, seule la scène paraît neuve. L’Etat n’y est pour rien, explique la directrice: “Ce sont les spectacles donnés par les élèves, dans cette salle mais aussi dans la rue, qui ont permis de récolter l’argent nécessaire à sa rénovation”.