“La corruption est une pratique tolérée dès l’école en Tunisie et banalisée dans les transactions quotidiennes et dans l’administration rongée par la bureaucratie”. C’est ce qu’estime Abdessattar Sahbani, universitaire, sociologue et président de l’Association tunisienne de la sociologie (ATS).
“Dès l’école, nous tolérons une petite corruption banalisée telle que les cours particuliers, et cette tolérance ouvre la voie à d’autres pratiques qui se transforment en gangrène pour la société”, explique l’universitaire, dans un entretien accordé à l’agence TAP.
D’ailleurs, dans le domaine de l’enseignement, plusieurs professionnels admettent que la forme la plus flagrante de corruption serait la comptabilisation des 25% de la moyenne annuelle, dans les résultats du baccalauréat (ramenés cette année à 20%).
Sahbani est tout à fait d’accord avec cette opinion, car cette disposition occulte le mérite et est à l’origine de la détérioration de la qualité de l’enseignement dans le pays.
Selon une étude de l’Association tunisienne des contrôleurs publics (ATCP) sur la petite corruption, “la corruption dans l’enseignement prend aussi la forme d’interventionnisme, de harcèlement, de fraude et de falsification des notes et de manipulations dans le domaine de la recherche scientifique”.
L’inégalité des chances, à origine de la corruption
Le sociologue tunisien indique que “l’impunité dont ont bénéficié les corrompus et les corrupteurs après la révolution a aidé à amplifier ce fléau à un moment où les Tunisiens s’attendaient à vivre une nouvelle ère de justice, de transparence, de bonne gouvernance et d’égalité des chances”.
“C’est l’inégalité des chances et des conditions, l’injustice et l’absence d’équité qui sont à l’origine de la corruption”, juge Sahbani, pour qui “la corruption est devenue, aujourd’hui, un mode de vie encouragé par le système et par l’Etat lui-même”.
“On est devenu tous, inconsciemment ou consciemment, corrupteurs ou corrompus, parce qu’on n’a pas accès, d’une manière équitable, à des services sensés être gratuits et garantis par la loi”, développe l’universitaire.
“Sans une volonté réelle des dirigeants du pays de s’attaquer à ce phénomène, sans une stratégie nationale de lutte contre la corruption et sans des lois fermes qui sanctionnent les contrevenants et aussi sans la justice, il serait difficile d’éradiquer ce fléau de la société”, estime le sociologue.