à Athènes, le 6 mars 2015 (Photo : Louisa Gouliamaki) |
[11/03/2015 14:07:03] Athènes (AFP) Le ministre grec de la Justice Nikos Paraskevopoulos a menacé mercredi de donner son feu vert à l’application d’une décision de la Cour suprême grecque, jusqu’ici restée lettre morte, qui jugeait possible la saisie d’avoirs allemands en compensation des crimes commis par les nazis.
“A titre personnel, je crois que l’autorisation d’appliquer cette décision devrait être donnée et suis prêt à la donner”, a dit le ministre au cours d’un débat au Parlement dans la nuit de mardi à mercredi sur la réactivation d’une commission parlementaire sur les crimes de la Seconde guerre mondiale commis en Grèce par les nazis.
Des proches des victimes de guerre des nazis revendiquent depuis vingt ans des réparations allemandes, mais Berlin a toujours refusé de payer, considérant que la question des dédommagements a été réglée par un accord bilatéral avec la Grèce datant de 1960.
La Cour suprême grecque avait, en 2000, jugé qu’il était possible de saisir des avoirs allemands à la suite d’une plainte des proches des victimes du massacre de Distomo, dans le centre de la Grèce, et sur la base d’une décision d’un tribunal grec en 1997, condamnant l’Allemagne à leur verser 28,6 millions d’euros.
Mais à l’époque, le ministre de la Justice socialiste n’avait pas autorisé l’application de ce jugement.
A Berlin, le porte-parole de la chancelière Angela Merkel a insisté sur l’importance de se concentrer plutôt sur les questions économiques urgentes entre la Grèce et ses partenaires européens.
“Nous devrions nous concentrer sur les thèmes actuels et sur, espérons-le, le bon avenir de nos deux pays”, a souligné Steffen Seibert.
Le porte-parole du ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, a également ajouté que soulever ce genre de “reproches (…) n’aidait en rien dans le contexte du travail actuel que nous avons à mener avec le gouvernement grec”.
– Réparations des infrastructures détruites –
Pour Berlin, la question des réparations et des dédommagements de guerre est “définitivement terminée, c’est notre conviction”, selon M. Seibert qui a néanmoins rappelé que l’Allemagne était consciente de sa “responsabilité historique pour les souffrances que le régime nazi a occasionné dans de nombreux pays d’Europe”.
Sur le fond, juristes et historiens ont à plusieurs reprises estimé qu’Athènes avait peu de chances de toucher quoi que ce soit.
Le débat sur les réparations allemandes a ressurgi ces dernières années, l’Allemagne étant rendue responsable par de nombreux Grecs de la politique d’austérité stricte qui leur est imposée pour faire face à la crise.
Le ministre grec a reconnu que “l’affaire est juridiquement complexe” et que “la date d’une éventuelle autorisation pour l’application de la décision de la Cour suprême dépend des négociations sur ce sujet (entre Athènes et Berlin) et de l’avis du Parlement grec”.
Le nouveau gouvernement de gauche radicale, issue des élections du 25 janvier, a promis de rouvrir le dossier sur les réparations allemandes.
“Le nouveau gouvernement grec a pour objectif de se pencher sur le sujet avec sensibilité et responsabilité, par le dialogue et la coopération, et il attend la même chose du gouvernement allemand, pour des raisons politiques, historiques et symboliques”, a lancé M. Tsipras au Parlement.
“C’est un devoir envers notre Histoire, envers les combattantes et combattants du monde entier qui ont donné leur vie pour vaincre le nazisme”, a-t-il ajouté.
La plupart des partis grecs soutiennent que l’Allemagne aurait dû rembourser à la Grèce un prêt forcé de la Banque de Grèce aux nazis et verser des indemnités de guerre pour les crimes commis en Grèce pendant la Seconde guerre mondiale.
“La revendication des réparations de guerre est un sujet national et la reconstitution de la commission parlementaire vise à sensibiliser l’opinion publique européenne et à renforcer l’argumentation grecque sur ce sujet”, a indiqué la députée Syriza et présidente de la Vouli Zoé Konstantopoulou.
à Berlin (Photo : Odd Andersen) |
En 2012, une commission parlementaire a été créée sur ce sujet, mais ses travaux ont été arrêtées en décembre 2014, lors de l’annonce des élections anticipées. Un rapport de la Comptabilité nationale grecque à l’époque avait évalué le montant des réparations à 162 milliards d’euros.
Ce total correspondrait aux réparations des infrastructures détruites (108 milliards euros en valeur actuelle, un chiffre basé sur les conclusions de la Conférence internationale de Paris en 1946) et au remboursement d’un emprunt forcé (54 milliards d’euros) effectué par la Grèce au régime nazi entre 1942 et 1944.