L’OCDE (Organisation de coopération et développement économique) aussi se soucie du bien-être économique de la Tunisie. Considérant que la transition politique de la Tunisie a réussi, l’organisation se tourne aujourd’hui vers la consolidation économique du pays.
D’après des études qu’elle a réalisées concernant la place de la Tunisie dans les chaînes de valeur mondiales et les Réformes à l’appui de la compétitivité et de la croissance inclusive, il est indispensable de restaurer les équilibres macroéconomiques et de mieux utiliser les ressources et réduire les inégalités.
Lors d’un séminaire consacré à ce thème, la semaine dernière, des propos intéressants ont été tenus par les représentants de l’OCDE, ceux du ministère tunisien de la Coopération internationale, et des experts.
Pour les représentants de l’OCDE, le potentiel de la Tunisie est fort en dépit des inégalités élevées, du faible emploi des femmes et des jeunes, du recul de la productivité et d’une montée en gamme de l’offre assez faible. Conséquence: un taux de croissance presque inexistant, des banques fragiles, des déficits budgétaires et externe élevés, des dépenses publiques mal allouées -puisque ne créant pas de richesses- et des réglementations compliquées et lourdes -qui bloquent la croissance et dissuadent les investisseurs.
Mais il n’y a pas que cela, il y a un problème inhérent à une logistique qui s’est considérablement dégradée ces dernières années et à une autre inexistante. A titre d’exemple, le port en eaux profondes d’Enfidha qui n’a pas encore vu le jour, le port de Radès qui reste en deçà des attentes des opérateurs dans l’import/export, des moyens de transport terrestre de plus en plus vétustes, des lignes ferroviaires totalement délaissées ainsi que le réseau routier qui n’a pas été entretenu comme il se doit. De quoi rebuter plus d’un qui penserait à choisir le site Tunisie y compris les Tunisiens eux-mêmes!
L’indice Tunisie dans la facilitation des échanges a considérablement reculé entre 2012 et 2015.
Sur un tout autre volet, la BCT, loin d’œuvrer, outre son rôle de superviseur, a compliqué encore plus les procédures administratives rendant la tâche des opérateurs privés encore plus compliquée.
Y a-t-il une volonté réelle de la part de l’Etat tunisien pour améliorer le climat d’investissement?
Il paraît bien que oui, d’après le directeur général de la FIPA, qui a parlé d’une nouvelle mouture assez encourageante du nouveau code d’investissement qui verra le jour au mois de mai prochain. «La gouvernance y occupera une place importante», a-t-il tenu à préciser. Mais il n’y a pas que la gouvernance économique dans le sens étroit du terme, telles les lois sur la concurrence, les marchés publics (viciés apparemment totalement après le fameux passage nahdhaoui), les conditions d’octroi des grands marchés ou encore la loi sur la faillite qui font défaut à la Tunisie.
Il y a aussi un système judiciaire frappé en plein cœur par le laxisme, voire la négligence ou encore l’insubordination de certains de ses acteurs pour rendre justice. Ainsi nombre de jugements définitifs -nous ne le répéterons jamais assez- ne sont pas exécutés et des fois, certains opérateurs économiques qui préfèrent garder l’anonymat doutent même de la volonté des juges de rendre justice ou même de leur intégrité.
Dur, dur d’investir dans un pays où nous ne sommes pas sûrs d’avoir gain de cause si nous sommes brimés dans l’un de nos droits les plus élémentaires: celui d’avoir gain de cause lorsque nous nous présentons devant la justice et que nous sommes dans notre droit.
Il est aussi dur d’investir dans un pays où les syndicats sont devenus plus forts que l’Etat. Un Etat qui a perdu son autorité diluée dans une espèce de corporatisme et le régionalisme nourri par des lobbys d’intérêt économique et politique et par les nouveaux barons de la contrebande qui ont infesté tous les services de l’Etat et qui bénéficieraient, selon nombre d’observateurs, d’une impunité totale.
Pour l’OCDE, il s’agit tout d’abord de préserver le tissu entrepreneurial, pour ce, il importe de créer plus d’emplois à haute valeur ajoutée, d’alléger le code de la fiscalité et du travail, de réformer les systèmes de retraite, cibler les transferts sur les familles pauvres et de moderniser les politiques régionales. Pour ce qui est de la relance de la productivité, le premier chantier serait de restructurer et de recapitaliser les banques, développer les compétences adéquates, adopter au plus tôt le nouveau code d’investissement, renforcer la concurrence et raviver les liens «onshore»/«offshore».
Pour les opérateurs économiques tunisiens intègres et patriotes, l’Etat doit revenir pour sévir. Sévir contre la contrebande, contre la corruption qui a infesté toutes les administrations et tous les ministères, rétablir l’Etat de droit et lancer les grands projets pour servir de locomotive à tout le reste.
Habib Essid et son gouvernement ont-ils la volonté et les moyens de le faire? C’est la grande question.