Le sort de la fusion entre Lafarge et Holcim en suspens

5635f84cf3d57ea2ca66b868b36875479074cab2.jpg
à Paris (Photo : Franck Fife)

[17/03/2015 21:39:36] Paris (AFP) La fusion entre Lafarge et son concurrent suisse Holcim, qui doit donner naissance au géant mondial du béton, se trouvait mardi en suspens, en attendant les résultats d’une réunion d’urgence du conseil d’administration du cimentier français.

Le conseil d’administration de Lafarge a fait le point sur la situation après la lettre adressée dimanche par Holcim exigeant une baisse du prix des actions Lafarge, compte tenu de leur récente évolution sur les marchés, et un changement de la gouvernance de la future entité, qui laisserait le PDG, Bruno Lafont, sur la touche.

Une source proche du dossier a indiqué que la réunion était terminée, mais elle n’a pas été en mesure d’en donner les décisions. Interrogé par l’AFP, Lafarge n’a pas souhaité faire de commentaires.

Les conditions d’Holcim ont été jugées “inacceptables” par une source proche des actionnaires français, qui souligne que ces exigences donnent l’impression que le groupe suisse a voulu mettre un terme à l’accord, ce qui pourrait entraîner de fortes pénalités.

Selon le projet de fusion, la partie rompant l’accord doit verser un total de 500 millions d’euros, soit 350 millions d’euros de dédommagement à l’autre partie et 150 millions au groupe irlandais CRH, qui s’est engagé à reprendre pour 6,5 milliards d’euros les sites cédés par les deux groupes en Europe afin d’obtenir le feu vert des autorités de la concurrence.

Ces sites ne devaient être officiellement vendus à CRH que si la fusion aboutissait.

– Gouvernance –

Le projet de fusion avait avancé à grands pas depuis son lancement il y a près d’une année, recevant notament le feu vert des autorités européennes de la concurrence et établissant dès la mi-décembre l’organigramme du nouvel ensemble avec Bruno Lafont comme directeur général (ceo) et l’Allemand Wolfgang Reitzle, d’Holcim, comme président.

Les résultats annuels des deux groupes, publiés en février, ont commencé à semer des doutes sur les marchés, en raison notamment d’un excédent brut d’exploitation (Ebitda) en baisse au quatrième trimestre pour Lafarge, face à une hausse conséquente de celui d’Holcim.

L’actionnaire principal d’Holcim Thomas Schmidheiny a ouvert les hostilités le 8 mars, quand son entourage a laissé entendre dans la presse suisse qu’il souhaitait une révision de la parité.

Mais la lettre adressée dimanche par le conseil d’administration d’Holcim à Lafarge réservait une surprise de taille. Le groupe suisse demandait également une révision de la gouvernance de la future entité, qui devait compter sept administrateurs pour chacun des deux groupes, avec l’intention d’écarter Bruno Lafont, qui devait prendre la direction générale.

Une condition rejetée immédiatement par le conseil d’administration du groupe français. En revanche, il acceptait de revoir la parité des titres.

Alors que l’accord initial prévoyait que les actionnaires de Lafarge recevraient une action Holcim pour chacun de leurs titres, le groupe suisse ne serait plus disposé qu’à leur verser 0,875 action par titre. Lafarge aurait accepté une parité de 0,93 pour sauver l’accord, déjà à un stade très avancé.

Pour sa part, l’agence de notation Fitch a élevé la pression sur Lafarge en prévenant des conséquences sur la note de Lafarge si la fusion ne se réalisait pas. Un échec “ne laisserait pas beaucoup de marge à la note BB+ de Lafarge compte tenu de son endettement relativement élevé”, a-t-elle souligné dans un communiqué.

En fin d’année dernière, Lafarge avait ramené sa dette à 9,3 milliards d’euros, après l’avoir réduite de 8 milliards en 7 ans.

Lafarge et Holcim avaient annoncé en avril 2014 une fusion “entre égaux” devant donner naissance à la fin de ce semestre à un colosse du béton pesant 32 milliards d’euros de chiffre d’affaires (avant cessions) et comptant 130.000 salariés dans 90 pays.

Sur les marchés, Lafarge et Holcim ont été pénalisés pratiquement de la même manière. A la Bourse de Paris, le titre du cimentier français est passé sous la barre des 60 euros pour se situer à 59,43 euros à la clôture (-2,45%). De son côté, Holcim a reculé de 1,95% à 73 francs suisses. La veille, Lafarge avait perdu plus de 6% contre 1,33% pour Holcim.