Dans une enquête réalisée et publiée en 2012 par l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives auprès de 1.050 entreprises privées opérant dans l’industrie et les services à propos du climat d’affaires en Tunisie, les principales préoccupations des sondées ont été l’insécurité et la corruption. «D’autres volets -précisent les auteurs de l’étude- méritent aussi plus d’attention pour booster l’investissement et relancer l’économie. Il s’agit entre autres du financement bancaire, de la concurrence déloyale et des pratiques anticoncurrentielles qui se sont aggravées après la révolution».
Yassine Brahim, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, avait évoqué lors du symposium économique US/Am Cham, organisé le 5 mars 2015, d’une révolution économique qui n’a pas encore eu lieu dans notre pays et qui touche de près aux obstacles que rencontre le secteur privé et qui entravent son redéploiement et son épanouissement dans notre pays.
Comment relancer l’investissement et rétablir la confiance au bout de 4 ans de gouvernements provisoires? C’est à cette question et d’autres que nous répond M. Brahim dans l’entretien ci-après.
WMC : Qu’insinuez-vous par «révolution économique qui n’a pas encore eu lieu»?
Yassine Brahim: En fait, nous sommes dans la mondialisation sans en profiter. Nous sommes rentrés dans la mondialisation par le fait que la Tunisie est un pays ouvert sur son monde, bénéficiant d’une position géostratégique enviable. Mais sur le plan de l’activité économique, par rapport à notre emplacement, à notre niveau moyen sur le plan formation et au regard de la qualité de notre infrastructure et de notre histoire, nous devrions profiter beaucoup plus de la mondialisation. La question qui se pose est pourquoi nous ne l’avons pas fait.
«Nous avions libéralisé le pays mais dans une logique de kleptocratie. Nous avons mis beaucoup d’obstacles administratifs et légaux pour qu’une minorité profite de ce libéralisme»
Auparavant, nous n’en avons pas profité à cause du système politique global. C’est-à-dire que nous avions libéralisé le pays mais dans une logique de «kleptocratie». Nous avons mis beaucoup d’obstacles administratifs et légaux pour qu’“une minorité profite“ de ce libéralisme. Je suis personnellement socio-libéral, mais pas notre pays. Quand nous sommes obligés de nous soumettre à autant d’autorisations pour s’adonner à une activité économique, nous ne pouvons prétendre être des libéraux.
Aujourd’hui, il est temps que la Tunisie se situe à son véritable niveau en termes de partage des répercussions positives de la mondialisation. Comment? En ouvrant beaucoup plus le pays, en insufflant plus de compétition dans les activités économiques. Le but est de faire en sorte que les citoyens puissent en profiter. La compétition œuvre à baisser les prix et diminuer le coût de la vie. En réalisant une révolution économique, la libéralisation pourrait indéniablement avoir des effets positifs aux plans social et économique.
Quels arguments pour convaincre ceux qui prétendent que la libéralisation économique implique forcément la «spoliation» des richesses du pays?
Dans votre question déjà il y a cet a priori liant le libéralisme économique aux opérateurs internationaux. Or il s’agit tout d’abord de libéraliser à l’échelle nationale. C’est-à-dire encourager la compétition et l’esprit concurrentiel à l’intérieur du pays pour améliorer la qualité des produits et des prestations dans notre pays.
«Il existe une telle complexité sur les plans légaux et réglementaires que même les entrepreneurs locaux désespèrent…»
Aujourd’hui, vous n’êtes même pas libre d’ouvrir un hyper-marché sans passer par mille et une procédures. Ces activités sont limitées à deux ou trois groupes familiaux. Vous n’êtes pas non plus libre d’opérer dans un certain nombre d’activités industrielles et commerciales. Il existe une telle complexité sur les plans légaux et réglementaires que même les entrepreneurs locaux désespèrent. Donc à l’échelle nationale, il va falloir déjà oser simplifier le process pour la mise en marche d’une activité économique quelle qu’elle soit. Il faut agir au national avant de nous attaquer à l’international.
On parle d’une forte pression de la part des Etats-Unis pour une libéralisation outrance de notre économie…
Ceux qui critiquent le fait que nous encouragions la libéralisation à l’international à cause de nos relations avec les Etats-Unis oublient le fait que 3 millions de Tunisiens vivent avec moins de 3 $ par jour. Ont-ils les moyens de consommer des produits américains, japonais ou autres?
De l’autre côté, il y a 300 millions d’Américains. Leur revenu moyen est 10 fois le revenu moyen du Tunisien. L’ouverture en direction des USA profitera à qui? Aux entreprises nationales qui vont pouvoir exporter vers un marché où le revenu moyen est beaucoup plus élevé qu’en Tunisie ou aux entreprises américaines qui vont inonder notre marché?… De quel marché parle-t-on là?
Ce que je veux dire, c’est que nous sommes à l’ère de la mondialisation. Il faut être conscients des enjeux et en même temps profiter des opportunités qui s’offrent à nous. J’estime que toute ouverture, avec un pays plus riche que nous, est à notre avantage. Parce que nous aurons plus de chance de nous exporter vers eux que de les voir débarquer chez nous toutes voiles dehors.
Si vous prenez l’exemple des produits américains haut de gamme, vous trouvez 100 mille habitants très riches capables de s’en procurer, et tant mieux pour nous, c’est de nature à limiter le nombre des consommateurs.
Pour ce qui nous concerne, nous avons participé à un Salon américain dans lequel quelques artisans tunisiens ont exposé leurs produits. Ils pensaient ramener des commandes pour 50 mille dollars, ils en ont ramené pour 300 mille dollars.
Aujourd’hui, les Américains commandent sur le net les tapis et les articles artisanaux, mais nous n’avons pas la logistique pour finaliser les tractations, ni les moyens de se faire payer par carte de crédit. Nous ne disposons que de “Rapid poste“ pour envoyer les commandes, il n’y a pas de Fedex ou d’UPS avec une latitude leur permettant d’être opérationnels 7j/7 et 24h/24. Tout est fermé, les Américains désespèrent et n’achètent plus chez nous.
Il faut être conscient que quand un pays est plus riche, c’est dans notre intérêt et celui de notre économie que d’être ouvert sur son marché.
Justement, une libéralisation bien réfléchie et au service des intérêts économiques du pays implique un code des investissements simple, efficient et pratique. Le pensez-vous possible après toutes les tentatives avortées pour la promulgation d’un code des investissements répondant aux normes internationales?
Le premier pas vers l’ouverture est bien évidemment un code bien conçu et bien élaboré. Sa promulgation figure parmi nos priorités pour les cent premiers jours. Les gouvernements précédents ont ouvert ce dossier mais ils en ont produit tant de versions qu’il en est devenu déformé. On a joué à fond la carte des compromis, ce qui en a fait aujourd’hui un document encore plus compliqué que celui qui a été élaboré en premier. Nous avons d’ailleurs décidé de revenir à la première version qui va dans le sens d’une plus grande libération économique.
J’ai prié mon équipe de la revoir et d’étudier ce qui entrave son achèvement à ce jour. Il fallait également savoir qui n’en est pas convaincu: l’UTICA, l’UGTT ou encore l’UTAP, parce qu’il peut y avoir des blocages sectoriels ou un blocage global dans le cadre de la loi.
Nous démarrerons ensuite les discussions avec les différentes parties. Finalement, la première chose qu’on a faite était un code, on l’a laissé dans la nature sans le travailler comme il se devait et tout d’un coup il est devenu trop compliqué d’avancer sur ce dossier.
La Banque mondiale ou le FMI pourront-ils influencer les choix du gouvernement tunisien pour ce qui est du code des investissements?
J’estime en prime que nous devons changer d’état d’esprit et arrêter de considérer que la Banque mondiale ou le FMI nous posent problème ou décident pour nous. Le FMI ou la BM poussent vers la mondialisation quel que soit le pays; nous ne sommes pas une exception.
«J’estime que nous devons changer d’état d’esprit et arrêter de considérer que la Banque mondiale ou le FMI nous posent problème ou décident pour nous…»
Il est de notre responsabilité de défendre nos intérêts et de tenir compte des spécificités de la Tunisie dans l’élaboration d’un code qui doit être un instrument pour une relance et un développement économique et non le contraire. C’est à nous de définir nos objectifs, où nous voulons arriver, à quelle vitesse et comment. Il nous revient de déterminer le rythme et de mettre en place une stratégie et une vision.
Ensuite, nous devons savoir convaincre nos partenaires de nos points de vue, leur expliquer ce que nous voulons, ce que nous attendons et s’il y a des points dont nous devons tenir compte. Ni la Banque mondiale ni l’Union européenne, ni le FMI ne peuvent nous imposer leur propre démarche. Si atteindre nos objectifs nécessite cinq ans, ils ne peuvent pas exiger de nous que cela se fasse en 6 mois. Aucune partie ne peut nous imposer ce genre de contraintes. Il faut du temps pour atteindre nos objectifs.
Dans cent jours, nous allons sortir un draft du Code des investissements. Mais cela ne suffit pas. A titre d’exemple, dans le Code des investissements on parle des activités qui nécessitent des autorisations préalables. Nous voulons éliminer cette contrainte. Nous voulons établir une liste négative -pas une liste positive- en décrétant que tous les secteurs sont autorisés sauf ceux stratégiques comme les banques, les télécoms, l’énergie et d’autres qui doivent être du seul ressort de l’Etat.
Nombre de secteurs nécessitent l’autorisation de l’Etat, tel le phosphate et les hydrocarbures. Du coup, au lieu d’avoir près de 200 activités non autorisées, nous allons dire, dans un premier temps, tout est autorisé sauf certaines activités qui recueillent l’approbation de l’Etat, et cela peut évoluer selon le contexte et nos intérêts économiques.
Sur un tout autre volet, il y a certains secteurs que nous ne pouvons pas libéraliser sans contrepartie. Par exemple, nous ne pouvons ouvrir les secteurs des services et de l’agriculture ou encore certaines activités commerciales sans accords de partenariats équitables et sans bénéficier de relations de réciprocité.
Dans des secteurs comme l’agriculture, nous pouvons avoir des obstacles de base parce que culturellement nous ne sommes pas prêts, et dans d’autres, il s’agit de notre capacité à négocier au mieux pour le bien de notre pays.
Nous tenons à promulguer un Code des investissements ouvert et nous renvoyons ensuite après à des accords de partenariat. Nous nous adresserons à nos partenaires en leur disant : «nous voulons bien être libéraux mais à condition que vous le soyez avec nous».
J’ai eu une discussion avec le vice-secrétaire d’Etat américain à l’Economie, et son ton ne m’a pas plu. Il m’a dit: «voilà, vous n’avez pas été réformé pour pouvoir discuter avec nous d’un free trade agreement (Accord de libre-échange) avec nous». J’ai rétorqué: «attendez, nous n’allons pas être les seuls à bénéficier d’un FTA, le principe même de cet accord est de se positionner dans la logique du win/win (gagnant/gagnant). Nous sommes un petit pays qui ne peut pas représenter un danger pour vous et les entreprises ou les consommateurs locaux sont en droit d’avoir plus de crainte de voir les produits américains débarquer chez nous que vos propres consommateurs vu notre taille».
Je lui ai également signifié que nous comptons développer nos relations commerciales avec la Chine, l’Europe et d’autres pays pour diversifier nos marchés et nos partenaires. Nous allons travailler sur le “Statut avancé avec l’union européenne“ pour aller plus loin. Nous sommes décidés à faire de l’arbitrage et aller vers ceux qui sont prêts à avancer avec nous et s’ouvrent à nous plus que d’autres.
En conclusion, les messages les plus importants sont la nécessaire ouverture du Code des investissements, l’établissement de listes négatives plutôt que des listes positives, pour les activités qui demandent des autorisations, et ceci impacte plus les Tunisiens qui veulent entreprendre, créer des projets et investir, après nous étudierons les secteurs au cas par cas.
Il y a une très faible intégration économique à l’échelle du Maghreb. Il va y avoir un symposium économique arabe au mois de juin prochain en Algérie. Comment voyez-vous l’avenir des relations économiques avec notre voisin de l’ouest?
C’est un sujet que j’ai évoqué lors de mes visites au Kef et à Jendouba. Dans toutes les présentations que j’ai écoutées, personne n’a parlé de l’Algérie, j’en ai été étonné. Le Kef est proche de l’Algérie, il y a aussi Gafsa et Kasserine. Je suis concentré sur les zones frontalières. Ce sont des régions qui souffrent du manque de développement et suscitent en premier l’intérêt du gouvernement.
Dans d’autres pays, les zones frontalières sont plus développées que les zones côtières, parce qu’il y a les marchés intérieurs et ceux des pays limitrophes. Notre histoire avec l’Algérie n’est pas simple, pour nombre de raisons, mais j’estime que c’est notre avenir. L’Algérie et la Libye représentent une bonne partie de l’avenir de la Tunisie. Ce sont des pays à forts potentiels. L’Algérie investit aujourd’hui beaucoup dans la consolidation de son économie, elle en a les moyens.
Slim Chaker, le ministre des Finances, s’y est rendu en compagnie du gouverneur de la Banque centrale. Taieb Baccouche, le ministre des Affaires étrangères, aussi.
La Tunisie entre dans une phase de stabilité. Nous avons élu un Parlement pour 5 ans, indépendamment parlant du fait que nous resterons ministres ou pas. Nous avons une vision et un projet politique clairs. Il y a eu des accords signés l’année dernière avec le gouvernement Jomaa mais ils n’ont pas été bien appliqués.
Nous allons aujourd’hui discuter, clairement, avec nos amis algériens, de la façon de concrétiser les accords signés auparavant dont l’accord préférentiel.
Nous allons également essayer de savoir ce qu’ils attendent de nous et comprendre les raisons de leur résistance. Le but est de rendre nos relations plus transparentes et plus fluides dans l’avenir.
Il y a tout juste 4% des échanges qui sont transfrontaliers alors que nombre de pays de par le monde se développent grâce aux échanges transfrontaliers. C’est le cas de la Hollande qui s’est développée grâce à l’Allemagne et de la Belgique qui a avancé grâce à la France. Il y a des pays qui n’existent que par les échanges transfrontaliers.
Partout dans le monde aussi, les chefs d’Etat et les ministres économiques jouent aux commerciaux à l’échelle nationale en présidant des délégations d’opérateurs privés et en négociant eux-mêmes des marchés pour leurs pays. C’est le cas de Hollande, d’Erdogan et d’autres. Chez nous, les opérateurs privés ont le sentiment d’être des orphelins, en butte aux conflits sociaux et lâchés par les pouvoirs publics. Comptez-vous y remédier?
Evidemment, nous sommes décidés à nous impliquer complètement dans ce genre de mission. En fait, nous comptons en parler dans nos conseils ministériels.
Avec le ministre du Commerce, il y a un partage des rôles. Nous sommes dans le développement régional, et nous projetons de développer le volet réservé à la coopération internationale. L’idée est que notre ministère doit être le coordinateur en matière de développement. L’une de mes priorités dès que les choses se stabilisent est d’être le moteur des investissements de tous genres. Pour les consolider, je suis décidé à accompagner nos propres investisseurs en dehors de nos frontières pour soutenir leurs projets, mais d’abord à l’échelle nationale.
La plupart des opérateurs investissent sur le marché tunisien en direction d’un marché au sens large -maghrébin, européen et international. Quand j’étais au gouvernement en 2011, lorsque nous avons été voir le patronat à Paris, nous étions 4 ministres accompagnés de 50 hommes d’affaires tunisiens qui faisaient beaucoup d’échanges avec la France. J’ai quitté le gouvernement mais j’ai suivi à travers Saïd, Mehdi et j’ai relevé qu’à chaque fois, il y a eu des voyages officiels dans lesquelles les délégations des hommes d’affaires étaient importantes.
Ce qu’il nous faut aujourd’hui c’est une véritable stratégie nationale marchés. C’est-à-dire définir nos ambitions sur l’Afrique en concertation avec les opérateurs privés qui sont les premiers concernés et savoir où nous allons.
Dans le cadre du plan quinquennal que nous sommes en train d’élaborer, et dont notre département sera le coordinateur, nous allons étudier les secteurs phares de la Tunisie, comme l’industrie mécanique, l’aéronautique, et certaines activités agricoles ou agroalimentaires.
Dans le secteur agricole, nos recherches ont assez évolué. Nous allons donc étudier avec le secteur privé sa stratégie de renforcement de son positionnement à l’échelle nationale et de conquête des marchés à l’international.
Figurez-vous que notre PIB est constitué à hauteur de 56% du marché national et 44% de l’export. Pourquoi avons-nous besoin des stratégies élaborées par les privés pays et régions? C’est pour que l’Etat mette en place les moyens de les accompagner en assurance-crédit par rapport à l’export et user de l’aide des agences d’accompagnement tel le CEPEX. Pour que l’Etat sache à la limite où mettre ses deniers.
Et ce qui est remarquable maintenant c’est que nos privés commencent à se prendre en charge. J’ai participé dernièrement à un séminaire organisé par la CONECT, et les présents ont parlé du nord-ouest et de l’Algérie. Parce que le nord-ouest a des liens étroits avec l’Algérie. Des entreprises ont travaillé avec la société civile sur ces sujets; l’UTICA aussi en a parlé et a pris nombre d’initiatives dont un déplacement en Afrique; l’IACE a fait pareil.
Au fait, les groupements d’hommes d’affaires dans les organismes professionnels et les institutions planchent sur des études et des stratégies pour développer de nouveaux marchés et nous devons les accompagner.
L’investissement exige un climat d’affaires adapté, de la transparence, une bonne gouvernance et un Etat de droit, une lutte sérieuse contre l’économie parallèle, pensez-vous toutes ces conditions réunies dans notre pays?
Les points que vous avez évoqués sont très importants. Nous allons les reprendre un par un.
S’agissant de l’économie informelle ou parallèle, c’est un phénomène qui existe depuis très longtemps. Il s’est énormément accentué après la révolution parce que l’Etat a perdu un peu de sa vigueur et de son suivi. Aujourd’hui, c’est devenu une économie qui prend le dessus sur l’économie formelle du pays. Elle est devenue une menace pour la sécurité nationale puisqu’il y a établissement de rapports directs entre les acteurs de cette économie et la criminalité transnationale et le terrorisme.
Notre gouvernement tient à combattre ce phénomène puisque, outre le trafic des hydrocarbures, il y a également celui des armes et ce que cela implique sur la paix et la stabilité de notre pays. Nous avons même trouvé des cartouches dans des bidons d’essence. Il est évident que nous ne pouvons fermer les yeux sur ces activités par trop risquées et équivoques. Mais il ne faut pas généraliser parce qu’il y a des tas de petits commerçants qui n’ont rien à voir avec des activités criminelles et qui en vivent.
«Pour juguler le phénomène de l’économie parallèle, il va falloir réformer la fiscalité et établir des zones de libre-échanges de manière à transformer les commerçants qui travaillent tout simplement et ne sont pas liés aux activités criminelles à être intégrés dans le secteur formel»
Nous estimons que, pour juguler le phénomène de l’économie parallèle, il va falloir réformer la fiscalité et établir des zones de libre-échanges de manière à transformer les commerçants qui travaillent tout simplement et ne sont pas liés aux activités criminelles à être intégrés dans le secteur formel. Ce qui va les convaincre, ce sont les formalités accessibles et rapides. Ils ouvrent une patente en une journée en plus d’une fiscalité incitative qui ne les lèse pas. S’ils trouvent un cadre adéquat et légal dans lequel ils peuvent opérer sans être inquiétés, il n’y a pas de raison pour qu’ils ne l’intègrent pas. Une fiscalité réduite, des taxes douanières qui baissent ne peuvent que les encourager à travailler dans le formel.
Mon parti (Afek) avait adopté ce projet dans son programme depuis longtemps. Cette démarche nous permettra de marginaliser les récalcitrants. Nous aidons les réguliers, nous incitons les hésitants à rentrer dans le système formel, et au bout d’un certain temps, nous veillerons plus à appliquer la loi parce qu’on aura donné une chance à tous ceux qui s’adonnent à des activités illégales sans succès.
Tous les pays qui ont réussi leur lutte contre l’économie parallèle ont baissé la fiscalité. Cela prendra certes du temps, car nous veillerons à préserver le tissu social, mais nous ne laisserons pas ce phénomène proliférer au risque de menacer l’économie nationale. D’ailleurs, les forces de sécurité sont devenues plus difficiles avec les trafiquants.
Pour ce qui est de la corruption, nous pouvons sévir, punir, décréter des amendes plus sévères, mais cela ne suffit pas. Quand il y a moins à prendre, il y a moins de corruption. Je m’explique: si les taxes douanières diminuent, il y aura moins de corruption de la douane. Lors de ma campagne électorale, je me suis intéressé aux commerçants d’El Jem et je leur ai posé la question: “pourquoi vous vendez des produits issus de la contrebande“, la réponse a été «parce que nous payons moins de taxes à Tripoli ou à Alger qu’à Rades. La différence est telle qu’en payant les taxes dans ces pays, nous restons toujours gagnants».
J’ai réagi en leur disant et si nous réduisions les taxes douanières sur vos importations, ils ont rétorqué «Si nous devons passer par les ports nationaux, être en règle avec la loi et avoir des bénéfices, bien sûr que cela nous arrangerait, nous éviterons de payer des pots-de-vin ailleurs».
Il est grand temps pour parer à ces pratiques, d’adopter la technique de l’arbitrage avec nos voisins pour harmoniser les taxes douanières pour qu’il n’y ait pas de grandes différences. Si nous avons un rapport de 1 à 10, les gens continueront à importer de ces pays-là; si le rapport descendait à 1 – 3 ou 1 -4, il est évident que nos concitoyens passeront par les voies normales.
Nous avons discuté avec les ministères des Finances et du Commerce pour diminuer les taxes et réduire le gap avec nos voisins. A partir de ce moment, ceux qui sont devenus des grands commerçants seraient acculés à entrer dans le formel. Sans oublier le fait que nous comptons lancer au plus tôt des zones franches. A Ben Guerdane, nous comptons aménager une grande zone logistique et créer devant une zone de libre-échange où les gens pourraient s’approvisionner à des prix raisonnables.
Et c’est prévu pour quand cette zone?
Nous avons travaillé dans le cadre de CMR sur l’aspect procédural et foncier, nous lançons bientôt un appel d’offres pour une concession privée de la zone de Ben Guerdane, cela prendra 2 à 3 ans pour qu’elle soit bâtie mais elle sera là.