Focus sur cet épisode fondateur qui a fait qu’un peuple se transforme en nation. Retour sur les acquis de l’Etat national, dont l’onde de choc se perpétue. L’épopée d’un peuple qui a choisi de vivre debout!
Ce n’est pas du narcissisme nationaliste ni de la myopie chauvine que d’affirmer l’originalité exclusive de l’indépendance de la Tunisie. Ce n’est pas un acte banal dans notre histoire car cet événement a fait date en signant le basculement d’un peuple en une nation signant un précieux message de civilisation. Il y a un avant et un après indépendance.
Avec l’indépendance, l’histoire domestiquée
Rappelons, pour commencer, qu’avec l’indépendance, la Tunisie se réconciliait avec elle-même. En effet, comme aimait à le rappeler Bourguiba, principal artisan de l’indépendance, comme c’est écrit dans le Larousse, c’est la première fois de son histoire avérée que la Tunisie soit gouvernée par ses propres enfants. Enfin, un establishment national sorti des entrailles de ce pays millénaire. Les nationaux ont dompté l’Histoire prenant définitivement le dessus sur les envahisseurs. Les nationaux devenaient maîtres de leur destin pour un projet de société qui n’en finit pas de marquer son individualité et qui peut tenir la concurrence avec le référent scandinave.
Souvenons-nous également que le peuple tunisien, en payant le prix du sang pour son indépendance propre, a fait écrouler la colonisation dans le reste du continent. La puissance colonisatrice s’est résignée à négocier les indépendances des pays africains encore sous occupation, par référendum. La Tunisie a servi, d’une certaine façon, l’affranchissement du reste du continent, de même qu’elle a pris part, en étant parmi les fondateurs de l’OUA –Organisation de l’Unité Africaine, devenue Union Africaine- à ce que l’Afrique s’affirme sur la scène internationale sous une identité propre.
La “désaliénation“ d’un peuple, le cogito libérateur
L’indépendance n’a pas été qu’un affranchissement physique, quand la colonisation a pris fin. Pour trouver la voie vers l’indépendance, la Tunisie s’est réinventée. Avant de reconquérir sa souveraineté politique, qu’elle symbolisait par l’appel à un “Parlement tunisien“, cri du cœur et de ralliement du mouvement nationaliste, la Tunisie s’est affranchie au niveau de la pensée. Elle a structuré son propre cogito. Elle en a crypté les termes dans le texte de son hymne national. “Vivre en seigneurs ou dépérir d’une mort majestueuse“. Et pour cela, l’Histoire devra se plier à cette volonté irrépressible du peuple. Ce message est proprement universel.
Il est de Aboulkacem Chebbi mais on peut tout aussi bien les attribuer à Rudyard Kipling ou à Victor Hugo. Les Tunisiens ont trouvé une réponse à la question métaphysique: Un peuple existe dès lors qu’il est maître de son destin. La messe est dite.
La méthodologie tunisienne
Il faut persister et signer, la voie tunisienne vers l’indépendance n’a rien de banal. Sur sa lancée, la Tunisie a écrit le code génétique de l’état national. Cet héritage est universel. Il ne renie pas l’identité arabo-musulmane mais il se démarque par une touche d’universalité. Le point de départ est que, pour exister, il faut se rendre maître de son destin et s’approprier les moyens de sa puissance. Et ils sont au nombre de deux. Le savoir -pour former les générations- et la technologie -pour accéder à la puissance économique.
La Tunisie rejoint en cela l’hyperpuissance américaine. Bill Gates disait, en l’an 2000, le XXIème siècle sera celui de la technologie, et le président Obama, le lendemain de sa réélection, affirmait que l’Amérique possède la plus grande armée du monde mais qu’elle a les meilleures universités du monde.
Mais l’originalité tunisienne était de rajouter qu’un pays se construisait par étapes et que le gradualisme était la voie rationnelle pour transformer une société.
De l’indépendance à la démocratie
L’indépendance a-t-elle assouvi toutes les attentes des Tunisiens? La réponse ne fait pas de doute. Cependant, le big bang de l’indépendance ne s’est pas arrêté en cours de route même s’il a connu quelques sérieux dérapages sans toutefois faire dérailler l’ensemble.
Notre confrère Hachemi Troudi soutenait que l’Etat était l’instrument principal pour finaliser la vision civilisatrice du projet de l’indépendance. Et il s’est doté des principaux attributs de cette mission matérialisée par des choix forts qui font toute son authenticité et toute sa force.
Et, notre confrère Khemais Krimi avait fait observer que l’indépendance n’a pas su aller de l’Etat national vers l’Etat institutionnel. Force est de constater que l’appel de “Droit au travail, liberté et dignité nationale“ sont en cohérence avec la quête d’émancipation soulevée par la dynamique de l’indépendance qui n’a pas fini de nous habiter.