Une économie de la colocation, “nouveau mode d’habiter”, se dessine en France

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à Caen (Photo : Mychele Daniau)

[20/03/2015 08:06:36] Paris (AFP) Encadrée et dotée d’un statut judirique depuis peu, la colocation commence à générer une véritable économie, certes de niche, et intéresse des promoteurs tels que Nexity qui intègre à ses programmes des logements conçus pour ce “nouveau mode d’habiter”.

Au mois de juin, un sondage CSA pour le réseau immobilier Guy Hoquet a bousculé les idées reçues en affirmant que les colocataires sont aujourd’hui majoritairement des actifs : à 54% contre 45% d’étudiants.

En temps de crise, la colocation synonyme, à loyer égal, d’espaces plus grands pour des charges réduites, attire de plus en plus de jeunes salariés. Bien qu’ayant décroché un premier emploi, ceux-ci peinent à se loger dans certaines métropoles telles que Paris où les loyers ont flambé, ces dernières années.

“C’est une solution pratique, économique et rapide pour se loger. Mais les gens le font très majoritairement par nécessité, plutôt que par choix”, concède Jean-Philippe Ruggieri, directeur général du pôle résidentiel de Nexity.

Outre les jeunes actifs, des familles monoparentales et des seniors – bien qu’encore très minoritaires -, tentent eux aussi l’aventure.

“Nous avons des mamans divorcées qui décident de vivre ensemble pour gérer les tracas du quotidien et échapper à la solitude”, dit à l’AFP Karim Goudiaby, PDG du site internet Appartager.com.

Depuis janvier, le site organise des “apéros colocs” inter-générationnels, où les futurs colocataires se rencontrent.

Cette nouvelle demande a amené le promoteur Nexity à concevoir, dans des trois programmes immobiliers “test” à venir, des appartements dédiés à la colocation.

Cela concernera cinq à dix logements, en majorité des 4/5 pièces situés aux étages élevés, sur des opérations à Paris (XIXe arrondissement), Aix-en-Provence et Ramonville-Saint-Agne (près de Toulouse), précise M. Ruggieri.

– Des bailleurs encore dubitatifs –

Ces logements comprennent un “espace commun” de 26 à 30 m2, trois ou quatre chambres de 10 à 12 m2, comprenant chacune un cabinet de toilette, ou bien deux salles de bains, et des cloisons “plus épaisses pour une meilleure intimité”, de 7 cm contre 5 ou 6 cm d’ordinaire, indique-t-il.

Des étudiants architectes, sélectionnés par concours, ont imaginé des aménagements intérieurs – rangements en hauteur, murs où des éléments amovibles sont “clipsés” (étagères, hamac, cintres…).

Si le promoteur est soucieux d’accompagner les évolutions sociétales, il y voit aussi l’opportunité de commercialiser plus facilement des grands appartements qui représentent 15 à 20% de ses programmes.

“Ce sont des appartements familiaux où les familles vont de moins en moins : elles préfèrent aujourd’hui aller vivre dans des maisons à l’extérieur du centre ville”, souligne M. Ruggieri.

Côté bailleur, la colocation apparaît comme “une réponse pragmatique qui permet aux bailleurs de réduire les risques d’impayés et la vacance locative”, fait valoir Weroom, la plateforme de colocation de Nexity.

Toutefois les bailleurs sont encore très dubitatifs vis-à-vis de ce mode de location, selon deux sondages réalisés l’un début mars par le groupe PAP (De Particulier à Particulier), l’autre par Weroom mercredi dernier.

Ils ne sont que 3 sur 10, selon le premier, et 4 sur 10, selon le second, à envisager de louer à des colocataires.

La loi Alur du 27 mars 2014 devrait contribuer à les rassurer : elle a donné une définition juridique de la colocation et l’a encadrée.

Elle a aussi modifié la clause de solidarité : lorsqu’un locataire quitte la colocation, il n’est plus solidaire du paiement des loyers et des charges, dès l’arrivée de son remplaçant.

Auparavant les colocataires étaient solidaires jusqu’à la fin du bail. Et en l’absence de nouveau locataire, la clause de solidarité expire dans les six mois suivant le congé.

Pour le président de la Fnaim, Jean-François Buet, cette disposition suscite les craintes des bailleurs, lesquels devraient en contrepartie, “pouvoir résilier plus facilement le bail, s’ils ne trouvent pas de colocataire de remplacement”.

Et en France, l’Etat n’a pas mis en place de dispositifs incitatifs, alors qu’au Royaume-Uni, “tout ménage qui met en location une chambre vacante dans son logement bénéficie d’un crédit d’impôt”, rapporte M. Goudiaby.

Pour le président de la Fnaim, “il y a clairement un potentiel pour la colocation. Mais il est limité. On a aussi une population qui vieillit et des propriétaires qui ont envie d’être rassurés”.