Quelle importance peut revêtir les querelles intestines d’un parti au pouvoir lorsque, dans notre pays, nous avons perdu la notion de souveraineté nationale et le sentiment d’appartenance à une patrie? Ou encore lorsque nos institutions, celles qui ont été les édifices du savoir et de la connaissance et qui ont formé des générations et des hautes compétences deviennent le fief des étudiants «bandits», lesquels, non seulement empêchent leurs condisciples de passer les examens, mais les violentent et vont jusqu’à les menacer ainsi que leur professeur de «décapitation».
Que reste-t-il de la Tunisie après que ses établissements universitaires, à une certaine époque, fleurons du monde arabe, sont devenus des producteurs de surdiplômés sous-qualifiés, de chair à canon daéchien et d’extrémistes de tous bords?
Ce qui est arrivé samedi 14 mars 2015 à la Faculté de Droit est l’illustration parfaite de l’anéantissement de l’Etat. Des étudiants qui osent s’attaquer au corps enseignant et qui bradent toutes les lois interdisant le déroulement normal des examens, ne peuvent le faire avec autant d’assurance sauf dans un seul cas: être certains d’agir dans l’impunité la plus totale!
Lorsque des étudiants s’adonnent à des pratiques indignes de quêteurs de savoir et plus appropriés aux grands criminels, cela prouve que la théorie du «ver dans le fruit» initiée par les courants islamistes dans nombre de pays, dont le Soudan et le Yémen, est en train de faire du chemin dans notre pays.
Quand nos frontières sont à chaque fois sujettes à des charges ou des salves de camions de contrebandiers qui progressent en bataillon (une centaine dans la nuit du 15 au 16 mars) ignorant la présence des unités de l’armée et de la Garde nationale pour forcer l’entrée au territoire tunisien au point de passage de Ras Jedir et refusant les contrôles douaniers, c’est qu’il y a un grand problème dans notre pays: absence de souveraineté ou souveraineté nationale bafouée.
Lorsque des contrebandiers traînés devant les tribunaux, semble-t-il, sont rapidement relaxés par manque de preuves, il y a un problème d’Etat de droit.
Notre souveraineté? Elle a certes été bafouée depuis l’avènement de la Troïka au pouvoir avec une présence accrue du Qatar et de la Turquie sur la scène politique et économique tunisienne. Le Qatar a été non seulement l’un des organisateurs de la Rencontre des Amis de la Syrie dans notre pays en étroite collaboration avec notre ministère des Affaires étrangères mais son représentant occupait même un bureau à l’hôtel où se tenait la réunion, ce qui avait, à l’époque, scandalisé un diplomate européen. Le Qatari, paraît-il, décidait en lieu et place de notre ministre: le tristement célèbre Chafik Bouchleka. Pire, Rached Ghannouchi, qui a oublié qu’aujourd’hui il n’est plus seul maître au pouvoir en Tunisie et qu’il a été battu aux deux élections, prend trop de liberté à critiquer et de manière virulente notre politique étrangère. Sait-il que les intérêts et la place de la Tunisie aux échelles régionale et internationale doivent prévaloir à ceux des factions libyennes? Etant un négociateur hautement sollicité par les donneurs d’ordre américains pour dialoguer avec les barbus libyens, il oublie aussi que les Etats-Unis ont par trop souvent lâché leurs alliés dès qu’ils commencent à les désobéir, à commencer par Ben Laden, Saddam Houssein, Hosni Moubarak et Zine el Abidine Ben Ali.
S’il revêt aujourd’hui de l’importance étant lui-même lié à tous les barbus de la terre, il peut rapidement la perdre dès qu’on n’aura plus besoin de lui…
Il est aussi vrai qu’il n’est pas le seul à avoir porté atteinte par ses déclarations ou ses prises de position à l’image de notre pays. Son ancien allié et président provisoire avait déjà pris un malin plaisir à mettre à mal nos relations avec des pays avec lesquels nous avions toujours des rapports respectueux et courtois. Et si encore il avait le courage de ses positions! Pour rappel, l’incident diplomatique qu’il avait suscité lorsqu’il s’était attaqué aux monarchies parlementaires, les accusant d’être antidémocratiques. Il a été ensuite remis à sa juste place par un monarque qui l’a acculé, en ignorant ses appels répétitifs, à présenter ses excuses les plus plates à son ambassadeur.
Le président du mouvement «Harak Cha3b Al Mowatinin» a humilié la Tunisie en assistant lui-même à la fête nationale de ce pays, ce qui n’est pas d’usage dans le monde diplomatique, tout comme il l’a humilié lorsque le prince bédouin du Qatar a déclaré qu’il avait beaucoup à lui apprendre en matière d’usages protocolaires…
Dénigrer les politiques nationales à l’étranger, barrer les routes, fermer les portes des entreprises ou des établissements publics, empêcher les gens de travailler, défendre les contrebandiers et les corrompus qui font commerce des intérêts de la nation, attaquer les institutions de souveraineté nationale par le verbe ou par l’action sont des actes aujourd’hui inacceptables et condamnables. Et qu’on arrête de nous bassiner les oreilles avec une liberté d’expression qui n’en est plus une et une liberté d’action qui perd sa raison d’être lorsqu’elle menace la sécurité nationale.
Dans une récente interview sur le Monde.fr, le philosophe français André Comte-Sponville déclarait: «Il n’y a pas de liberté absolue. Même à l’état de nature, à supposer qu’il ait existé, la liberté de chacun dépend de la force dont il est capable; elle est doublement limitée, et par sa propre faiblesse, et par la force des autres. C’est vrai a fortiori dans un Etat de droit. Pas de liberté sans lois, pas de loi sans contraintes. On prend souvent l’exemple du code de la route: s’il n’existait pas, ma liberté de circuler, théoriquement plus grande, serait en pratique presque nulle. S’agissant de la liberté d’expression, c’est différent. On pourrait envisager qu’aucune loi ne la limite. Mais est-ce souhaitable? Il faut bien interdire la diffamation, les appels au meurtre, protéger le droit d’auteur et les secrets commerciaux ou industriels…».
Il a tout dit. La liberté ou démocratie ne riment pas forcément avec l’atteinte à la souveraineté de l’Etat ou la menace de la sécurité ou de l’économie du pays.
A quand l’application du principe “suprématie de la loi envers et contre tous“?.