à une soupe populaire où ils peuvent déjeuner pour presque rien à Itaborai, à 60 km au nord-est de Rio de Janeiro, le 19 mars 2015 (Photo : Vanderlei Almeida) |
[21/03/2015 09:40:36] Itaborai (Brésil) (AFP) Le scandale de corruption qui touche le géant pétrolier brésilien Petrobras n’a pas seulement des résonances politiques: à 45 kilomètres de Rio, la ville d’Itaborai, autrefois un +eldorado+ de l’or noir, est désormais peuplée de milliers d’ouvriers au chômage.
Certains ne touchent plus de salaire depuis décembre et vivent de la générosité de leurs amis, d’autres attendent qu’on leur verse un dernier paiement avant de quitter cette cité de 250.000 habitants, dont l’existence avait été bouleversée il y a sept ans au début des travaux pour l’immense raffinerie Comperj de Petrobras.
C’était la belle époque, se souviennent les ouvriers, témoins du boom économique lié à l’installation de la raffinerie, avec la construction d’hôtels, de centres commerciaux et de nouveaux immeubles.
Aujourd’hui, Itaborai ressemble plutôt à une ville fantôme, avec ses commerces fermés, dont la grille métallique arbore des panneaux “à louer”.
De nombreuses entreprises contractées pour la construction de la raffinerie sont soupçonnées d’avoir payé des pots-de-vin à des hauts dirigeants de Petrobras, qui finançaient ensuite des politiques, en échange de contrats. Selon les autorités, ce sont quatre milliards de dollars qui auraient été détournés ainsi, en une décennie.
Le scandale, qui touche de près le Parti des travailleurs (PT, gauche) au pouvoir, a obligé Petrobras à réviser ses comptes, à réduire ses investissements et à geler les contrats passés avec les entreprises soupçonnées par la justice.
Cela a signifié un coup d’arrêt pour le chantier de la Comperj, réalisé à 82,5% et dont la valeur totale est estimée à 13,2 milliards de dollars.
Mais alors qu’aucune sanction n’est encore tombée sur les 49 personnes poursuivies – dont 13 sénateurs, 12 députés, deux gouverneurs en exercice -, les ouvriers ont connu très vite leur punition : le licenciement.
En 2013, 35.500 ouvriers travaillaient sur le chantier d’Itaborai. Actuellement ils ne sont plus que 9.500.
Interrogé par l’AFP, Petrobras assure que ces suppressions d’emplois faisaient partie du programme du chantier. Mais dans les rues, errent désormais de nombreux ex-travailleurs de l’entreprise Alumni, un des sous-traitants avec lesquels Petrobras a coupé les liens fin 2014.
– “Je suis ruiné” –
“Depuis décembre ils ne me paient pas un centime, je n’ai pas de couverture santé, je dois deux mois de loyer, j’ai supplié pour qu’on ne me jette pas à la rue et je survis grâce à des collègues qui me donnent un kilo de riz, de sucre”, se lamente Julio Alves da Silva, 42 ans, venu de Salvador (nord-est) travailler pour Alumni il y a quatre ans.
D’autres anciens ouvriers sont carrément à la rue. Selon des déclarations du vice-maire d’Itaborai au journal O Globo, 70% des sans-domicile fixe de la ville sont des ex-employés du chantier.
Au total, 2.500 travailleurs d’Alumni attendent leur licenciement formel. L’entreprise, en redressement judiciaire et qui nie les accusations de pots-de-vin, n’a pas versé leurs salaires ni signé les documents leur permettant de chercher un autre emploi.
Parmi eux, Joaldo de Oliveira, 31 ans, originaire de Recife (nord-est), attend cette étape pour partir loin de “cet enfer”.
“Si ce scandale n’avait pas explosé, j’aurais encore mon travail. Eux continueraient à voler, nous à travailler, mais au final ils ont volé et c’est nous qui payons les pots cassés”, soupire-t-il, amer.
Les victimes collatérales ne manquent pas: Marco Paulo Pires da Silva, 33 ans, se souvient encore quand son petit hôtel était rempli à 95%, grâce aux ouvriers de tout le pays venant travailler à Itaborai. Devant le succès, il avait même ouvert deux succursales, désormais fermées.
“Aujourd’hui je suis ruiné”, confie-t-il.
“Mon principal client (Alumni) fait l’objet d’une enquête, ils nous doivent 500.000 réais (154.000 dollars, ndlr) et nous allons devoir fermer. Nous sommes en train de vendre les meubles pour pouvoir verser les salaires des six employés qui restent, contre les 44 de départ”.
L’hôtel n’a déjà plus d’électricité. Sur les 63 chambres, seules deux sont louées. Vingt autres personnes sont logées gratuitement, mais l’établissement sera entièrement évacué le 1er avril.