Merkel reçoit Tsipras pour désamorcer les tensions germano-grecques

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à d) Matteo Renzi, Alexis Tsipras, le président du Parlement européen Martin Schulz et Angela Merkel avant le Conseil européen du 19 mars 2015 à Bruxelles (Photo : Alain Jocard)

[22/03/2015 16:05:50] Berlin (AFP) Angela Merkel reçoit lundi Alexis Tsipras à Berlin pour tenter de désamorcer les vives tensions entre une Grèce surendettée, qui veut en finir avec l’austérité, et une Allemagne tenante d’une ligne dure parmi les créanciers européens.

La chancelière, qui a déjà rencontré son homologue en fin de semaine lors d’un mini-sommet à Bruxelles, a affirmé “se réjouir de sa visite” et dit souhaiter poursuivre leurs échanges “avec l’idée que les divergences d’opinion peuvent se muer en convergence”.

De son côté, Alexis Tsipras se dit heureux d’une “rencontre qui ne se fera pas sous la pression d’une quelconque négociation”.

“C’est important car nous pourrons ainsi discuter de sujets qui mettent à mal l’Europe, ainsi que de l’amélioration des relations entre nos deux pays”, a-t-il affirmé dimanche au quotidien grec Kathimerini.

Cette première rencontre en tête à tête lundi à 17H00 (16H00 GMT) doit contribuer à en finir avec le climat délétère qui s’est installé entre Athènes et Berlin depuis l’élection d’un gouvernement de gauche radicale fin janvier dans une Grèce économiquement asphyxiée.

Ce climat s’avère particulièrement nuisible au moment où se joue, selon certains, le sauvetage du pays ou bien son expulsion de la zone euro.

Pour Hajo Funke, politologue à l’Université libre de Berlin, ces tensions sont l’illustration de “la confrontation de deux mondes”.

D’un côté, “un gouvernement grec de gauche, engagé socialement, est confronté à un effondrement de la société, comme aucun pays de l’Ouest de l’Europe n’en a connu depuis 1945”, décrit M. Funke. Et en face, l’Allemagne, pays “satisfait, vu comme économiquement heureux et puissance dominante en Europe, se préoccupe de préserver cette relative bonne santé économique”.

Vendredi, Alexis Tsipras s’est engagé à Bruxelles à concrétiser plus rapidement les promesses de réforme chères à Berlin tandis que la Commission a annoncé mettre à la disposition d’Athènes “deux milliards d’euros pour l’année 2015”, provenant de fonds structurels non utilisés.

Mais le déblocage de l’aide financière nécessaire à l’Etat grec pour rester à flot (soit 7,2 milliards d’euros) demeure sur la table des ministres des Finances de la zone euro.

“Le temps est compté pour la Grèce”, a prévenu Wolfgang Schäuble, ministre des Finances d’Angela Merkel qui ne cache pas sa lassitude à l’égard d’Athènes. “Jusqu’à présent, personne n’a compris ce que voulait le gouvernement grec”, a-t-il maugréé en début de semaine.

– ‘Jeu toxique’ –

Les sorties récurrentes de cet apôtre de la rigueur, qui a été caricaturé en uniforme nazi par un journal satirique en Grèce, enveniment les relations entre les deux pays, a accusé le ministre grec de la Défense.

L’Allemagne, de son côté, s’agace du style de Yanis Varoufakis, ministre grec des Finances omniprésent dans les médias. Une vidéo le montrant faisant un doigt d’honneur aux créanciers du pays, lors d’un débat en 2013, a déchaîné les passions, même si personne ne sait plus s’il s’agit d’une vraie séquence ou d’un montage.

La volonté d’Athènes de réclamer des réparations à l’Allemagne pour des crimes de la Seconde Guerre mondiale, dossier que Berlin considère comme juridiquement et politiquement clos, a achevé d’entretenir la crispation tandis que la population allemande, persuadée de payer pour les Etats du sud de l’Europe, devient de plus en plus hostile aux plans d’aide.

Cette exaspération générale s’exprime avec violence dans les colonnes du puissant quotidien Bild. Fin février, au moment du vote au Bundestag d’un prolongement du programme d’aides à la Grèce, le journal avait publié des selfies de ses lecteurs invités à exhiber une pleine page du journal barrée d’un “Nein”.

Sur son blog, vendredi, M. Varoufakis a appelé Grecs et Allemands à “mettre fin au jeu toxique des accusations réciproques et aux doigts moralisateurs qui ne bénéficient qu’aux ennemis de l’Europe”.

Au-delà de la guerre des mots, des caricatures et des haussements de ton, les gouvernements des deux pays se retrouvent en effet sur une peur commune: le “Grexit”, une sortie de la Grèce de la zone euro que M. Tsipras comme Mme Merkel souhaitent éviter.