Pourquoi avons-nous tendance, en Tunisie, à nous auto-flageller jusqu’à l’autodestruction? Il y a de quoi envier la Syrie, l’Egypte et l’Irak d’avoir des peuples et un leadership qui soutiennent, contre vents et marées, leurs gouvernements et ne se retournent pas contre eux au premier faux pas ou mauvaise prestation.
Des pays comme la Syrie ou l’Irak, victimes de leur positionnement géopolitique et de leurs ressources énergétiques résistent, armée, forces sécuritaires, peuples et société civile à Daech, Jabhat Annossra et tous les groupuscules terroristes formés et financés par leurs voisins et les puissances économiques internationales.
En Syrie, à chaque fois que l’on évacue une ville des terroristes, elle reprend vie grâce à la combattivité et la volonté de vivre de ses habitants et l’on voit les manifestations culturelles revoir le jour et les fleuristes rouvrir leurs boutiques.
Pareil pour l’Irak et même l’Egypte où pas un jour ne passe sans un attentat terroriste. Chez eux la culture de la vie est plus forte que celle de la mort!
Chez nous le sport national de la classe «prétendument éclairée» est l’autoflagellation, le «tanbir», traduction fine: l’ironie ou encore la suspicion. Heureusement que le peuple est plus volontaire, plus courageux et plus patriote.
La suspicion que des pseudo-animateurs et des «experts» qui n’arrêtent pas de semer le doute dans l’esprit des téléspectateurs est devenue maladive. Ainsi, un animateur interviewant un témoin (guide touristique) à propos de la tragédie du Bardo mercredi 18 mars, insistait dans son émission tristement célèbre du dimanche: «Vous êtes sûr que ceux qui ont été abattus par les forces sécuritaires sont les terroristes? Avez-vous été protégés comme il se doit? Les autorités publiques vous ont-elles entouré des attentions que vous méritez?». Une aberration, lorsque l’on sait la souffrance de ces gens-là, la fragilité de la situation sécuritaire et l’importance du rétablissement de la confiance du peuple traumatisé en ses institutions.
Il est tout autant triste de voir les politiciens qui ont nié l’existence de Daech, qui ont soutenu les ligues de protection de la «révolution» mener campagne aujourd’hui à l’encontre de responsables politiques qui ont appelé à faire déchoir de leur nationalité les terroristes qui ont combattu en Irak et en Syrie et qui rentrent en Tunisie pour en faire une terre de Djihad!
72 formations terroristes existaient déjà en Tunisie avant le 14 janvier
Sami Ben Nassr, sociologue, chercheur et spécialiste des courants salafistes et islamistes, a déclaré sur Radio Culture qu’en Tunisie il existait déjà 72 formations terroristes takfiristes avec une différence: «Ceux qui appelaient au Djihad en Irak étaient de loin plus nombreux que ceux qui décrétaient la Tunisie comme étant une terre de Djihad. Cette équation a été totalement inversée après janvier 2011. Un mois de janvier où nous avons remarqué une synchronisation surprenante des actes de violence et de vandalisme orchestré du sud au nord du pays. On dirait qu’on s’était donné le mot pour mettre à terre l’Etat et ses institutions».
Il a affirmé que ces mouvements bénéficiaient de financements colossaux et qu’il est grand temps de lever le voile sur les véritables acteurs des débordements qui ont eu lieu en janvier 2011 venant de certains responsables sécuritaires, des médias et de certaines parties qui ont attaqué systématiquement les poste de police et de la garde nationale.
Le salafisme ne date pas d’aujourd’hui en Tunisie. Les gens ont la mémoire courte, ils ont vite oublié l’attentat de la Synagogue El Ghriba en 2002 et la «bataille» de Slimane en 2006.
Le salafisme n’a jamais eu autant d’impact et d’influence en Tunisie avant l’apparition du mouvement des Frères musulmans et son activisme politique à partir des années 70. Il a commencé à s’y enraciner à partir des années 90 lorsque nombre de jeunes sont partis en Arabie Saoudite à la recherche du «savoir initial». La prolifération des chaînes religieuses conjuguée aux vastes campagnes d’arrestations des islamistes, qui ne sont pas tous des innocents comme on se plait à le faire croire, a renforcé encore plus le développement de ce courant islamiste extrémiste.
Après le 14 janvier, nous avons assisté à la pullulation des écoles takfiristes «coraniques» et même à des institutions éducationnelles pour dispenser les études de la Chariaa comme l’institution Ibnou Malek à El Maner 1. Elles sont toutes financées et créées par des associations caritatives et également par des hommes d’affaires convaincus par l’idéologie islamiste et disposant des moyens de la mettre en œuvre. Ils instituent ainsi des programmes d’enseignement pour endoctriner les jeunes sans aucune surveillance ou contrôle des autorités de tutelle, qu’il s’agisse du ministère de la Femme ou celui de l’Education nationale.
Que faire des associations islamistes actives dans notre pays
Aujourd’hui, il existe des centaines d’associations islamistes actives dont une partie importante salafiste financée par des fonds venant des pays du Golfe. Plus de 10 associations sont gérées en partenariat avec des personnalités ou des institutions saoudiennes dont l’une sous tutelle du prince «Nayef Ibnou Abdelaziz».
Nous pouvons aussi citer l’Association tunisienne des sciences de la Charia présidée par Noureddine El Khadmi qui a occupé le poste de ministre des Affaires religieuses (sic), la Ligue des savants et des prêcheurs dont le vice-président est l’extrémiste Béchir Ben Hssan, l’Association tunisienne des imams, la Ligue des associations coraniques. Ces associations constituent l’un des fondateurs les plus importants du Front tunisien des associations islamiques qui comprend des associations caritatives, culturelles et sociales et qui est présidé par Mokhtar Jebali. Elle a fait son apparition en 2012 à l’occasion de la campagne «La Chariaa doit être la source essentielle de la législation».
Que savons-nous de ces associations sinon ce qu’elles veulent bien nous montrer? L’Etat les contrôle-il? Quels en sont les tenants et les aboutissants? C’est à ces questions que nous devons trouver réponses si nous ne voulons pas nous trouver dans 20 ans dans une Tunisie “afghanisée“.
La responsabilité des pseudo-politiciens…
Pourtant, les pseudo-politiciens tels Samia Abbou, et comble de l’ironie, Ali Larayedh, grand stratège du mouvement islamiste et d’autres ont toujours banalisé ces associations en tant que phénomène menaçant pour notre société. C’est ce qui explique que, mercredi 18 mars 2015, 23 personnes aient été victimes d’un acte barbare perpétré par des terroristes endoctrinés par les théoriciens islamistes qui ont élu domicile chez nous.
Nos médias et nos intellectuels, eux, tournent tout en dérision. Rien ne trouve grâce à nos yeux. Pendant quatre ans, nous avons souffert des échecs des gouvernements successifs. Nos critiques ont été virulentes mais nous n’avons pas conscience que les critiques ne peuvent être sensées que si elles sont constructives. Elles offrent des alternatives et sont exprimées par rapport à un projet ou un débat. Nous avons massacré l’Etat, le gouvernement islamiste a tout fait pour le démanteler et nous héritons du Bardo en attendant les mauvaises surprises que peuvent nous réserver les mois à venir.
Sévir contre le formatage des jeunes générations…
Tous les experts dans l’islamisme ou l’islam politique s’accordent à dire que les associations servent à formater des générations de jeunes qui œuvreront à créer une opinion publique salafiste dont la principale mission sera de changer les lois.
Par conséquent, il faut rapidement sévir à ce niveau et limiter les dégâts que peuvent engendrer ce genre d’organisations nocives pour notre culture, notre modèle sociétal et surtout notre sécurité.
Pouvons-nous battre le terrorisme par la dérision, la suspicion ou l’autoflagellation? Et surtout, y a-t-il un pilote dans l’avion?