ès de Périgné, dans les Deux-Sèvres, le 18 mars 2015 (Photo : Guillaume Souvant) |
[26/03/2015 08:03:45] Échiré (France) (AFP) Il est 11H passées, Francis Gilbert entame sa deuxième tournée. Il faut le voir man?uvrer sur les étroites routes de campagne des Deux-Sèvres avec son 38 tonnes. Il a quatre heures pour charger plus de 20.000 litres de lait.
Il passe toutes les 48 heures chez les 72 éleveurs de vaches laitières de la Coopérative laitière de la Sèvre. Le jour, comme la nuit. De toutes les manières, il n’a besoin de personne pour brancher son camion aux tanks de lait.
Dès sa livraison, le lait est transformé en crème, puis en beurre: le beurre d’Echiré, un produit cousu main qui s’invite sur les plus belles tables et pour lequel les éleveurs sont très fiers de travailler.
Sans ce produit AOP à haute valeur ajoutée, les éleveurs du coin auraient probablement arrêté depuis longtemps. Car le Poitou-Charentes n’est pas la Bretagne: l’élevage y est dispersé, les prairies crament en été, et beaucoup d’éleveurs ont déjà troqué leurs bêtes pour planter des céréales, comme la plupart des agriculteurs ici.
Début avril, l’Union européenne va mettre fin à plus de 30 ans de quotas laitiers. Beaucoup redoutent que cette libéralisation ne soit fatale aux élevages français situés dans le Sud-Ouest ou le Nord-Est, régions non spécialisées en lait.
Car en France, le nombre des éleveurs a déjà fondu de près de 60% entre 1993 et 2013, passant d’environ 162.000 producteurs à 67.000, selon l’enquête annuelle laitière.
ère, le 18 mars 2015 dans les près de la commune de Périgné, dans les Deux-Sèvres (Photo : Guillaume Souvant) |
En réalité, la fin des quotas, ils disent l’avoir déjà vécue. “On a déjà eu une restructuration avec beaucoup d’éleveurs qui ont jeté l’éponge. Et on s’est organisé pour faire face à cette fin des quotas”, assure Patrick Roulleau, président de la coopérative.
Les élevages se sont regroupés, ont grossi, pour atteindre une taille critique et réaliser des économies d’échelle.
A l’image de François Cournuau et son frère. Depuis 2006, ils ont doublé leur production avec 125 vaches, et ont investi dans deux robots de traite pour 250.000 euros.
Ou de ces trois éleveurs regroupés en Gaec (Groupement agricole d’exploitation en commun), qui s’occupent de 140 vaches, des Prim’Hostein en majorité, les turbos du lait.
– Pays des 1.000 fromages –
“Le 2 avril, le soleil ne va pas se lever de l’autre côté”, ironise David Boiroux.
Et ce qui compte, ce ne sera pas de produire plus mais de réussir à “faire notre lait au (tarif le) moins cher possible”.
èvres (Photo : Guillaume Souvant) |
“On essaie donc de se détacher au maximum des fluctuations des cours des marchés agricoles, en achetant le moins de protéines possible (comme le soja) à l’extérieur”. “Aujourd’hui, on dépend des marchands d’alimentation pour un quart de la ration totale, mais on voudrait descendre à 15%”. Le reste étant produit sur l’exploitation.
Les concurrents européens et notamment l’Irlande ne cachent pas leurs ambitions de produire plus pour l’après-quotas. Mais en France, le lait ne va pas couler à flots et la prudence est de mise.
“Ce n’est pas le développement des volumes qui nous intéresse mais de mieux les valoriser”, insiste le président de la coopérative. Par exemple, 500 tonnes de beurre passent en cubes pâtissiers et “on aimerait les transformer en plaquette Echiré, mais ça veut dire deux millions de plaquettes à vendre en plus, c’est énorme”.
Au pays des 1.000 fromages, les éleveurs de la Coopérative laitière de la Sèvre misent sur les produits du terroir pour résister. Mais tous ne seront pas logés à la même enseigne, notamment ceux qui livrent leur lait à des entreprises privées comme le géant Lactalis (marques Lactel, Président) ou Danone.
“C’est sûr que si on était chez Lactalis, demain ils pourraient nous dire: +vous êtes trop loin, on ne passe plus chez vous+. La coopérative elle a l’obligation de nous collecter”, fait remarquer Guillaume Bousseau.