L’économie “réelle“ ne peut-elle pas insérer l’économie solidaire et sociale (ESS) dans sa dynamique de reconstruction? Un compartiment pour l’ESS aurait un précieux appoint en matière de lutte contre les déséquilibres et les inégalités.
Sans emphase, on peut affirmer que l’on a assisté à ce qui peut tenir lieu des “assises de l’économie solidaire et sociale“, mercredi 25 février au Ceres (Centre d’études et de recherches économiques et sociales). Rappelons que le Centre signe un retour remarquable sur la scène nationale avec des contributions variées, abondantes et au standard scientifique.
La place de l’ESS dans l’histoire des idées
De l’ensemble des échanges, nous retenons que l’ESS est quelque peu snobée par l’économie réelle. Les experts soutiennent qu’elle est regardée, à tort, comme l’économie de l’indigence. Le legs de Proudhon l’aurait quelque peu dévalorisée. Et pourtant, rappellent-ils, ses origines sont lointaines dans l’histoire. Ils ont montré que les grands courants de pensée autant théologique que philosophique ont traité de la question de manière approfondie.
Plus tard, quand la pensée économique s’est organisée, elle ne l’a pas tout à fait occultée, affirment-ils. Ils rappellent que de nos jours l’ESS s’est imposée au débat et sur le terrain. Regardée, injustement, comme en dehors de la sphère des lois du marché, force est de constater qu’elle interpelle par son pouvoir de croissance. Souvent accablée de qualificatifs dévalorisants, l’ESS est taxée tantôt d’“économie rurale“, tantôt d’“économie urbaine“, des fois d’“économie mutualiste“ et d’autres de “secteur coopératif, associatif“, enfin sans réelle emprise sur les circuits de distribution, la croissance économique et la répartition des revenus.
L’ESS et le culte de la performance économique
Son come back vient de ses faits d’armes, disent les experts. Elle performe dans les secteurs les plus avancés. La plus grande compagnie d’assurance au Japon est une mutuelle. Le crédit populaire occupe une place de choix dans le secteur bancaire en France. Avec beaucoup de réserves, nous dirons que nous regardons l’immense structure des Lloyd’s anglais aussi comme une architecture mutualiste. Ne peut-on redorer le blason de l’ESS en anoblissant ses techniques de réseautage économique en disant qu’il est de type consortial, tout simplement? Ceci pour dire que le consortium est la forme d’organisation la plus moderne. Les Groupements d’intérêt économique (GIE) sont une réussite du genre.
Tunisie, l’état des lieux
Chez nous, selon les experts, le secteur de l’ESS est tout simplement outlaw car totalement ignoré des pouvoirs publics. Le mot juste serait de dire qu’il est en stand by, abandonné à lui-même. Il est vaguement reconnu, dans les textes fondamentaux comme faisant partie du décor. On sait que coexistent les secteurs public et privé et accessoirement coopératif. Et point de place reconnue et mise en évidence pour une ESS en bonne et due forme.
Cette situation appelle un effort d’insertion, dans l’urgence, insistent les experts. D’une part, les structures existantes méritent un geste d’appui et d’assistance pour être préservées et remises à flots. On ne peut autant -par bon sens que par souci de protection de l’économie- les laisser s’écrouler.
Insérer l’économie sociale dans notre schéma de renouveau économique est une priorité
En parlant d’économie sociale et solidaire, on appelle les programmes économiques d’Amérique du Sud, principalement au Brésil ou en Argentine. Les dégâts économiques des favellas sont de véritables désastres d’exclusion et d’inégalités. L’ESS a été une passerelle d’insertion de ces populations à l’économie réelle. Ces expériences sont édifiantes à plus d’un titre et elles peuvent être transposées et implémentées ailleurs, y compris en Tunisie.
Cependant, les experts rappellent que l’ESS n’a pas sa place que dans les économies émergentes. Les économies les plus évoluées du monde font une part belle à l’ESS. L’horlogerie de précision suisse n’est-elle pas quasiment organisée à la manière de l’ESS? Mais en la matière disent les experts, la médaille revient à la Scandinavie où l’économie solidaire représenterait prés de 25% du PIB avec une part conséquente dans l’emploi et la fiscalité.
Il convient de regarder l’ESS comme un levier sérieux du développement. En effet, nous pensons que c’est un rempart contre l’exode régional, la précarité et la pauvreté. Elle donnerait une meilleure allure au schéma d’aménagement de notre territoire et constituerait une passerelle efficace pour l’insertion des régions dans la dynamique de développement.
Les experts appellent à réorganiser le cadre juridique et réglementaire de l’ESS. Si elle devait rester en l’état, elle perpétuerait cette dualité économique insupportable entre un secteur organisé et un autre marginal, repaire de mal croissance et d’économie souterraine.
En revanche, si elle est réinsérée dans notre démarche nationale elle serait un pilier supplémentaire de croissance et de développement. Il y a urgence en la matière d’autant que nous avons de solides expériences pilotes en la matière, notamment avec certains offices tel celui sylvo-pastoral ou celle de du Commissariat général au développement régional..