à Tokyo, le 18 février 2015 (Photo : Kazuhiro Nogi) |
[27/03/2015 07:15:18] Tokyo (AFP) Loin de l’euphorie des débuts des “abenomics” qui avaient vu les prix frémir et la croissance s’accélérer, le Japon a renoué avec une inflation nulle en février, pour la première fois depuis mai 2013, dans un contexte de reprise bien timide.
Les prix ont augmenté de 2,0% le mois dernier sur un an, hors ceux des produits périssables, a annoncé vendredi le ministère des Affaires intérieures, soit une stagnation en excluant l’impact du relèvement en avril 2014 de la taxe sur la consommation.
Une telle statistique était redoutée: elle survient après plusieurs mois de ralentissement, conséquence d’une économie fragilisée par ce changement fiscal et du plongeon des prix du pétrole observé depuis l’été dernier.
Elle n’en met pas au moins au défi la banque centrale qui pourrait être obligée, de l’avis de nombreux analystes, de procéder d’ici à la fin de l’année à une nouvelle extension de son programme de rachats d’actifs afin de parvenir à son objectif ultime de 2%, qu’elle était censée atteindre au cours du printemps.
Son gouverneur, Haruhiko Kuroda, a souligné récemment combien il était difficile de s’extirper du phénomène pernicieux de la déflation, qui décourage les investissements et achats depuis une quinzaine d’années. “Je pense que l’état d’esprit déflationniste n’a pas été complètement éradiqué, nous sommes encore à mi-chemin”, a-t-il dit.
“Selon la tendance des cours de l’énergie”, l’indice des prix (hors TVA) pourrait même redevenir temporairement négatif, a-t-il averti, tout en restant optimiste sur le long terme.
Yutaka Harada, nouveau membre du comité de politique monétaire de la BoJ, a personnellement estimé jeudi soir qu’il serait difficile d’atteindre la cible de 2% dans les délais initialement impartis, selon des propos rapportés par les médias.
Mais, a-t-il relativisé, “ce ne serait pas un si grand problème pour l’économie japonaise si cela était dû à des facteurs positifs tels que la chute des cours de l’or noir”, un plus pour un pays fortement dépendant des importations d’hydrocarbures.
– Signes ‘positifs’ –
Reste à voir comment évolue, dans les mois à venir, la demande intérieure, pilier de la croissance (60% du produit intérieur brut). Les Nippons ont de nouveau restreint leurs dépenses en février (-2,9% sur un an), soit le 11e recul mensuel d’affilée, tandis que les ventes de détail ont décliné de 1,8%.
Ces chiffres souffrent toutefois d’une base de comparaison défavorable du fait de la ruée dans les magasins début 2014, en amont de la hausse de TVA. “Si on se focalise sur la progression d’un an sur l’autre, il faudra attendre le mois d’avril” pour en savoir plus sur la solidité de la reprise, estime Tomo Kinoshita, économiste du groupe de services financiers Nomura, interrogé par l’AFP.
Et de noter plusieurs signes et éléments “positifs”: un regain de l’indice de confiance des consommateurs depuis décembre, une facture énergétique moins chère et des négociations salariales concluantes.
La plupart des grandes firmes, à l’instar de Toyota ou Panasonic, ont récemment annoncé des augmentations significatives, un coup de pouce bienvenu, à même de doper le pouvoir d’achat des Japonais, dans un marché du travail propice où le taux de chômage est au plus bas (3,5%).
A condition cependant que les moyennes et petites entreprises emboîtent le pas à leurs aînées, et rien n’est moins sûr au vu de leur réputation de prudence et d’un environnement d’affaires incertain.
Les autorités veulent pour leur part croire que la stratégie “abenomics”, lancée fin 2012 par le Premier ministre Shinzo Abe, finira par payer.
L’exécutif a d’ailleurs amélioré lundi, une première en huit mois, son diagnostic économique, évoquant notamment l’embellie perçue du côté des sociétés.
Particulièrement bien loties, une partie des compagnies exportatrices s’apprêtent à dévoiler d’excellents résultats annuels grâce aux effets bénéfiques de l’affaiblissement de la devise japonaise sur leurs activités à l’étranger.
Déflation persistante, dette exorbitante et main-d’oeuvre en déclin dans un archipel vieillissant: ce n’est assurément pas ce dont rêvait le Premier ministre deux ans après son retour aux commandes. Dans un entretien au Financial Times vendredi, M. Abe promet pourtant qu’en 2020, quand Tokyo accueillera les Jeux olympiques, “le Japon ne sera plus un fardeau économique. Cela appartiendra alors au passé”.