Après avoir stagné en 2014, le Brésil se prépare à la récession

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à Brasilia (Photo : Wenderson Araujo)

[27/03/2015 15:56:31] Rio de Janeiro (AFP) Le Brésil a stagné en 2014 avec un PIB en hausse d’à peine 0,1%, alors que la septième économie mondiale affronte des vents adverses et s’apprête à entrer en récession en 2015.

Le chiffre annoncé vendredi par l’Institut brésilien de Géographie et Statistique (IBGE) dépasse légèrement les prévisions : la Banque centrale tablait sur une contraction de 0,1% et la majorité des analystes prévoyaient une croissance zéro.

Au 4e trimestre 2014, l’économie brésilienne a reculé de 0,2% par rapport aux trois derniers mois de 2013.

L’industrie, secteur le plus affecté, s’est contractée de 1,2% en 2014, tandis que le secteur agro-industriel a progressé de 0,4% et celui des services de 0,7%, a précisé l’IBGE.

Le Brésil se prépare à entrer en récession sous le double effet de la crise et de l’ajustement budgétaire que tente de mettre en ?uvre le gouvernement, pour enrayer la dérive des comptes publics et éviter une dégradation de la note souveraine du pays par les agences internationales.

La Banque centrale table sur une contraction de 0,5% de l’économie en 2015, avec une inflation élevée qui ronge le pouvoir d’achat des ménages et pourrait terminer l’année à 7,9%, bien au-delà du plafond du seuil de tolérance officiel (6,5%) et de l’objectif de 4,5% fixé par le gouvernement.

Pour lutter contre l’inflation, l’autorité monétaire a progressivement redressé son taux directeur jusqu’à 12,75%, un niveau qui pèse sur l’activité et l’investissement.

– ‘Un grand dérèglement’ –

Même le chômage, qui a résisté à des niveaux historiquement bas en 2014, commence à augmenter (de +0,6% à 5,9% en février).

L’IBGE a révisé les chiffres sur la croissance des précédentes années, retenant une nouvelle méthodologie pour le calcul du PIB qui applique des normes internationales recommandées par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM).

La nouvelle série adopte comme année de référence 2010, quand le Brésil avait connu une croissance spectaculaire de 7,6% (7,5%, selon le calcul antérieur). En 2011, la première économie latino-américaine a crû de 3,9% (au lieu de 2,7%), en 2012 de 1,8% (contre 1%) et en 2013 de 2,7% (contre 2,5%).

“Les questions sont maintenant de savoir à quel point la récession sera profonde en 2015, quand le Brésil commencera-t-il à récupérer, et à quelle vitesse?”, explique à l’AFP Robert Wood, analyste du Brésil pour Economist Intelligence Unit (EIU).

“Il y a eu un grand dérèglement ces dernières années du point de vue budgétaire, inflationniste et des changes. Il a manqué une politique extérieure qui relance la compétitivité, il n’y a pas eu d’accords internationaux pour stimuler les exportations”, résume Allex Agostini, économiste en chef de l’agence brésilienne de notation Austin Ratings.

Selon lui, “le Brésil ne va pas croître en 2015 et connaîtra peut-être une croissance de 1 à 2% en 2016, avant de croître d’environ 2,5% en 2017”.

– Dépassé par l’Inde –

L’Inde, partenaire du Brésil au sein du club des pays émergents des Brics, et qui croît en moyenne de 7% par année, devrait d’ailleurs ravir cette année au géant sud-américain sa place de 7e économie mondiale, estime M. Agostini.

Le Brésil est le pays des Brics qui a connu la plus faible croissance en 2014, loin derrière la Chine (+7,4%), l’Afrique du sud (1,4%) et même la Russie (+0,6%), pourtant affectée par la crise ukrainienne et les sanctions occidentales.

Mais le géant émergent d’Amérique latine a également été à la traîne de tous les pays de la région en 2014, à l’exception du Venezuela. Le Chili a enregistré une croissance de 1,9%, le Mexique 2,1%, la Colombie 4,6% le Pérou 2,35%, l’Argentine 0,5%.

Le nouveau ministre des Finances, Joaquim Levy, s’emploie à faire passer un ajustement budgétaire douloureux. Il doit pour cela convaincre un Parlement divisé alors qu’il ne jouit pas d’une grande sympathie dans les rangs du Parti des travailleurs (PT, gauche) au pouvoir.

Le contexte politique n’aide pas. Le pays est plongé dans le psychodrame du vaste scandale de corruption qui éclabousse le géant étatique pétrolier Petrobras, les plus grandes entreprises de construction du pays et une cinquantaine de politiciens dont le trésorier du PT, ainsi que les présidents des deux chambres.

La présidente Dilma Rousseff, au plus bas dans les sondages, est au centre d’une fronde qui a mobilisé plus d’1,7 million de Brésiliens contre elle dans les rues le 15 mars, cinq mois seulement après sa courte réélection à la tête du pays.