Les Thénardiers, ces désagréables personnages du roman de Victor Hugo «Les Misérables», me sont revenus à l’esprit en lisant sur un journal une information selon laquelle des personnes inconnues auraient eu «la témérité» et «la bassesse» morales de dépouiller les cadavres des touristes tombés au musée du Bardo, sous les balles des terroristes, de plusieurs de leurs objets personnels: bijoux, portables, monnaie, lunettes, sacs…
Thénardier le père, qui faisait autant avec les cadavres des soldats tombés dans le champ de bataille en leur subtilisant dents en or, alliances, montres, représentait justement le charognard par excellence, le mauvais côté de l’homme, les monstruosités que peut faire un humain pour gagner de l’argent, l’appât du gain, un prétexte primitif de l’homme pour tricher, voler et tuer juste pour obtenir tout pour soi.
Seulement, Thénardier, qui était à la fois «la bête, la brute et le méchant», pour copier Sergio Leoni, l’avait fait il y un siècle et demi, à une époque où la France connaissait une misère totale. Alors que ceux ou celles qui ont volé ces cadavres l’on fait au 21ème siècle et à une période où la Tunisie se porte relativement bien en ce sens où elle vit une belle période de transition porteuse en dépit du terrorisme et des difficultés conjoncturelles.
Pour mémoire, ce comportement affligeant et honteux n’est pas le premier. Il intervient après un incident similaire qui a eu lieu, cette fois à Paris, et des jeunes émigrés tunisiens étaient impliqués.
Les cadavres du Bardo dépouillés, pas un cas isolé
Lors d’un accident ferroviaire, un déraillement d’un train, survenu le 12 juillet 2013 à la gare de de Brétigny-sur-Orge (28 km au sud de Paris), la police française a dû intervenir pour faire fuir des jeunes dont des tunisiens. Ces derniers, sous prétexte de secourir les blessées, ne cherchaient en fait qu’à leur subtiliser des objets personnels. En plus clair encore, ils n’étaient présents sur le lieu de l’accident que pour dépouiller les cadavres. Les chaînes de télévision françaises en avaient beaucoup parlé à l’époque. Dans le souci de calmer les esprits, le gouvernement français avait relativisé l’affaire et parlé d’«actes isolés».
Des survivants des embarcations de la mort vers Lampedusa (Italie) racontent également des histoires similaires. Les plus forts dépouillent de leurs économies les cadavres de ceux qui ont succombé en cours de route avant de les jeter à la mer.
Pour revenir aux Thénardiers du Bardo, interpellé par la presse sur cette affaire, le directeur du musée du Bardo, Moncef Ben Moussa, s’est contenté de déclarer que les «140 agents du musée ne sont pas concernés par de telles pratiques».
Néanmoins, une enquête mérite d’être menée et le visionnage des caméras du musée serait vivement recommandé. La ministre de la Culture, tout autant que le ministre de l’Intérieur, doivent s’expliquer sur ce dérapage. Car l’affaire est très grave. Il s’agit d’une dérive comportementale qui dit long sur des changements sociaux qu’on doit contenir avant qu’ils n’atteignent des seuils incontrôlables. Nos sociologues et anthropologues ont tout intérêt à s’y pencher et à lui accorder un intérêt particulier.
A bon entendeur.