Ils sont plus de 260 jeunes à avoir bénéficié des salaires de l’ordre de 880.000 dinars, donation de Petrofac au gouvernorat de Sfax imposée à la firme pétrolière juste après une pseudo-révolution laquelle, loin d’œuvrer à initier un mouvement pour la création des richesses et de l’emploi, a institutionnalisé la rémunération des chômeurs de luxe en tant que droit acquis.
Il en est ainsi des entreprises de l’environnement, habillage intelligent pour un chômage déguisé. Depuis 15 jours, les jeunes kerkenniens font le siège au centre de production de la firme pétrolière Petrofac empêchant la distribution du gaz dans la zone de Sfax et acculant les autorités publiques à l’acheter 3 fois plus cher.
Le parquet de Sfax, pourtant saisi de l’affaire, n’a pas, à ce jour, émis un jugement allant dans le sens de l’évacuation de l’usine, ce qui vas ainsi à l’encontre des décisions prises par le gouvernement et lesquelles, tout en permettant les manifestations de protestations et de revendications pacifiques, interdisent le blocage des routes et la menace des intérêts économiques du pays.
Ahmed Souissi, coordinateur du mouvement et contacté par nos soins, estime que le terme “terrorisme économique“ est trop loin de la réalité car pour lui toutes leurs demandes sont légitimes. Pourtant à la question «vous êtes diplômé du supérieur, votre ambition se limite-t-elle à bénéficier de 450 à 500 dinars par mois pour des semblants d’activités environnementales?», il n’a pas de réponses.
A notre suggestion: «pourquoi vous ne proposez pas, avec vos compagnons d’armes, des projets qui pourraient être financés par Petrofac et qui vous permettront d’introduire une dynamique économique dans l’île?, sa réaction a été «oui, nous allons y réfléchir et revenir vers vous». Depuis, motus et bouche cousue. Apparemment, la réflexion des sit-inneurs n’a abouti à rien du tout à ce jour.
Une honte parce qu’à ce genre de pratiques, aujourd’hui légitimées et justifiées par nombre d’acteurs sociaux, il y a un nom: le racket social, sous prétexte de précarité et de chômage, face à un laxisme stupéfiant d’un Etat qui veut relancer l’investissement et rassurer les opérateurs économiques.
Plus de 4,5 millions de dollars investis par Petrofac à Kerkennah depuis 2011
Petrofac Tunisie a investi plus de 4,5 millions de dollars à Kerkennah depuis 2011. Les montants consentis ont été classés en fonction des besoins de l’île et en coordination avec les institutions gouvernementales et les composantes locales de la société civile. La firme a procédé à l’acquisition d’un scanner, un échographe et un arceau chirurgical pour améliorer la qualité des services rendus au niveau du secteur de la santé publique.
Pour ce qui est de l’éducation, tous les établissements scolaires de l’île ont été dotés de matériel informatique afin de permettre aux jeunes un meilleur accès aux nouvelles technologies. Pendant 2 ans, des sessions de rattrapage ont été organisées en direction des lycéens bacheliers pour améliorer le taux de réussite des élèves.
Il y a également eu l’appui des moyens de subsistance (Livelihoood) des locaux dont le projet phare pour cette année: le premier réseau d’éclairage en photovoltaïque qui a permis aux 6.000 pêcheurs un rythme de travail plus soutenu, plus de sécurité en matière de navigation et surtout la pérennité de leurs activités!
Malgré «et effort colossal que nous avons fourni pour satisfaire les revendications des insulaires, en tant qu’opérateur pétrolier fournissant plus de 15% du gaz national, nous n’avons jamais autant souffert d’arrêts de production et d’attaques à l’encontre de nos camions», a indiqué, Jamel Haouas, CSR Manager.
A entendre Ahmed Souissi, activiste étudiant chômeur, les jeunes seraient écartés des plans d’investissement sociaux de l’entreprise. Mais que proposent justement ces jeunes pour être intégrés dans une dynamique de création de projets porteurs dans l’île, y compris à l’échelle environnementale? Rien à part percevoir le montant de 450 DT par mois. Comme s’il relevait de la responsabilité de Petrofac ou des autres entreprises de les embaucher et de les payer de force! Quoi de plus naturel lorsque la valeur travail cède le pas à l’assistanat et lorsque le mérite fait place à une nouvelle forme de banditisme «disculpée». «Nous avons des diplômes, nous sommes de chômeurs, vous devez nous payer un tribut parce que vous exploitez nos richesses».
Pourtant, rien que Petrofac, témoignages à l’appui, indique M. Haouas, a depuis 2011:
– appuyé financièrement et techniquement plus de 13 entrepreneurs locaux pour qu’ils créent leurs propres entreprises;
– subventionné plus de 35 actions culturelles, économiques, environnementales et sportives proposées par les jeunes de l’ile;
– sponsorisé plus de 15 associations sportives qui encadrent près de 1.100 jeunes, un montant qui a dépassé les 250.000 dinars;
– organisé plus de 4 sessions de formation et de renforcement de capacités aux jeunes entrepreneurs avec des bureaux de renommée;
– mis à la disposition des jeunes nos bus, nos bons de gasoil afin de se déplacer dans l’île et à l’extérieur pour des évènements qui boostent la prise d’initiative et la citoyenneté active;
– financé des compétitions sportives organisées sur l’île de Kerkennah afin de dynamiser la vie associative, l’exemple du premier Rallye nord-africain en est l’exemple le plus édifiant.
Aujourd’hui, Petrofac a décidé de stopper net la distribution du «tribut» de ses activités au sein de l’île sous forme d’ ICLDI –ou “indemnités de chômage de luxe à durée indéterminée“! Nous tenons à garder le budget pour servir les intérêts de l’île et des insulaires, mais nous estimons qu’il est de notre devoir de citoyens tunisiens, au-delà de notre appartenance à une multinationale, d’orienter ces fonds vers des projets créateurs de richesses et de valeur ajoutée! Nous voulons mettre en place un fonds d’investissement permettant aux jeunes de se lancer dans le vrai et de jouer leur rôle en tant qu’acteurs économiques efficients au sein de la société».
Enough is enough, ou trop c’est trop, Petrofac sonne le glas d’une forme de mendicité excusée. Cette mentalité d’assistés qu’on a inculquée dans une île où sont nés les défenseurs des droits des travailleurs et non des chômeurs comme feu Habib Achour ou Farhat Hached, ne peut lui faire honneur.
Sur la carte d’adhésion des syndicalistes en 1948, le grand Hached avait inscrit: «Notre mission est la lutte, notre force est dans l’union. Par notre dévouement dans notre travail, nous réaliserons tous nos espoirs. Nous défendrons nos droits en comptant sur nous-même. Que le travail soit notre fierté en tant qu’hommes et l’honneur de notre société».
Farhat Hached avait cité le travail comme une fierté et un honneur, il n’a pas fait du chômage une fatalité. Et quoique les statistiques d’aujourd’hui nous défient en nous rappelant sans cesse ce fléau appelé «chômage», il est quand même étonnant que l’on trouve des acteurs économiques prédisposés à nous aider à le gérer et que nous préférions les détruire plutôt que d’adopter les solutions servant les intérêts de tout le monde.
Pendant ce temps-là , le gouverneur de Sfax, le parquet et le gouvernement dorment sur leurs lauriers.
Quant à Petrofac, que pèse la Tunisie pour elle? Un epsilon. Elle pourrait peut-être se redéployer ailleurs et laisser aux insulaires d’exploiter seuls leurs propres richesses. Peut-être qu’ils pourront mieux s’en sortir.