Au Japon, 1er avril rime avec début de carrière pas facile

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ôtesses recrutées par Japan Airlines posent devant un Boeing 777 à Tokyo le 1er avril 2015, au cours de la cérémonie qui marque le début de carrière de 1.067 nouvelles recrues pour les 30 entreprises du groupe JAL (Photo : KAZUHIRO NOGI)

[01/04/2015 07:40:27] Tokyo (AFP) Costumes et tailleurs impeccables, chemises blanches immaculées et cheveux fraîchement coupés, des dizaines de milliers de nouvelles recrues sont entrées mercredi dans le monde des “salarymen” et “office ladies” au service d’une grande entreprise japonaise, où ils resteront parfois toute leur vie.

Ils étaient nombreux de bonne heure sur les trottoirs et dans les rames de métro, ces jeunes hommes et femmes pour qui ce 1er avril marque le jour inaugural de leur carrière, sans doute l’un des plus éprouvants.

Selon le ministère japonais du Travail, 580.000 personnes devaient faire ce printemps leur arrivée dans une société ou institution.

Ces frais émoulus tendus et un peu gauches ont salué leurs supérieurs de façon parfois inattendue.

Ceux engagés chez Columbus, un fabricant de crèmes pour chaussures, ont commencé par “cirer les pompes de leur chef”, au sens propre seulement ! Ensuite, c’est l’inverse. De l’avis d’observateurs, les souliers brossés par les anciens sont bien plus beaux que ceux frottés par les nouveaux entrants, qui captent ainsi d’emblée que l’expérience se mesure ici au nombre des années.

Chez Toyota, à peine arrivés, ils ont passé la veste uniforme pour écouter le discours du patron. “Nous avons devant nous un défi à horizon de 30, 40 et même 100 ans”, a déclaré Akyo Toyoda aux 1.504 nouveaux venus.

“En tant que salariés de la banque centrale, vous devez tous avoir le sens de la mission”, a insisté de son côté le gouverneur de la Banque du Japon à 141 nouveaux jeunes collaborateurs.

“J’attends que vous agissiez avec promptitude sans être liés à la façon de penser ou aux méthodes du passé”, a renchéri le PDG de Fujifilm Holdings, dans un discours qui tend à braver la réalité.

– Coulés dans le moule –

C’est ainsi tous les ans. Les sociétés japonaises, particulièrement les plus importantes, accueillent des régiments de jeunes employés, un modèle qui fit ses preuves durant les “30 glorieuses” nippones, la période de haute croissance de la fin des années 1950 à la décennie 1980 qui s’acheva par une bulle.

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entreprise de 1.067 nouvelles recrues (Photo : KAZUHIRO NOGI)

Depuis, la situation économique a bien changé, mais pas tant la façon dont les nouveaux diplômés sont embauchés: les têtes chercheuses des Toyota, Honda, Toshiba, Hitachi, Fujitsu, Sony, Mitsubishi Financial Group et consorts vont les draguer sur les campus des plus prestigieuses universités, s’arrachent les mieux classés et leur font des promesses d’emploi un an ou plus avant la fin de leur cursus.

Ils ne savent pour ainsi dire rien du monde de l’entreprise, mais ce n’est pas grave: ils seront formés pendant des mois “façon maison”. Une fois coulés dans le moule, s’ils ne font pas partie du tiers qui quitte l’entreprise dans les trois premières années, ils ont des chances d’y passer des décennies, de grimper dans la hiérarchie et de voir leur salaire progresser à l’ancienneté.

– ‘Tous dans la même écuelle’ –

Même s’il s’agit d’une tradition bien établie et rassurante pour les employés comme pour les employeurs, ce modèle de recrutement en masse à la fin des études, appelé “shinsotsu ikkatsu saiyo”, est cependant de plus en plus critiqué, perçu comme inadapté à l’environnement concurrentiel international.

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érémonie marquant le début de carrière de 1.067 employés des trente entreprises du groupe Japan Airlines (JAL) à Tokyo le 1er avril 2015 (Photo : KAZUHIRO NOGI)

“Ces jeunes entrent tous dans une entreprise en même temps, mangent tous dans la même écuelle pendant des décennies, se nourrissent de la même culture et finissent leur carrière de la même façon”, regrette Takeshi Natsuno, ex-dirigeant du groupe de services mobiles NTT Docomo, désormais enseignant à l’université Keio.

Il suffit de regarder la liste des membres des comités de direction de grands groupes pour constater que la plupart des dirigeants arrivent à ce niveau au même âge, avec le même nombre au compteur des années passées dans la même société.

Selon M. Natsuno, si les entreprises nippones manquent parfois de créativité, d’originalité et se font dépasser par des Apple, Google et autres firmes étrangères dynamiques, c’est qu’elles ne vont pas suffisamment chercher des talents venus d’ailleurs en milieu de carrière.

“Leur champ de vision est trop étriqué parce que les employés ont trop des profils semblables”, insiste-t-il.

Reste que le système permet au Japon de se féliciter d’afficher un taux mirifique d’embauche des jeunes diplômés: quelque 95% de ceux qui finissent leur cursus dans l’enseignement supérieur en mars entrent dans une entreprise dans les jours suivants.