ès de leurs fournisseurs (Photo : Jean-Sebastien Evrard) |
[01/04/2015 12:56:42] Paris (AFP) L’Autorité de la concurrence, saisie pour rendre un avis sur l’impact des alliances de centrales d’achats dans la grande distribution, a identifié mercredi plusieurs risques d’altération de la concurrence et invité les distributeurs concernés (Auchan-Système U, Intermarché-Casino, Carrefour-Cora) à ajuster leurs pratiques.
Depuis deux ans, les distributeurs français ont entamé une guerre des prix féroce pour tenter de s’attirer les faveurs de consommateurs au pouvoir d’achat contraint.
C’est dans ce cadre qu’ils ont noué des alliances pour l’achat de produits auprès de leurs fournisseurs, entraînant la constitution d’une “puissance d’achat significative”, relève l’Autorité. Carrefour et Cora ont conclu un accord le 22 décembre quelques mois seulement après Auchan/Système U et Casino/Intermarché.
Dans son avis, le gendarme de la concurrence fait état de risques en aval et en amont de la chaîne de distribution. En aval, des échanges d’informations entre deux distributeurs concurrents pourraient se produire dans le cadre des négociations qui ont lieu chaque année entre distributeurs et fournisseurs pour fixer le prix d’achat des produits.
De tels échanges pourraient selon lui “lisser vers le bas les contreparties octroyées aux fournisseurs”, comme les assortiments ou les opérations commerciales. Ils pourraient également diminuer l’incitation des distributeurs à se faire concurrence en aval.
Les accords à l’achat risquent aussi d’entraîner une homogénéité des prix d’achat des principaux produits de grande consommation, voire des autres postes de coûts comme la logistique. “Un tel accroissement de la symétrie des coûts peut favoriser une collusion sur le marché de la distribution de détail, et ce d’autant plus que les coûts en question sont des coûts variables et qu’ils représentent une part importante des achats des distributeurs”, souligne le gendarme de la concurrence.
Les accords de coopération pourraient enfin réduire l’incitation des partenaires à se concurrencer sur l’affiliation de nouveaux magasins, figeant ainsi une partie du parc des magasins.
– Éviction de fournisseurs –
En amont de l’approvisionnement, l’Autorité pointe les risques de limitation de l’offre, de réduction de la qualité ou d’incitation de certains fournisseurs à innover du fait de la concentration de la puissance d’achat des distributeurs. Elle évoque même un risque d’éviction de certains fournisseurs.
ès de leurs fournisseurs (Photo : Joel Saget) |
Au sujet du risque d’abus, par les distributeurs, de la dépendance économique des fournisseurs à leur encontre, l’autre volet susceptible, avec les ententes, de nuire au fonctionnement concurrentiel du marché, l’Autorité note que de “nombreux cas de déréférencements de produits” lui ont été signalés. Elle relève aussi que des fournisseurs ont fait part de “demandes disproportionnées de renégociation des conditions commerciales”.
Dans son avis, elle invite donc les distributeurs à choisir leurs fournisseurs selon des critères “objectifs et non-discriminatoires” compte tenu des “incidences que leur choix pourrait avoir sur le marché de l’approvisionnement”.
Elle souligne aussi “l’importance de renforcer la concurrence dans le secteur” en assouplissant les conditions d’implantation des magasins et en “limitant la durée des contrats d’affiliation entre les magasins et leur tête de réseau”.
Le gendarme de la concurrence préconise en outre d’instaurer, pour les distributeurs, une “obligation légale d’information préalable à tout nouvel accord de rapprochement portant sur une partie significative du marché afin de lui permettre d’assurer son rôle de veille de manière efficace”.
Il propose enfin de modifier le dispositif prévu pour détecter les abus de dépendance économique afin de le rendre plus efficace.
Système U et Casino n’ont pas souhaité commenter cet avis. Le groupe Auchan a qualifié de son côté les remarques de l’Autorité de “très générales”, ajoutant qu’il “entendait bien les respecter”.
Contactés, Intermarché, Carrefour et Cora n’ont pas réagi dans l’immédiat.
A la suite des alliances de centrales d’achat, Casino/Intermarché représentent désormais 25,9% de part de marché en France, Carrefour/Cora 25,1%, Auchan/Système U 21,6% et Leclerc 19,9%, soit plus de 90% de parts de marché pour les quatre grands acheteurs.
L’Autorité avait été saisie à l’automne par le ministre de l’Économie Emmanuel Macron et par la commission des Affaires économiques du Sénat.
Le PDG de la filiale française du groupe suisse Nestlé, Richard Girardot, a dénoncé mardi dans Le Figaro les “marges écrasées” par les exigences des distributeurs ainsi qu'”une situation où le commercial se retrouve à 23 heures à attendre dans un box, soumis à une pression digne d’une garde à vue”.