Donald Tusk, nous le confiait lors d’un point de presse mardi 31 mars: l’UE sera aux côtés de la Tunisie pour conforter sa démocratie. Est-ce l’amorce d’un relèvement de perspective vers une forme de coopération plus avancée?.
Ce ne sont pas les gestes de bonne volonté qui ont manqué de la part du partenaire européen. En sus des lignes de crédit et des dons financiers, l’assistance technique européenne en vue de moderniser l’administration tunisienne, se multiplient à profusion. On ne voudrait citer que le programme d’assistance à la reengineering de la Cour des comptes. C’est un programme emblématique de la manière dont l’Etat peut dépenser les deniers publics. Et c’est donc un projet phare qui abonde dans le sens du renforcement de la démocratie par le souci de contrôle des finances publiques.
Il est vrai que l’UE n’a jamais manqué de nous délivrer des satisfécits pour la manière dont on a finalisé notre transition politique. Mais l’instant n’est plus politique, il est décisif. La Tunisie est dans l’œil du cyclone du terrorisme. Le pays résiste. Il est soutenu de toutes parts et l’UE s’est manifestée avec ce qu’il faut de compassion et de sympathie.
Cependant, en renforçant sa démocratie, la Tunisie préserve aussi les démocraties européennes. Et en considération de cela, nous croyons que la Tunisie est fondée à solliciter de sauter de palier en matière de coopération avec l’Europe, comme nous allons le détailler ci-après.
Quand la Tunisie résiste, elle fait reculer le terrorisme et l’extrême droite en Europe
Le péril terroriste doit être appréhendé, selon nous, dans une perspective régionale. Les effets du terrorisme en Tunisie ont une onde de choc qui traverse aisément la Méditerranée. L’extrême droite en France avait tablé sur l’épouvantail terroriste et sa stratégie se nourrissait de deux éléments qui ne se sont pas vérifiés.
Le premier était l’installation au pouvoir de régimes islamistes, au moins en Egypte et en Tunisie, adossés à des Constitutions issues de la Chariaa. Ils en furent pour leurs frais et nous pouvons soutenir que lors des élections européennes, le Front national s’est trouvé marron car au moins l’Egypte et la Tunisie ont connu une inflexion démocratique, qui est indiscutable dans le cas de la Tunisie.
Le deuxième est la propagation du terrorisme en Tunisie, de sorte à menacer l’avancée démocratique réelle. Là encore le pays résiste, plie mais ne casse pas. Et, les quelques forfaits lâches sont vite circonscrits. L’Etat reprend l’initiative en matière de lutte et on le sent en passe de prendre le dessus. Et là encore le scrutin des élections départementales prive le Front national d’un élément de propagande précieux et le raz de marée promis n’a pas eu lieu. Et il a de moins en moins de chance de se réaliser.
Lutter contre le terrorisme revient à traiter les symptômes
Quand l’UE se tient à nos côtés, il faudrait peut-être qu’elle reconsidère les retombées bénéfiques de l’expérience tunisienne sur la scène politique européenne et principalement française. Si l’UE continue à nous aider comme auparavant via des mécanismes classiques, on ne parviendra qu’à garder la tête hors de l’eau. On fera face, mais il faut convenir que lutter contre le terrorisme, c’est traiter le fléau en surface. Ne faut-il pas s’attaquer aux causes profondes du mal? Et celles-ci ont un nom, c’est le déficit de croissance et les inégalités sociales et les disparités régionales.
Des économistes tunisiens avaient développé un plaidoyer cohérent pour demande à l’Europe non pas d’augmenter son aide mais de changer de paradigme d’échanges avec la Tunisie, qui devient un rempart de sécurité pour l’Europe. Le statut de membre sans l’adhésion serait la meilleure récompense que l’UE pourrait accorder à la Tunisie ce qui, d’un autre côté, l’assurerait d’un retour sur investissement hautement rémunérateur. Le développement est l’antidote au terrorisme. Et le statut de membre serait le meilleur raccourci.
Deux mécanismes importants seraient dans ce cas accessibles à la Tunisie. Le premier est celui des fonds structurels destinés au développement régional. Et le rattrapage économique des régions est le meilleur bouclier contre le terrorisme.
Le second est le mécanisme de stabilisation financière qui viendrait en renfort à la bonne tenue du dinar. On aurait donné à la Tunisie les moyens de sa puissance économique et garanti sa solvabilité. Autant dire son invulnérabilité et en même temps un blindage contre l’irradiation terroriste.