A350 (Photo : Eric Piermont) |
[05/04/2015 09:22:22] Seattle (Etats-Unis) (AFP) L’avionneur américain Boeing défend bec et ongles sa chasse gardée du long-courrier face à l’assaut de son éternel rival européen Airbus avec son dernier-né, l’avion de nouvelle génération en fibre de carbone l’A350.
Non content de faire jeu égal dans le très lucratif marché des monocouloirs -150 à 200 sièges-, le constructeur aéronautique européen veut désormais ébranler ce qui paraissait jusqu’ici comme une forteresse imprenable: les long-courriers de moyenne capacité au fuselage large, appareils capables de transporter de 250 à 450 passagers.
Dans ce segment, Boeing dispose de deux armes de taille. Il y a le classique 777 qui sera épaulé à partir de fin 2019 par une version plus économe en kérosène et disposant de technologies de pointe, le 777X. L’avionneur se repose aussi sur le “Dreamliner” 787, l’avion de nouvelle génération construit en matériaux composites.
Longtemps dominé avec son A330, Airbus possède désormais une nouvelle cartouche: son bi-réacteur A350, qui se veut rival direct des 787 et 777.
“Airbus ne couvre pas l’ensemble du marché notamment le segment des 450 sièges et ça se ressent dans les commandes”, rétorque dans un entretien à l’AFP Randy Tinseth, vice-président en charge du marketing de Boeing.
Le responsable estime que pour jouer dans la même cour que son groupe, Airbus doit investir dans une nouvelle version de l’A350 équipée de 450 sièges comme le 777-9X.
Pour certains analystes, cette querelle certes légitime est anecdotique car, avancent-ils, la proximité des produits entre les deux avionneurs sur ce segment est “réelle”.
“Si on exclut le 777-9X, les autres modèles effectuent les mêmes routes, disposent des mêmes capacités et ont à peu près le même niveau de performance”, résume pour l’AFP Michel Merluzeau, expert au cabinet Frost & Sullivan.
Il souligne qu’Airbus a désormais “un pied sur le marché du 787 et un pied sur celui du 777”.
– Avertissement –
Pour Boeing comme pour Airbus, les enjeux commerciaux sont colossaux: le long-courrier est un créneau qui dégage les marges les plus importantes.
Quand un 737 est facturé au prix catalogue entre 78 et 113 millions de dollars, un gros-porteur comme le 787 vaut de 218 à 297 millions et un 777 de 269 à 388 millions de dollars.
Les compagnies aériennes doivent renouveler leurs flottes de 777 classiques et d’A340 gourmands en kérosène afin d’optimiser leur rentabilité.
La demande pour les gros-porteurs s’élèvera ainsi à 7.800 exemplaires pour environ 1.000 milliards de dollars dans les vingt prochaines années, évalue Airbus.
En attendant, Boeing reste leader avec une part de marché de 55% contre 45% à Airbus, d’après les carnets de commandes.
Le 787 accumule 1.105 commandes contre 780 à l’A350, selon les derniers chiffres disponibles.
Sous les assauts répétés du constructeur européen, la donne pourrait s’inverser. En novembre dernier, Airbus a ainsi adressé un avertissement sérieux à son concurrent, en raflant sur ses terres une commande “ferme” de 25 A350 de la compagnie américaine Delta Air Lines.
Airbus a pour objectif “d’avoir plus de la moitié du marché mondial”, a affirmé en décembre son PDG Fabrice Brégier.
Pour réaliser ses ambitions, l’avionneur européen a déployé une politique commerciale agressive. Mis sous pression, Boeing entend “construire des avions qui apportent plus de valeur que ceux fabriqués par la concurrence”, riposte Randy Tinseth.
Si le groupe de Chicago n’est pas prêt à renoncer à ses marges confortables, de l’ordre de 10,7% en 2014 contre 6% chez Airbus, il dit qu’il va rester “compétitif”.
Le duel bat déjà son plein au niveau de la production. Boeing a augmenté sa cadence depuis mi-2014 à dix 787 par mois, niveau qui devrait s’intensifier avec 12 appareils mensuels en 2016 et 14 d’ici 2016.
La réplique n’a pas tardé: la production de l’A350 va passer de 15 appareils en 2015 à 10 appareils par mois en 2018, a déjà annoncé Airbus, qui vise 110 appareils par an à compter de 2019.
“Le 777X et le 787-10 vont aider Boeing à garder son avance sur Airbus”, tranche le cabinet d’analyses Trefis.