Le “Festival de la Rose” à l’Ariana, ville réputée pour sa vocation florale et connue jadis pour ses roses et spécialement la célèbre “Rose gallique”, dite “rose de l’Ariana”, aura lieu dans un mois et demi. Seulement voilà, le parc “Bir Belhassen”, où se tient ce festival se trouve aujourd’hui dans un état attristant et pas une seule rose n’est cultivée dans son “jardin botanique de la Rose”. C’est ce qu’a constaté un journaliste de l’agence TAP, qui souligne du reste que toute la ville de l’Ariana a perdu beaucoup de sa vocation de ville des roses.
Durant ce festival annuel (mi-mai), la ville s’habille de toutes les couleurs et embaume des senteurs envoûtantes et irrésistibles qui se dégagent des étalages floraux et aussi de l’eau de rose et des huiles extraites de plantes aromatiques et médicinales.
Les Tunisiens viennent nombreux à ce festival pour s’approvisionner en plantes décoratives, eau de rose et autres huiles essentielles distillées pour la plupart, par des artisanes tunisiennes ayant acquis, à travers le temps, expertise et savoir-faire dans ce domaine.
Le parc Bir Belhassen est aussi un espace vert prisé par les arianais, notamment pendant l’été. Il dispose, par ailleurs, d’une salle de fête souvent louée pour célébrer les cérémonies de mariage.
Pas une seule rose au jardin botanique de la Rose
Dans ce parc, géré par la municipalité de l’Ariana et dont l’histoire remonte à l’époque Hafside, selon l’oeuvre d’Ali Hémrit, “l’Ariana à travers le temps”, les roses sont perdues de vue. Même au jardin botanique de la Rose, il ne reste que de simples allées couvertes d’herbes presque sauvages.
Pas une seule rose dans ce jardin pourtant crée pour sauvegarder des centaines d’espèces de rose et préserver la vocation de ville florale de l’Ariana.
A l’entrée du parc, le visiteur remarque des banquettes désertées, d’autres délabrées ou détruites… En ce début du mois d’avril qui marque l’entrée du printemps, le parc est presque déserté. Seulement quelques banquettes sont occupées, soit par des couples, soit par des solitaires venus pour échapper au bruit de la ville.
Pis encore, la rose que tenait la statuette installée au centre du parc pour rappeler la vocation de la ville de l’Ariana a, elle aussi, disparu.
La statuette est restée la main tendue, comme si elle attendait quelqu’un de bienveillant qui lui rendrait sa rose. Quelqu’un qui se soucie vraiment du sort des roses de l’Ariana.
Selon le chercheur et universitaire Ali Hémrit, Al Mustansar Billah Al Hafsi avait fait de cet espace une sortie pour les aqueducs construits en 1258, pour approvisionner en eau ses jardins connus par le nom de “jardins d’Abou Fehr”.
Ce parc fut depuis le début du 20ème siècle un lieu de cure pour les habitants des villes de Tunis et de l’Ariana, car il était connu pour les vertus guérissantes de ses eaux.
Selon un agent de la municipalité de l’Ariana, environ 20 ouvriers spécialisés dans le jardinage travaillent pour le compte de cette municipalité et entretiennent les espaces verts dans toute la ville.
Ce trentenaire, qui a requis l’anonymat, reconnait tristement que “les choses ont changé malheureusement, pour le pire. Personne ne se soucie des espaces verts. Honnêtement, je ne sais pas où sont passées les roses et pourquoi le parc et le jardin botanique de la Rose sont dans cet état”.
“C’était un jardin fabuleux, il s’y trouvait des roses de toutes les espèces et de toutes les couleurs même des roses bleues. J’y cueillais, moi-même, des bouquets pour les offrir à ma fiancée”, se souvient le jeune homme.
Il ne reste de la ville des roses qu’un festival
Ali Hemrit raconte dans son ouvrage que la ville des roses a constitué, de par son passé, un véritable poumon économique et culturel et continue de garder “jalousement son cachet andalou et sa tradition de ville des roses”.
La région de l’Ariana doit cette culture des roses aux immigrés andalous, venus s’y installer, après la chute de la cité de Grenade en 1492.
Après leur implantation, l’Ariana s’est transformée en un véritable paradis des roses, une vocation qui s’est étendue aux autres régions limitrophes de la ville où se sont développées d’autres activités économiques telles que l’agriculture irriguée.
D’ailleurs, la ville des roses a reçu la visite de nombreux penseurs, hommes de culture et grands hommes politiques arabes ou occidentaux et aussi des saints. Parmi les saints qui ont séjourné dans cette localité, on cite Sidi Ammar El Maâroufi, Sidi Abi Saïd El Béji, Sidi Belhassen, entre autres.
D’éminentes personnalités politiques comme la princesse Najli Fadhel, Mustapha Bahjat Fadhel, Khidyouyi Ismaël ont aussi séjourné à l’Ariana.
Il en est de même pour de grands savants, penseurs et écrivains français, à l’instar de Jacques Revault et Gustave Flaubert.
Ce dernier y a effectué deux visites, la première en 1849 et la deuxième en 1858. D’aucuns disent même que Flaubert a rédigé son célèbre roman “Salambô” dans cette localité de l’Ariana.
Toutefois, l’état dans lequel se trouve aujourd’hui cette ville ne reflète plus sa notoriété d’antan.
Une habitante de l’Ariana a déclaré à l’agence TAP que “la ville est devenue un dépotoir à ciel ouvert”.
“Les déchets sont partout, les travaux de construction n’ont pas laissé de place aux roses et l’encombrement a ajouté aux malheurs de la ville”, a encore témoigné la dame en sortant du parc de Bir Belhassen.
Certes, le festival de la rose est une fête qui enchante les Tunisiens et tend à restituer la tradition de la culture des roses dans la ville de l’Ariana et toute la Tunisie. Mais, est-ce juste de réduire l’histoire riche d’une ville ou d’un pays à un simple festival et de l’oublier le reste de l’année?