Il ya 15 ans, le 6 avril 2000, s’éteignait le Combattant suprême, Habib Bourguiba… La Tunisie de 2015 lui a rendu un hommage appuyé officiel mais surtout populaire et politique. Les années d’isolement et de coupure que Ben Ali avait affligées au père de la nation n’ont fait que renforcer un très grand travail de rétrospection sur l’homme et l’œuvre chez tout le peuple tunisien et particulièrement chez la génération qui l’a le plus combattu, celle de la Gauche nationaliste arabe et marxiste qui a croisé le fer avec son régime dès les débuts des années 60…
Les islamistes, qui lui ont voué une haine radicale teintée de religiosité et qui l’ont souvent et jusqu’à récemment traité d’apostasie, voulaient trouver chez l’ennemi et l’opposant Salah Ben Youssef un relent de ce que Bourguiba a combattu dès l’accès à l’indépendance, à savoir une mentalité poussiéreuse sur les décombres de laquelle Bourguiba a accompli l’œuvre de sa vie qui se résume en une sacrée trinité (sans lien avec le christianisme bien sûr): liberté de la femme – scolarisation de la jeunesse – santé pour tous.
Si la Gauche tunisienne revient aujourd’hui à Bourguiba, c’est d’abord en reconnaissance de son rôle. Bourguiba a libéré le pays et a bâti la 1ère République. Sa mégalomanie et son côté despote oriental ont eu le dessus sur sa culture libérale et républicaine puisée aux sources de la IVème République française très radical-socialiste (d’où sa grande amitié avec Mendés France, Edgar Faure et autres figures des Radicaux de la Gauche française de l’après-Guerre).
Ceci n’occulte nullement que, avec les défis que nous vivons aujourd’hui, nous pouvons avouer que le Bourguiba moderniste, très laïc et admirateur d’Atatürk, a vacciné le pays contre les maux qui sévissent dans la plupart des pays arabes et qui ont retardé leur développement humain. Ni l’Egypte progressiste de Nasser, ni l’Irak flamboyant de Saddam Hussein, ni à plus forte raison le régime mégalomane de Kadhafi n’ont pu résister à la montée de l’extrémisme religieux comme l’a fait la Tunisie grâce uniquement à ses femmes libres et à sa société tolérante et décomplexée. Le parti Ennahdha en sait quelque chose, lui qui a tant misé sur une réislamisation de la société tunisienne croyant que la ferveur religieuse des Tunisiens était un signe d’une demande de fermeture et de wahhabisme à forte odeur de pétrodollars.
Eh bien, Bourguiba restera notre Père! Il n’était pas démocrate et ne partageait absolument pas le pouvoir. Il a laissé se développer au sein du Parti Destour une tendance dictatoriale qui nous a enfanté Ben Ali et ses sbires. Il n’affectionnait pas spécialement une presse libre ou des partis politiques qui s’opposent à lui. Il nous a, nous génération de l’indépendance, mis en prison pour un oui ou pour un non! Mais il nous a libérés de l’ignorance. Il était un père difficile et intraitable d’un égo démesuré… mais il était le père!
Paix à son âme!