Les ministres de l’Industrie qui se sont succédé, depuis le soulèvement du 14 janvier 2011, donnent l’impression qu’ils n’ont qu’une seule obsession, celle d’augmenter les prix de l’électricité, du gaz et du carburant. L’actuel ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines, Zakaria Ahmed, n’a pas échappé à la règle. Après avoir annoncé, lors d’une conférence de presse au cours de laquelle il a présenté les priorités de son département pour les 100 premiers jours de son mandat, une éventuelle augmentation, en 2015, des prix de l’électricité et des hydrocarbures, une nouvelle que beaucoup de journaux télévisés ont repris, le nouveau ministre a dû se rétracter, le lendemain, et déclarer qu’aucune augmentation de ses prix n’a été annoncée.
Ce démenti du ministre est nuancé en ce sens où il ajoute que son ministère n’a pas encore abordé le dossier des augmentations des prix. Décryptage: ce dossier sera, d’une façon ou d’une autre, à l’ordre du jour, en 2015.
Le même exercice : des annonces suivies de démentis
Son prédécesseur, Kamel Bennaceur, avait annoncé, le 30 novembre 2014, une seule augmentation, d’un maximum de 7%, du prix de l’électricité et du gaz au cours de l’année 2015. L’ancien ministre de l’Industrie avait évoqué d’éventuelles majorations en déclarant à l’époque, à l’agence TAP, que «pour que cet ajustement reste fixe cela requiert que les prix internationaux du gaz et du baril de pétrole restent inchangés».
Ce même Bennaceur devait se raviser un mois après. Son ministère a assuré dans un communiqué, publié vendredi 2 janvier 2015, que les prix du gaz et de l’électricité ne seront pas augmentés et qualifié les informations sur l’imminence d’une telle augmentation de «rumeur».
L’exercice est hélas le même. Ces ministres sondent le terrain en annonçant des augmentations de prix pour les démentir ensuite.
Pourtant et en principe –bien en principe-, en toute logique économique après l’effondrement du cours mondial du pétrole de 110 dollars à 50 dollars actuellement, et compte tenu de l’indexation du prix du pétrole sur celui du gaz naturel, énergie utilisée pour faire fonctionner toutes les centrales électriques du pays, cet acharnement à augmenter les prix de l’électricité et du gaz n’est pas justifié à moins que ces ministres cachent quelque chose de plus grave aux Tunisiens.
Pour la nième fois : pour combien on achète notre pétrole?
Le gouverneur de la Banque centrale (BCT), Chedli Ayari, a tout à fait raison quand il a décidé de charger une commission aux fins d’enquêter sur l’absence d’impact de la baisse du prix du pétrole sur l’économie tunisienne et de vérifier les factures d’achat des sociétés qui importent le pétrole (Serept + Etap).
Cette commission, pour peu qu’elle voie le jour et mène à terme sa mission, va révéler d’importants dysfonctionnement au niveau de la gestion des ressources naturelles du pays, et particulièrement l’énergie.
Est-il besoin de rappeler ici que jusqu’à ce jour, il n’existe aucun document officiel accessible au public et dans lequel on peut trouver en toute transparence le prix du baril de pétrole acheté à l’étranger, le prix de vente du baril produit localement et le nombre exact de barils produits, localement, par jour et par compagnie pétrolière?
Mieux, selon nos informations, la Tunisie a toujours acheté son pétrole à un prix préférentiel de moins de 50 dollars -le cours mondial du baril de 110 dollars à 50 dollars n’a pas peut-être impacté positivement la balance énergétique.
Des ministres irresponsables
Par ailleurs, les ministres de l’Industrie post révolution semblent se plaire dans leur rôle de ministres sinistroses. Leur bilan, durant quatre ans, a été toujours catastrophique. Dans leurs interventions en public, ils n’annoncent que les échecs et les mauvaises nouvelles.
Abstraction faite de cette obsession à annoncer des augmentations du prix, ils cultivent l’art d’évoquer, avec masochisme, leur propre échec et d’occulter, délibérément, leur responsabilité dans la mise en œuvre des réformes qui s’imposent dans les industries extractives.
Ainsi, ils se délectent à rappeler le manque à gagner généré pour le pays en raison de l’arrêt des exportations du phosphate (4 milliards de dinars durant les quatre dernières années) mais ils ne parlent jamais de leur entière responsabilité dans l’enlisement du dialogue avec les grévistes et sit-inneurs du bassin minier, et surtout, de leur incompétence génétique à trouver des solutions.
Pis, à aucun moment on n’a jamais entendu un ministre de l’industrie post-révolution évoquer une réforme des codes des hydrocarbures et des mines dont la réversibilité des articles serait, selon, les experts, à l’origine de la corruption qui gangrène les industries extractives.
Les industries extractives, un secteur corrompu parce qu’opaque
A preuve, ce témoignage d’Abderrahmane Ladgham, ancien ministre chargé de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption. Dans une interview accordée à «Assabah Al-Ousbouii» (lundi 30 mars 2015), il a évoqué l’opacité et l’absence de transparence du secteur des industries extractives, et particulièrement du pétrole.
Il a indiqué qu’au temps où il était ministre, il a été informé par des sources fiables que “notre production pétrolière est nettement supérieure aux chiffres annoncés” et que certaines ONG ont conclu, suite à une surveillance de près des champs pétrolifères, que les sociétés exploitant ces champs ne déclarent que la moitié, voire le quart de leur production.
Moralité : la coupe est pleine. Le moment est venu pour jeter la lumière, toute la lumière sur ce secteur mal géré et corrompu.
A bon entendeur.