Un Français appelé à mettre sur rails l’économie moldave

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Economie et vice-Premier ministre de la Moldavie (Photo : VADIM DENISOV)

[08/04/2015 14:15:52] Chisinau (AFP) Conseiller financier de haut vol pendant près de 20 ans, le Français Stéphane Bridé se retrouve aujourd’hui confronté à un défi “hors norme”: mettre sur les rails l’économie de la Moldavie, pays le plus pauvre d’Europe.

Inhabituel parcours que celui de cet homme de 43 ans, dont 18 ans au service d’Ernst&Young, l’un des quatre plus grands cabinets d’audit mondiaux, arrivé dans l’ex-république soviétique pour une longue mission en 1999 et qui ne l’a plus quittée depuis.

“Me voilà aujourd’hui aux commandes du ministère de l’Economie et vice-Premier ministre, un changement fondamental et un défi hors norme”, déclare-t-il dans un entretien accordé à l’AFP.

“L’opportunité s’est présentée en début d’année avec le Parti démocrate de Moldavie (PD, proeuropéen, ndlr), qui était à la recherche d’un expert d’origine européenne connaissant le contexte” moldave, après les élections générales de novembre, confie M. Bridé. Marié à une Moldave, il a la nationalité du pays depuis 2013.

Si la tâche est titanesque, elle vaut la peine de s’y atteler, juge-t-il. “Plus d’une fois j’ai été mécontent face à certaines décisions. Bien souvent j’ai eu envie de dire +mais pourquoi on ne changerait pas cela+!”.

Avec un produit intérieur brut représentant 0,3% de celui de la France, soit 7,2 milliards d’euros en 2014, ce petit pays de 3,5 millions d?habitants subit de plein fouet les effets de la récession en Russie et de l’embargo imposé par Moscou sur son secteur agroalimentaire.

“La Moldavie est aujourd’hui au carrefour de plusieurs facteurs: la crise en Russie, qui a occasionné des turbulences dans la région et dans l’économie moldave, et la guerre en Ukraine qui a évidemment eu son impact”, explique le ministre sans étiquette.

Conséquence: après avoir enregistré une croissance économique de 4,6% en 2014, la Moldavie s’attend à sombrer dans la récession cette année, avec une contraction de 1% de son PIB.

La récession est “la résultante d’une part d’un marché russe qui reste encore relativement fermé, et de l’autre, des possibilités réduites d’exporter sur l’UE l’intégralité des produits que nous souhaiterions”, souligne-t-il.

– Représailles –

En représailles à la signature en juin par Chisinau d’un accord d’association avec l’Union européenne, Moscou a imposé un embargo sur les importations notamment de pommes, de prunes et de conserves, pénalisant dramatiquement les agriculteurs moldaves, nombreux à dépendre à 100% du commerce avec la Russie.

Ces sanctions se sont ajoutées à celles frappant déjà les vins moldaves, produit phare de ce pays coincé entre la Roumanie et l’Ukraine. L’embargo a coûté au total 145 millions de dollars à l’économie moldave.

Autre revers de la crise en Russie, la baisse des transferts de fonds de migrants moldaves, dont une majorité (environ 550.000) travaillent en Russie. “Il y a eu une décroissance du niveau des rémittences et nous en anticipons une également en 2015”, dit M. Bridé. Or près d’un quart du PIB provient de ces transferts.

L’entrée en vigueur en septembre de l’accord avec Bruxelles a toutefois permis à la Moldavie d’exporter sans taxes certains produits, dont des fruits, vers l’UE, qui est devenue en 2014 son premier partenaire commercial.

Chisinau, qui doit fournir de gros efforts pour s’aligner sur les normes phytosanitaires de l’UE, espère pouvoir également exporter vers le marché unique des produits d’origine animale à partir du 3e trimestre.

“Il y a aujourd’hui une prise de conscience des avantages de cet accord” parmi les Moldaves, dont nombreux restent nostalgiques de l’Union soviétique, se félicite M. Bridé. C’est en particulier le cas en Transdniestrie, république autoproclamée majoritairement russophone de l’est du pays.

Autre point positif: des “signaux de redémarrage” des exportations vers la Russie, avec la levée “à titre expérimental” par Moscou de l’embargo pour dix sociétés de pomiculture.

Pour le pays, le salut passera aussi par sa faculté à attirer des capitaux, estime le ministre qui veut travailler à une simplification des procédures d’enregistrement des sociétés. “Mon expérience de plus de 20 ans dans le domaine privé me permettra d’interagir (…) de manière à faciliter l’arrivée d’investisseurs étrangers”.