ère de la périphérie de Rangoun, le 6 avril 2015 en Birmanie (Photo : Soe Than WIN) |
[08/04/2015 15:42:37] Rangoun (AFP) Inquiet du manque d’eau, Than Tun arpente sa petite rizière dans la région de Rangoun sous un soleil de plomb. Le système d’irrigation, archaïque, n’a pas changé depuis ses grands-parents, bien que le riz soit une clef pour sortir de la misère des millions de paysans en Birmanie.
“Personne ne vient jamais nous demander quelles sont nos difficultés”, constate sans colère cet homme de 40 ans.
Invasion d’insectes, location d’un engin agricole à un voisin pour la récolte, négociations des prix avec les intermédiaires qui viennent lui acheter son riz… Than Tun fait face à toutes les étapes seul, sans relais de l’Etat.
“Le gouvernement n’aide pas beaucoup les paysans. Nous continuons à entretenir le système d’irrigation nous-mêmes”, explique-t-il, pieds nus au bord de sa rizière, transpirant par 40°C dans un vieux short de l’équipe de foot de Chelsea.
L’autodissolution en 2011 de la junte, après des décennies d’une politique économique socialiste catastrophique qui a ruiné les infrastructures du pays – des circuits d’exportation jusqu’à la voirie – n’a pas changé grand chose: l’industrie du riz en Birmanie reste aujourd’hui très peu compétitive, loin derrière la Thaïlande ou le Vietnam voisins.
La moderniser fait partie des réformes qui permettraient de sortir rapidement de la pauvreté la population rurale, qui représente 70% des habitants de Birmanie, selon les experts. Avec à la clef l’ambition pour ce pays de reconquérir le rang de premier exportateur mondial de riz qui était le sien à l’époque de la colonisation britannique.
Dans sa rizière, Than Tun a installé lui-même une pompe artisanale pour capter le long de sa parcelle de 15 hectares l’eau d’un canal, pourtant quasi asséché.
Le réseau, creusé par les villageois eux-mêmes, achemine l’eau de la rivière de Rangoun, la capitale économique du pays, en plein développement depuis 2011.
Mais une fois traversée la rivière, où navigue un ferry chargé de paysans allant vendre leurs produits sur les marchés de la ville, il n’y a plus sur la rive où vit Than Tun ni électricité, ni eau courante, ni centres commerciaux en construction.
– ‘Potentiel énorme’ –
Le développement birman n’a pas lieu de manière homogène, loin de là. Et au-delà d’une irrigation archaïque, l’ensemble du circuit du riz souffre d’un manque d’organisation.
“Un acheteur vient et c’est lui qui stocke mon riz. Je ne sais pas à quel prix il le vend. Je compare seulement avec les autres fermiers”, explique Than Tun, près de sa hutte sans électricité ni eau courante, comme c’est souvent le cas en Birmanie en dehors des villes.
Les experts pointent les failles de l’édifice: absence de système permettant aux paysans de se tenir informés des prix du marché, manque de lieux de stockage leur permettant de conserver leurs récoltes dans l’attente d’une période où le cours du riz monte…
é transporte un sac de riz dans un marché de Rangoun, le 6 avril 2015 en Birmanie (Photo : Soe Than WIN) |
“Le riz représente un potentiel énorme en Birmanie, où l’économie est basée sur cette céréale, or ce pays reste l’un des derniers d’Asie à connaître de très faibles rendements. S’il arrive à combler son retard, cela pourrait avoir un effet majeur sur la réduction de la pauvreté”, estime Sergiy Zorya, de la Banque mondiale.
Sean Turnell, de l’université australienne de Macquarie, se dit “très optimiste quant au potentiel de la Birmanie”, si tant est que soit donné aux paysans “un accès aux crédits, aux marchés et aux terres”, dans ce pays où nombre d’entre eux, sans terres, travaillent comme ouvriers agricoles. Et à condition que s’améliorent la qualité du riz birman et les infrastructures de stockage et de transports, énumère-t-il.
De nombreux programmes d’aide au développement, soutenus par l’Union européenne par exemple, travaillent sur les systèmes d’irrigation, l’organisation des riziculteurs en coopérative ou le renouvellement des semences.
Mais les investissements étrangers, notamment japonais, restent en-deçà des besoins.
Appuyés par des ingénieurs japonais, l’homme d’affaires birman Kyaw Win fait partie de ceux qui se sont déjà lancés, en investissant trois millions de dollars dans un moulin et une zone de stockage moderne dans la banlieue nord-ouest de Rangoun.
Il appelle de ses voeux une amélioration globale du système. “Nos paysans doivent apprendre à faire des récoltes plus efficaces”, dit-il. “Pour le moment, il y a beaucoup de déchets”.