High-tech : la “licorne”, une espèce à l’expansion est très rapide

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é (Photo : Helene Labriet-Gross)

[08/04/2015 16:45:22] New York (AFP) Les légendes la décrivent comme un animal rare, mais la licorne prolifère dans le secteur technologique: elle y désigne une “jeune pousse” (startup) à plus d’un milliard de dollars, une espèce dont l’expansion est si rapide qu’elle alimente les craintes de nouvelle bulle financière.

La licorne high-tech n’était pas si répandue quand Aileen Lee, spécialiste de l’investissement de capital-risque et fondatrice de Cowboy Ventures, a utilisé le terme pour la première fois. Dans un billet fin 2013, elle en décomptait 39, avec une moyenne de 4 “naissances” par an sur la décennie précédente.

Moins d’un an et demi plus tard, la société de recherche spécialisée dans le capital-risque CB Insight parle de 53 startups valorisées à plus d’un milliard de dollars aux Etats-Unis, et le magazine Forbes en totalise plus de 80 dans le monde.

Les stars émargent à plus de 10 milliards et s’appellent Uber, Snapchat, AirBnB ou Pinterest, suivies par une foule de petites sociétés plus ou moins connues du grand public dont Shazam, Jawbone, Evernote, Square…

Les valorisations élevées sont alimentées par un afflux de fonds privés, motivé par l’espoir de découvrir la future pépite du secteur.

“Il y a de la fébrilité chez les investisseurs qui cherchent le prochain Facebook”, estime Rob Enderle, analyste spécialisé dans le secteur technologique.

“Mais ce sont des investissements incroyablement risqués. Toutes ces sociétés ne vont pas se faire racheter pour plusieurs milliards de dollars ou faire une entrée en Bourse massive”, prévient-il, anticipant “une réduction du troupeau”.

– Pire qu’en 2000? –

“Je pense qu’on aura des morts de licornes cette année”, prédisait en mars Bill Gurley, un partenaire de la société de capital-risque Benchmark.

Depuis plusieurs mois déjà, iI incite à la prudence sur les licornes, qui ignorent les normes de risque et dépensent beaucoup pour justifier leurs énormes levées de fonds, “mettant en danger leur viabilité sur le long terme”.

Mark Cuban, un investisseur de la première heure dans le secteur internet, évoquait à la même époque sur son blog une situation “pire que la bulle tech de 2000”.

A l’époque, les startups surévaluées étaient cotées en Bourse et “les marchés étaient assez liquides pour que les investisseurs puissent vendre leurs titres”, écrivait-il. Aujourd’hui, elles se financent auprès d’investisseurs privés, avec “une liquidité zéro”.

Autre investisseur phare dans la Silicon Valley, Marc Andreessen mettait lui en garde dès l’an dernier sur Twitter: “Quand le marché se retournera, et il se retournera, on découvrira qui nageait sans maillot de bain: beaucoup de sociétés à taux de dépenses élevés vont se volatiliser.”

L’heure des comptes a déjà sonné pour certains, comme le distributeur en ligne Fab.com: entré au club des licornes l’an dernier, il a finalement revendu la majorité de ses actifs en mars pour seulement 15 millions de dollars, selon les montants évoqués dans les médias. Une autre ancienne licorne, le service de jeux vidéo OnLive, a été rachetée récemment par Sony pour une somme non divulguée.

– “Destruction créatrice” –

L’argent apporté actuellement par les fonds de capital-risque permet à beaucoup de startups de se financer sans devoir se lancer en Bourse. Cela signifie aussi qu’elles ne sont pas autant surveillées, ni soumises aux mêmes obligations de transparence sur leur activité que des sociétés cotées.

“Je ne serais pas surpris si une grande majorité de ces entreprises ne se montraient pas à la hauteur de leur valorisation”, indique à l’AFP Anant Sundaram, professeur à l’école de commerce Tuck de Dartmouth (nord-est).

Il souligne que même si peu de données financières sont disponibles sur les licornes, peu d’entre elles ont prouvé leur capacité à augmenter leurs revenus et à établir une activité durable.

Pour lui, ce type d’investissements fait toutefois partie de la procédure d’innovation et de “destruction créatrice” qui fait tourner l’économie. Et de rappeler que, pendant la bulle internet, “plusieurs sociétés ont atteint des valorisations très élevées et beaucoup ont fait faillite, mais cela a produit un Google et un eBay, et quelques autres réussites”.