ôt de Bucovat (30 km au nord est de Chisinau), le 26 mars 2015 (Photo : DANIEL MIHAILESCU) |
[09/04/2015 06:12:05] RACOVAT (Moldavie) (AFP) “On s’est retrouvé du jour au lendemain soumis à l’embargo et avec la récolte dans les champs”: Constantin Furculita, pomiculteur de Racovat (nord), résume le drame des fermiers moldaves frappés par les sanctions de Moscou contre cette ancienne république soviétique.
“Jusqu’en 2014, 99% de ma production était destinée au marché russe”, raconte cet homme de 35 ans, qui a investi environ 2 millions de dollars dans un verger s’étalant sur 42 hectares.
Mais en juillet, Moscou impose un embargo sur les importations de fruits et de conserves moldaves, en réaction à la signature par Chisinau d’un accord d’association avec l’Union européenne. Conséquences: “les revenus ont à peine couvert les dépenses, alors que l’agriculture ne rapporte déjà pas énormément”, se plaint-il.
L’ardoise pour ce pays le plus pauvre d’Europe, essentiellement agraire, s’est élevée à 145 millions de dollars au total, aux frais essentiellement des pomiculteurs.
Des dizaines de milliers de tonnes de pommes ont pourri dans les champs, les petits fermiers n’ayant pas les moyens de les conserver.
Une dévaluation de 30% environ de la monnaie locale, le leu moldave, depuis novembre, a en outre majoré le coût des crédits bancaires et des importations de produits phytosanitaires. Pour compenser ces pertes, de nombreux fermiers ont essayé de se réorienter vers d’autres marchés.
L’accord de libre échange avec l’UE, en vigueur depuis septembre, a ouvert une porte, “mais l’entrée sur le marché européen se fait difficilement, lentement”, regrette le président de l’association UniAgroProtect, Alexandru Slusari.
Sur une production annuelle de 400.000 tonnes de pommes, la Moldavie “en a à peine exporté 4.000 vers l’UE, plus précisément vers la Roumanie. C’est une quantité minuscule”, dit-il à l’AFP.
ée aux environs de Chisinau, le 26 mars 2015 (Photo : DANIEL MIHAILESCU) |
Dans un geste inattendu, Moscou a levé “à titre expérimental” fin février l’embargo pour 10 exportateurs moldaves de pommes. Selon le vice-ministre de l’Agriculture Vlad Loghin, une dizaine de poids-lourds chargés au total de 200 tonnes ont pris le chemin de la Russie.
Avant l’embargo, le marché russe avalait jusqu’à 200.000 tonnes par an, la différence allant vers le marché local, y compris les fabriques de conserves, et vers des pays de la CEI, dont le Kazakhstan.
– ‘Les vergers vont mourir’ –
Le consommateur russe n’a pas été complètement privé de fruits moldaves. “Nous savons très bien que l’essentiel de ce que nous envoyons au Bélarus et au Kazakhstan termine en fait en Russie”, explique M. Slusari.
Cela implique cependant des coûts supplémentaires liés au transport et des prix inférieurs de 30% par rapport à ceux pratiqués auparavant, dans les exportations sans intermédiaires vers Moscou.
“Sans soutien de l’Etat, une bonne partie des vergers va mourir”, prédit M. Slusari.
Fin mars, des milliers d’agriculteurs ont manifesté à travers la Moldavie pour demander que les fonds destinés à subventionner ce secteur soient doublés en 2015, pour s’élever à 60 millions d’euros.
M. Furculita estime aussi que l’Etat devrait faire plus pour l’agriculture, “la seule branche de l’économie qui pourrait dégager des bénéfices”, selon lui.
Mais le désastre provoqué par l’embargo russe a montré aussi l’urgence à diversifier les marchés, une prise de conscience qui commence à faire son chemin, dit-il.
ôt du village de Bucova (30 km nord-est de Chisinau), le 26 mars 2015 (Photo : DANIEL MIHAILESCU) |
“Le marché russe est instable, on ne peut pas compter dessus. Certes, dans l’UE la concurrence est très grande mais cela t’oblige à devenir plus professionnel, plus compétitif. C’est là qu’il faut être présent”, estime-t-il.
A Bucovat, à une trentaine de km de la capitale Chisinau, Ion Chilianu a mis sur pied une ferme dotée de lignes d’emballage et de dépôts frigorifiques des plus modernes.
Triées selon la couleur et le diamètre, les pommes sont exportées vers la Libye, l’Egypte et le Kazakhstan.
M. Chilianu assure avoir également cherché des débouchés vers des pays de l’UE mais “la bureaucratie européenne a bloqué” ces démarches.
“Nous, les Moldaves, avons toujours été à un carrefour entre différents intérêts et en avons toujours souffert. C’est notre sort”, dit-il, d’un air résigné.