ême si des constructeurs tâtent le terrain de la toile avec des services et produits périphériques (Photo : ERIC CABANIS) |
[10/04/2015 12:31:36] Paris (AFP) Malgré l’appétit des consommateurs pour les achats en ligne, la distribution de voitures neuves en France reste enracinée dans un modèle “analogique” même si des constructeurs tâtent le terrain de la toile avec des services et produits périphériques.
Aspirateurs, vêtements, canapés, “on vend de tout sur internet, sauf des voitures neuves. Combien de temps cela va-t-il durer?”, s’interroge Flavien Neuvy, directeur de l’observatoire Cetelem de l’automobile qui lors de sa dernière enquête fin 2014, relevait que 28% des automobilistes français se disaient prêts à franchir un tel pas.
Produits standardisés de marques ayant pignon sur rue, les voitures sont passées au crible par la presse spécialisée et disséquées par les internautes sur des forums. De quoi faciliter un achat les yeux fermés, surtout avec l’arrivée de nouvelles générations de consommateurs connectés ?
“Auparavant, un futur acheteur passait quatre ou cinq fois dans une concession avant de faire son choix. Maintenant, c’est une fois et demie en moyenne”, remarque Jacques Rivoal, patron pour la France du groupe Volkswagen, en soulignant que grâce à internet “les clients sont souvent mieux informés que les vendeurs”.
“Le client de l’automobile a changé. Il a un achat qui est de plus en plus réfléchi et pensé, il a de moins en moins besoin d’assistance, puisque de plus en plus il fait son choix très en amont de sa recherche sur les sites”, confirme Thierry Plantegenest, directeur client monde de Renault.
Il estime à 85% la proportion de clients ayant consulté la Toile avant de se présenter dans un point de vente du Losange.
Sur Renault.fr, l’on est invité à télécharger une brochure en laissant son courrier électronique, ou à réserver un essai. Mais les achats en ligne, comme chez le concurrent Peugeot, se limitent aux tapis de sol et autres accessoires.
M. Plantegenest évalue pourtant à environ 40% les clients qui ont envie d’acheter une voiture neuve sur internet en France, proportion qui monte à “plus de 80% en Chine”.
– Protéger les réseaux commerciaux –
“On ne va pas se mettre en travers des attentes des clients”, concède M. Plantegenest, qui défend une “approche de test et d’apprentissage”. Il ne prévoit pas que Renault se lance “du jour au lendemain” dans la vente sur internet. En revanche la marque va très bientôt proposer de réserver et payer en ligne les révisions de son véhicule.
La prudence des constructeurs s’explique, selon M. Neuvy, par le fait qu’ils doivent faire vivre leur réseau commercial. “Le véritable obstacle est de savoir comment articuler des ventes en ligne avec le réseau physique, sans que ça pénalise ni l’un ni l’autre”, commente-t-il.
Pourtant, “je suis convaincu qu’en vendant des voitures en ligne, on vendrait plus de voitures. Quand on a un consommateur qui hésite, des offres bien pensées sur le plan marketing auraient toutes les chances de réussir”, assure M. Neuvy.
François Mary, vice-président de la branche “concessionnaires véhicules particuliers” au Conseil national des professions de l’automobile, n’est pas convaincu de la pertinence d’un tel canal.
“Est-ce que le consommateur est prêt à acheter un véhicule qu’il n’a pas vu, qu’il n’a pas touché?”, s’interroge-t-il. Pour lui, le concessionnaire offre un “vrai rôle de conseil que le client ne peut pas avoir sur le Net” où se pose aussi la question de la sécurité du paiement, s’agissant de sommes importantes.
Mais M. Mary reconnaît qu’à terme, “des distributeurs s’organiseront pour vendre des voitures (neuves) sur internet. On ne pourra pas passer à côté”. Quelque 15% des voitures d’occasion sont vendues sur le Net, selon lui.
De nombreux automobilistes ont déjà pris l’habitude d’acheter des pièces via des enseignes web comme oscaro.com, yakarouler.com ou piecesauto.com. Près de 14% des 39 millions de pneus vendus en France en 2014 l’ont été en ligne, selon allopneus.com, leader de ce marché.
– Vague “low cost” –
Alors que cette tendance érode la rentabilité des réseaux traditionnels, PSA Peugeot Citroën a annoncé début février vouloir acquérir la société de vente en ligne de pièces Mister Auto.
Pour M. Mary, “les gens qui vont sur le net aujourd’hui achètent essentiellement un prix”, pas un service.
Surfant sur cette vague “low cost”, certains se sont lancés avec succès sur la vente de voitures neuves par internet: les mandataires et négociants d’occasions “zéro kilomètre”, comme Aramis, Auto-IES, Elite-Auto ou encore Qarson. Ils proposent des prix cassés sur des véhicules achetés en lot aux constructeurs, qui gèrent ainsi leurs surcapacités de production.
“Certains concessionnaires disent que leur présence sur internet est une belle vitrine mais que ce ne sera jamais un véritable levier de vente, et quand on entend cela, on est très étonnés”, explique Florian Czech, gérant de Qarson qui revendique 200 ventes par mois.
A ses débuts en 2009, Qarson n’était présente qu’en ligne, mais depuis 2011 l’entreprise a développé un “point de vente physique, qui rassure”. “Même s’il y a des gens qui arrivent chez nous et concluent la vente en cinq minutes, il reste une grande majorité de clients qui ont besoin de conseils sur différentes marques et d’un avis éclairé”, affirme M. Czech.
Il rejoint ainsi M. Plantegenest. “Le client a besoin d’être rassuré, même s’il a fait un choix en ligne, au bout d’un moment, il lui faut avoir un vendeur professionnel en face de lui”, analyse-t-il.
Alors que selon M. Mary, du CNPA, rien sinon le bon sens commercial n’oblige un constructeur à installer un réseau pour vendre ses produits, un nouveau venu arrivé du pays d’Amazon et d’eBay propose déjà d’acheter ses voitures en ligne: Tesla.
La société de voitures électriques haut de gamme, qui a écoulé quelque 350 véhicules en France l’année dernière, n’y aura fin 2015 que quatre points de vente. Mais il est possible d’acquérir une berline “Model S” (de 65.000 à 120.000 euros) entièrement par internet, de l’acompte à la livraison au domicile, indique à l’AFP le directeur France de la marque, Olivier Loedel.