Economie : Schéma de développement inclusif mais des mesures urgentes d’abord

Par : TAP

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Bien qu’approuvé dans ses grandes lignes, le schéma de développement proposé par le gouvernement nécessite l’inclusion d’autres composantes et devrait être précédé par d’autres mesures. C’est en tout cas ce qu’estiment des experts contactés par l’agence TAP.

Ainsi, le directeur général du Centre d’études et de recherches économiques et sociales (CERES), Ridha Chkoundali, recommande de rompre avec l’ancien schéma de développement “basé sur l’exclusion”. Pour sa part, l’universitaire Hassine Dimassi appelle le gouvernement à prendre des mesures urgentes, au préalable, concernant les principaux fondamentaux de l’économie nationale.

A rappeler que les principaux axes du schéma de développement pour le prochain quinquennat ont été présentés le vendredi 3 avril 2015 par le chef du gouvernement Habib Essid, lors d’une séance plénière de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Ce schéma devrait être fondé sur les activités à forte valeur ajoutée dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie, du tourisme et des services ainsi que sur les domaines à fort contenu technologique et en savoir.

Ridha Chkoundali plaide pour un schéma de développement inclusif

Chkoundali suggère d’adopter un schéma global de développement basé sur “l’inclusion de la société civile et des associations, les femmes, les régions de l’intérieur et les partenaires à fort potentiel économique, outre le développement du marché financier”. En effet, explique-t-il, les investissements dans les secteurs à fort contenu technologique et en savoir sont, certes importants, mais ne peuvent constituer à eux seuls un schéma de développement “définissant ce que sera la Tunisie de demain”.

Revenant sur les principaux facteurs exclus de l’activité économique dans l’ancien schéma de développement, il a appelé à augmenter la part des associations dans l’activité économique, sachant que ces dernières ne jouaient auparavant qu’un rôle politique, a-t-il indiqué.

La société civile doit, quant à elle, “assurer le contrôle des relations entre le public et le privé afin de garantir la bonne gouvernance”.

Pour ce qui est de l’exclusion des femmes, l’universitaire a rappelé que, par genre, le taux de chômage parmi les femmes est le double de celui des hommes. En effet, selon des données de l’institut national des statistiques (INS), ce taux était respectivement de 21,5% et 12,7% au premier trimestre de 2014.

La stratégie nationale de l’emploi 2013-2017, élaborée par le ministère de l’emploi et de la formation professionnelle, avait révélé, quant à elle, qu’un meilleur positionnement de la femme sur le marché de l’emploi aurait contribué à environ 0,7% au PIB. Et l’universitaire de poursuivre que “les régions de l’intérieur étaient délaissées au profit du Sahel”, car le slogan était “sea and sun”, d’où l’orientation de la majeure partie des investissements vers cette partie du pays pour attirer les touristes, excluant ainsi de l’activité économique d’autres régions à fort potentiel de croissance. Il a donc appelé à développer davantage les nouveaux produits touristiques, à l’instar des tourismes du patrimoine, culturel et saharien.

S’agissant des partenaires commerciaux, “un intérêt particulier devrait être accordé aux partenaires au potentiel de croissance accru, prêts à acquérir les produits tunisiens, d’autant que les partenaires traditionnels, à l’instar de la France, l’Allemagne et l’Italie sont actuellement en crise”, a soutenu Chkoundali.

Pour ce qui est du marché financier et afin de ne pas s’enliser dans une économie d’endettement, sachant que le taux d’endettement extérieur est estimé à 53% du PIB, il est nécessaire, selon lui, d’améliorer le taux de capitalisation boursière qui demeure très faible (7%). “Il faut aussi recourir à d’autres instruments non générateurs de dettes, tels que les sukuks islamiques”, a-t-il précisé.

Après avoir insisté sur la nécessité d’inclure ces cinq composantes dans le nouveau schéma de développement, Chkoundali a conclu: “une économie de marché oui mais solidaire et sociale”.

Hassine Dimass, d’abord des mesures urgentes…

Tout en approuvant le modèle proposé, Hassine Dimass reproche au gouvernement de ne pas avoir accordé l’importance requise aux mesures urgentes à prendre, au préalable, concernant les principaux fondamentaux de l’économie nationale “pour sauver le pays”.

L’expert met l’accent sur la nécessité d’entreprendre les réformes nécessaires dans les domaines des finances publiques et de la restructuration des entreprises de l’Etat, outre la révision des systèmes bancaire et de la sécurité sociale et ce, “avant de penser à un nouveau schéma de développement”.

S’agissant du schéma préconisé, Dimassi affirme que sa réalisation “n’est pas facile à moyen terme car nous sommes confrontés à deux problèmes majeurs qui sont le chômage et un système éducatif en panne”. Et d’expliquer que les activités à fort contenu technologique, sur lesquelles devrait être fondé le modèle de développement escompté, n’ont habituellement pas pour objectif de créer des emplois mais tendent plutôt à les supprimer, alors que “nous faisons face à un fort taux de chômage”, a-t-il dit. “De tout temps, le but essentiel des nouvelles technologies est d’augmenter la production et non pas de créer de nouveaux postes d’emplois et ce, afin d’éviter les problèmes syndicaux et autres”, selon ses dires.

Dimassi a rappelé, dans ce contexte, que l’avènement des ordinateurs avaient entraîné une baisse du nombre des travailleurs dans plusieurs domaines.

Pour rappel le taux de chômage s’est élevé à 15,2% au cours du premier trimestre 2014, selon l’INS. S’agissant des activités possèdant un fort contenu en savoir, ce dernier (le savoir) “fait défaut”, a souligné Dimassi, car “le système éducatif est très faible et doit être adapté davantage au marché de l’emploi. “Un débat national devrait donc être instauré entre toutes les parties et avec les partenaires sociaux pour discuter de la conception du schéma de développement afin d’assurer la conciliation entre ses exigences et les défis auxquel le pays est confronté”, recommande l’universitaire tunisien.