ée nationale à Paris (Photo : FRANCOIS GUILLOT) |
[16/04/2015 06:36:12] Paris (AFP) L’Assemblée nationale a adopté mercredi soir les mesures sur la surveillance des données internet du projet de loi sur le renseignement, en y intégrant un amendement du gouvernement visant à apaiser les inquiétudes des hébergeurs de ces données.
L’article 2 du projet de loi discuté en première lecture par les députés, impose aux opérateurs télécoms, aux hébergeurs et aux grandes plateformes internet un dispositif d’analyse automatique des données (un algorithme) destiné à “révéler une menace terroriste”, que ses opposants ont qualifié de “boîte noire”.
Il a été adopté par 25 voix pour (19 socialistes, trois UMP, l’UDI Philippe Folliot et les écologistes Eric Alauzet et François de Rugy) contre cinq (les écologistes Isabelle Attard et Sergio Coronado, le communiste Jean-Jacques Candelier, et les UMP Lionel Tardy et Laure de la Raudière). Des socialistes comme Christian Paul et Aurélie Filippetti, qui avaient exprimé lors du débat des réserves ou critiques sur le dispositif n’ont pas participé au vote.
ébergeur français OVH, en pointe dans les protestations des professionnels du secteur contre la loi sur le renseignement (Photo : Philippe Huguen) |
Les hébergeurs, qui menaçaient de délocaliser leurs activités, souhaitaient notamment “que l’on puisse garantir qu’il n’y aura pas d’intrusion massive dans les contenus”, a indiqué le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve après une rencontre entre leurs représentants et le gouvernement dans la matinée.
L’amendement présenté par le ministre et adopté par les députés permet aux opérateurs de distinguer eux-mêmes “les métadonnées et les contenus”.
Cet amendement, qui rappelle “le principe de finalité de la technique mobilisée au regard du but poursuivi”, précise que la procédure d’urgence, qui permet de se passer de l’avis préalable de la future Commission de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), ne pourra s’appliquer dans ce cas.
Les techniques de surveillance (Photo : I. de Véricourt/A.Bommenel, abm/dmk) |
Enfin, cette technique, autorisée pour une durée de quatre mois renouvelable, sera “réservée exclusivement à une seule finalité, la lutte contre le terrorisme”.
Un autre amendement gouvernemental, qui devrait être débattu jeudi, prévoit que les dispositions sur l’algorithme s’appliqueront jusqu’au 31 décembre 2018, afin de permettre alors une évaluation du dispositif.
Les députés ont aussi adopté, à main levée, l’article 3, qui prévoit les conditions de recours à des appareils permettant la localisation, la sonorisation de lieux et de véhicules, ainsi que la captation d’images et de données informatiques.
Au cours d’un long débat souvent très tendu, les garanties données par le gouvernement n’ont pas convaincu les opposants à l’utilisation de l’algorithme.
Contestant l’efficacité du dispositif face aux techniques mouvantes des terroristes, Lionel Tardy a estimé que l’on voulait “chercher une aiguille dans une botte de foin, alors que l’aiguille change sans cesse de couleur et de nature”. “Ce n’est pas en grossisant la taille de la botte de foins que l’on trouve mieux l’aiguille”, a renchéri Isabelle Attard par référence à l’accumulation des données collectées.
Sur le plan des libertés, la simple collecte des métadonnées, ont souligné plusieurs députés, est aussi intrusive que l’accès aux contenus. “Si j’avais ces données, j’en connaîtrais plus sur vos vies privées qu’en cinq ans à vos cotés”, a lancé à ses collègues Sergio Coronado.
Des arguments rejetés par les UMP Eric Ciotti et Guillaume Larrivé, en accord sur ce point avec le gouvernement. “Ce ne sont pas ces techniques qui vont menacer les libertés, mais les terroristes”, s’est écrié le premier.
Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a expliqué qu’il “ne s’agissait pas de surveillance de masse mais d’un ciblage, non sur des individus, mais sur des modes de communication caractéristiques des actions terroristes”. Il a pris l’exemple des méthodes cryptées utilisées par l’organisation Etat islamique pour diffuser des vidéos de décapitation.
A Laure de la Raudière qui lui demandait s’il serait recouru à la technique intrusive d’aspiration des données dite DPA (Deep packet inspection), Bernard Cazeneuve a répété, comme il l’avait fait en 2014 lors de l’adoption de la loi sur le terrorisme, que “nous n’utiliserons en aucun cas cette technique”.