Embouteillage de plans sociaux dans la logistique française

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été annoncées dans le transport routier de marchandises (Photo : Jean-Philippe Ksiazek)

[16/04/2015 18:28:18] Paris (AFP) MoryGlobal, Gefco, Intermarché: en moins d’un mois, plus de 3.000 suppressions d’emplois ont été annoncées dans le transport routier de marchandises, victime d’une “guerre des prix” sur fond de “dumping social” européen, selon les représentants du secteur, qui redoutent d’autres faillites, en particulier chez les sous-traitants.

Trois de chute

Jeudi, la filiale logisitique du groupe de distribution Intermarché a annoncé la fermeture de six de ses 38 bases d’ici 2018, dans le cadre d’un plan de restructuration entamé en 2012. Les syndicats estiment que plus de 600 emplois sont menacés par cette nouvelle réorganisation, chiffre que conteste la direction.

Mercredi, le groupe Gefco a indiqué qu’il étudiait la suppression de 500 postes en France, soit plus de 10% de ses effectifs dans l’Hexagone, pour réduire ses coûts, sans toutefois fermer d’agence.

Fin mars, MoryGlobal a été placé en liquidation judiciaire, entraînant le licenciement des 2.150 salariés de l’entreprise, un an seulement après avoir sa création sur les décombres de la société Mory Ducros, elle-même liquidée début 2014 au prix de 2.800 licenciements.

“Dumping” et “guerre des prix”

Le transport routier de marchandises en France est soumis à “une tension économique extrême” du fait du “dumping social” pratiqué par les entreprises d’Europe de l’Est, en particulier de Pologne, explique Gilles Mathelié-Guillet, délégué général de l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE).

Les fédérations patronales dénoncent depuis longtemps une “concurrence déloyale” sur le cabotage, qui autorise depuis 2009 un transporteur européen à effectuer au maximum trois livraisons en sept jours dans un autre pays.

Mais “ces gens-là cassent les prix” car ils sont “40% moins cher”, poursuit M. Mathelié-Guillet, dénonçant par ailleurs une “absence de contrôle de la fraude”, notamment “la prolifération de véhicules de moins de 3,5 tonnes”, qu’il qualifie de “véritable plaie” pour la profession.

Le gouvernement entend imposer, via la loi Macron actuellement débattue au Parlement, une rémunération du cabotage au niveau du Smic, à l’instar de l’Allemagne, qui a mis en oeuvre une mesure similaire depuis le 1er janvier, aussitôt contestée par 14 Etats européens.

Mais les cas Gefco et MoryGlobal sont aussi les conséquences de la “guerre des prix” qui sévit dans le secteur de la messagerie, c’est-à-dire le transport de colis, une activité pourtant “préservée du cabotage” parce qu’elle “nécessite de grands réseaux avec une bonne implantation”, observe Nicolas Paulissen, délégué général de la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR).

A force d’économiser sur leur marges malgré des “coûts fixes importants”, les entreprises de messagerie sont fragilisées, entraînant des faillite parfois retentissantes, comme celle de Sernam en 2012, rappelle-t-il.

Sous-traitants sur la sellette

S’il “ne croit pas” à de nouveaux plans sociaux d’envergure dans le secteur de la messagerie, M. Paulissen s’inquiète pour le réseau de PME dans ce secteur où “50% du chiffre d’affaires est sous-traité”.

Beaucoup “vont se retrouver en grande difficulté” du fait de la liquidation de MoryGlobal, sans certitude de recouvrer leurs créances, ajoute-t-il.

Selon l’Insee, quelque 1.600 entreprises de messagerie employaient environ 53.000 salariés fin 2012, pour un chiffre d’affaires global de 9,7 milliards d’euros.

Pris dans son ensemble, le transport routier de marchandises emploie environ 600.000 personnes en France dans 40.000 entreprises, dont “6% à 8% déposent le bilan chaque année”, selon M. Mathelié-Guillet.