Pour la énième fois dans l’histoire de la Tunisie, la question des réformes est de nouveau sur la table, à l’occasion de l’entrée en fonction du nouveau gouvernement présidé par Habib Essid.
Lors du Tunis Economic Forum, organisé le 12 mars 2015 par l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), Slim Chaker, ministre des Finances, a annoncé que le nouveau gouvernement travaille à l’élaboration d’un plan d’action sur 5 ans qui sera prêt durant le second semestre de l’année en cours. En poste depuis bientôt trois mois, ce gouvernement s’apprête donc à s’attaquer à ce véritable casse-tête que sont les réformes qu’exige la situation économiques et sociale du pays. Comment entend-t-il procéder?
A ce sujet, Habib Essid estime que «l’Etat n’est pas le seul acteur en matière de réformes» et annonce que «nous allons poursuivre le dialogue afin que l’Etat «ait la possibilité d’arbitrer entre les différentes options».
Parmi les acteurs de ce dialogue, le patronat figure en bonne place. Widad Bouchamaoui, qui en est l’une des représentantes, ne cache pas qu’elle est excédée par le temps perdu jusqu’ici en palabres –elle invite notamment l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) à ne pas en perdre davantage en discussions stériles- et veut qu’on cesse de parler de diagnostic de la situation pour s’attaquer aux réformes. Qui selon elles auraient dû être avoir déjà été introduites depuis quatre ans.
Outre une demande d’associer le secteur privé à leur élaboration et à leur mise en œuvre, la présidente de l’UTICA pense que la première des réformes à faire est de «changer les mentalités, de se remettre au travail et de faire respecter la loi» dans ce domaine.
Sur le rôle des différents acteurs dans ce dossier, Ezzeddine Saïdane, consultant après avoir été banquier, se demande si les échecs passés en matière de réforme ne sont pas imputables «à la confusion des rôles et à la collision entre les secteurs public et privé». Et recommande de «définir le rôle de chacun» pour éviter cela.
Le moment venu, Mustapha Kamel Nabli recommande, lui, d’analyser le coût les bénéfices des réformes, car «on ne peut pas commencer à travailler sur les réformes si on n’a pas fait cela».
Pour l’ancien gouverneur de la BCT, il est nécessaire, ensuite, de «réformer la gouvernance des réformes». Ce qui implique d’entreprise celle de l’administration –qui est «la réforme la plus fondamentale»- qui «doit changer pour bien fonctionner dans le cadre du système démocratique de la Tunisie». Et là, bien évidemment, se pose le problème du degré d’autonomie à accorder à l’administration.
M. Nabli pense que l’administration doit bénéficier de «suffisamment d’autonomie par rapport au politique, mais pas au point qu’elle devienne hors de contrôle».
Tout en déclarant partager les propositions de l’ancien gouverneur de la BCT, Radhi Meddeb estime que la Tunisie a «raté la constitutionnalisation d’un Conseil économique et social (CES)». Selon le président de l’association Action et Développement Solidaire (ADS), «les gouvernants étant dans la gestion quotidienne, ils n’ont pas le temps de réfléchir et il aurait fallu un organisme comme le CES pour le faire».
M. Meddeb accorde également beaucoup d’importance à la pédagogie en matière de réformes. Selon lui, il est essentiel qu’il y ait «appropriation des réformes (par les Tunisiens, ndlr)». Par exemple, une question comme celle de la réforme de la Caisse de compensation n’est pas, affirme M. Meddeb, le problème du seul gouvernement mais de tous les Tunisiens. Il faut donc mettre le problème sur la table pour faire ensemble le constat et choisir ensuite une solution parmi plusieurs».
Mais avant cela, il faut expliquer aux gens «pourquoi il faut faire des réformes». Et, conseille Mme Widad Bouchamaoui, leur dire quel sera «le coût des non-réformes».