à Alberta (Photo : Clement Sabourin) |
[18/04/2015 07:00:42] Calgary (Canada) (AFP) Après une décennie d’opulence, la dégringolade des cours du baril a stoppé net le développement des sables bitumineux d’Alberta, mais l’industrie pétrolière canadienne parie sur une pause passagère et maintient ses projets titanesques.
De juin 2014 à janvier 2015, le baril de pétrole a vu sa valeur se réduire comme peau de chagrin, perdant 60 dollars en sept mois. La note est salée pour l’Alberta avec une baisse de revenus de sept milliards de dollars pour l’exercice fiscal 2014/2015, un véritable traumatisme dans cette province de l’Ouest habituée au plein emploi et à des impôts symboliques.
“La chute a été brutale”, reconnaît Brad Herald, vice-président de l’Association canadienne des producteurs d’hydrocarbures (CAPP).
Les entreprises “pensaient au début que ça serait temporaire, mais à présent elles admettent que cela durera plus longtemps que prévu”, observe Robert Schulz, expert du secteur à l’Université de Calgary.
“Notre industrie exploite les matières premières, si vous regardez les 30 dernières années, on a eu de telles chutes cinq ou six fois, chacune pour des raisons bien différentes, mais la demande finit toujours par reprendre”, se rassure le lobbyiste de la CAPP.
à Alberta (Photo : Clement Sabourin) |
D’ici à ce que le baril reparte à la hausse, toutefois, producteurs pétroliers et sous-traitants ont licencié les uns après les autres depuis l’automne. Le Canadien Suncor a remercié 1.000 employés, l’Américain ConocoPhilips, associé au Français Total dans les sables bitumineux, en a supprimé 200, le Chinois Nexen 350, l’Anglo-néerlandais Shell 300. Uniquement entre septembre et février, 20.000 emplois ont été perdus dans le secteur énergétique d’Alberta, selon l’institut de la statistique.
Les plans sociaux “constituent toujours l’ultime recours pour les entreprises”, souligne Brad Herald.
Présent en Alberta, Total a suspendu deux projets –sur quatre menés dans cette province–, car, “avec les coûts anticipés, la rentabilité n’était pas suffisante”, indique Laurent Maurel, patron du géant français au Canada.
Dans son bureau qui surplombe la campagne environnant Calgary, il a affiché plusieurs cartes des gisements de sables bitumineux : l’intérêt pour le pétrole canadien est toujours aussi fort, assure-t-il.
Chaque année, les réserves mondiales s’amenuisent de “4,5 millions de barils par jour (mbj), il faut les remplacer et compenser en plus la croissance de la consommation”, explique le dirigeant français. “Pour de nouveaux projets dans les sables bitumineux, le prix du baril en 2015, ça n’a pas d’importance, ce qui compte à long terme, c’est le prix du baril qui devrait repartir”.
– Production doublée –
Dans l’immédiat, le lobby pétrolier a prévu cette année une baisse d’un tiers des investissements dans le développement des sables bitumineux, à 46 milliards de dollars.
Les perspectives de hausse continue de l’extraction pour les deux décennies à venir ont cependant été confirmées en février : la production de pétrole bitumineux devrait avoir doublé en 2035 avec quelque six millions de barils par jour. En dépit de la chute du brut, l’industrie table sur une hausse de 150.000 b/j cette année et en 2016.
Dans ce contexte, ni la baisse des prix du baril, ni l’opposition du président américain Barack Obama, ne sauraient altérer la détermination de l’opérateur d’oléoduc TransCanada à mener à terme son projet de méga pipeline Keystone XL, censé acheminer du brut albertain vers les raffineries du Golfe du Mexique.
“A l’annonce du projet en 2008, les prix du pétrole étaient sous les 40 dollars le baril”, rappelle Mark Cooper, porte-parole de l’entreprise basée à Calgary. “Nous sommes donc moins influencés par les soubresauts du marché et nos clients restent engagés dans Keystone”.
Au nord de la forêt boréale et de ses sables, l’océan Arctique constitue toujours le prochain eldorado de l’industrie pétrolière. Même si des projets ont été suspendus récemment, les producteurs d’hydrocarbures maintiennent leurs visées : “le potentiel à long terme est toujours très grand pour les projets en Arctique, l’industrie y a des intérêts pour les décennies à venir étant donné la taille des ressources potentiellement présentes”, assure Brad Herald, de la CAPP.