Le FSM propose la généralisation du revenu citoyen de base. Mais l’égalitarisme c’est le partage de la pauvreté, pas de la richesse. Proposition décalée, hélas!
Samedi 28 mars, le Forum Social Mondial a clôturé sa XIIème édition. C’est pour la deuxième fois consécutive, à deux ans d’intervalle, que le FSM se tient à Tunis. Ces deux éditions se sont donc calées sur les principales étapes de la transition politique, et le Forum a trouvé un formidable écho en s’interposant à un moment où la Tunisie est à la recherche d’un nouveau modèle économique qui ne vient pas.
Une semaine d’agitation d’idées, ça fait toujours du bien. Mais au final, le forum reste une grande foire d’utopies mais pas un laboratoire d’idées. Il reste sous emprise d’un pragmatisme sud-américain, plus précisément brésilien, faute de se construire un référentiel de pensée, scientifique.
Trouver une autre fenêtre de tir et ne pas se figer dans l’opposition à Davos
La Capitale a vécu au rythme de l’agenda hyper encombré du Forum, une semaine durant. Il n’y a pas de doute, c’était festif, anti conformiste et débridé. On échange beaucoup, de partout, on cogite à haute voix, on respire la libre circulation d’idées. On refait le monde avec des gens qui viennent des quatre coins du monde. Un bel exercice de découverte, en somme, avec un format de Chat international.
Cependant, il y a peu de découvertes. Tout se dit au Forum. Cependant, on innove peu. Aux trois tables de controverses, qui sont les moments forts du Forum, il n’y pas d’éclats. Tout comme il y a le théâtre de boulevard, il existe l’économie de périphérie. Se cramponner au crédo de tous contre Davos, cela finit par tourner à la crispation. Il est difficile de s’attaquer à la globalisation du marché autrement que par les aspirations à l’égalitarisme. C’est pourtant ce sentiment regrettable qui nous gagne en fin de parcours.
Renouveler l’arsenal conceptuel
Le Forum travaille avec la même équipe de séniors depuis quelques années. Les patriarches du Forum sont toujours en avant. Or, le décalage de générations devient criard. Si on garde uniquement les has been dans la distribution des conférenciers, on verse dans le cocooning. Edouardo Suplicy, pour l’économie urbaine sociale et solidaire, Samir Amine, pour le développement inégal, ou Gustave Massiah, pour le slogan “un autre monde est possible“ ont des états de service remarquables. Mais il faut bien se dire que la dernière blague de Gus Massiah sur Mme Thatcher qu’il qualifia de Mme TINA “Thers Is No Alternative“ remonte à quelques années.
L’obsolescence rode sur l’esprit du Forum et il faut prendre garde à renouveler les outils d’analyse. Stigmatiser perpétuellement la financiarisation de la nature et la marchandisation du vivant, c’est risquer de manquer de souffle, à la longue. Le monologue userait l’esprit de l’alter-mondialisme comme antidote à la globalisation, quand bien même cette dernière fait de la résistance et continue de sévir avec son cortège de ravages économiques.
Les tenants du développement durable et de l’économie verte, dont on peut penser qu’ils sont inspirés par l’alter-mondialisme, se sont nettement démarqués du Forum et font école à part. De nouvelles idées force serviraient de carburant à entretenir l’enthousiasme qui entoure le forum faute de quoi la lassitude finirait par sévir.
La proposition du «Citizen’s Basic Income», une idée basique
Le Forum a conclu à l’intérêt de généraliser de par le monde. La formule a été testée dans une agglomération du rio Grande Del sul au Brésil et à plus grande échelle en Alaska. Un revenu citoyen de base est sensé être une garantie de base pour non pas une vie décente mais pour un minimum vital qui garantit la dignité de la personne humaine.
Les résultats sont mitigés. On sent toujours l’empreinte des mécanismes de rattrapage des inégalités d’économie urbaine. Il y a les relents des favellas et latifundia. On voit mal comment on peut faire d’une telle idée la base d’un pacte social.
Les économistes sud-américains ont toujours privilégié des accommodements économiques sans proposer un modèle de base qui soit un référentiel crédible. Le capitalisme, ne l’oublions pas, s’adosse à un modèle de concurrence pure et parfaite qui est la caution scientifique du marché et de son mode de fonctionnement selon un libre jeu de l’offre et de la demande. Et ce modèle de base ne s’est toujours pas effondré quand Joseph Stieglitz a démontré que la construction d’origine était viciée. En effet, le prix Nobel a démontré que le modèle comportait une asymétrie d’information qui dément le présupposé de l’égalité entre les opérateurs. Il n’y a rien de tel au FSM. Il faudra y pallier, pour donner un socle scientifique inattaquable à l’alter-mondialisme.