Confronté, comme beaucoup d’autres pays de conditions économiques similaires ou proches, au problème des subventions des produits de consommation, y compris pétroliers, le Maroc a décidé de prendre le taureau par les cornes et initié, en 2014, une réforme de ce système vieux de 73 ans.
La hausse des prix des matières premières doublée de celle des prix du pétrole ayant rendu le fardeau des subventions trop lourd à porter, le gouvernement a commencé à revoir le dispositif en procédant, d’abord en 2012, à une augmentation des prix de certains produits subventionnés, puis, dans un second temps, à initier, entre janvier et octobre 2014, une réforme globale devant aboutir à un démantèlement du système.
La réforme inclut l’élimination des subventions de l’essence, une augmentation progressive du prix du diesel, et un aménagement des tarifs de l’électricité et de l’eau.
Deux experts de la Banque mondiale (Evaluation des réformes des subventions de 2014 et une simulation des réformes ultérieures, Paolo Verme et Khalid El-Massnaoui), en ont analysé l’impact –direct et indirect- sur les foyers et la frange pauvre de la population.
Elimination partielle des subventions: 5,9 mds de dirhams
Estimé à 5,9 milliards de dirhams –ou 177 dirhams par tête d’habitant et par an-, l’impact de la réforme des subventions s’établit à 0,9 milliard de dirhams pour la frange la plus pauvre à 3,1 milliards pour la plus riche. Les plus grands «contributeurs» étant l’eau avec 2,7 milliards de dirhams, suivi de l’électricité (2,4 mds de dirhams).
Ce qui signifie, selon les deux experts de la Banque mondiale, que l’élimination des subventions ne réduit le bien-être des ménages que de 1% en moyenne. L’étude relève également que «l’eau a eu un plus grand impact que l’électricité malgré le fait que le secteur de l’eau n’est pas subventionné et que les tarifs par bloc n’ont pas changé. Cela est dû au changement dans la structure des tarifs».
Ce qui veut dire –et le fait doit, selon les experts, être gardé à l’esprit, en vue des prochaines réformes de l’eau et de l’électricité- la transformation des trois blocs supérieurs en un système TEV, c’est-à-dire des tarifs fixés en fonction du volume consommé, «peut avoir un plus grand impact sur le bien-être qu’une simple augmentation de prix».
Mais, avertissent les deux experts, la baisse du bien-être «n’a pas d’impact significatif sur la pauvreté étant donné que les pauvres ne consomment pas réellement de l’essence et du diesel», et cet impact «est insignifiant sur l’inégalité». Et comme la pauvreté n’a pas augmenté, «il n’est pas nécessaire d’opérer un transfert de fonds compensatoire» qui, le cas échéant, aurait coûté 0,54 milliard de dirhams et «serait pour l’essentiel allé aux non-pauvres».
Elimination totale des subventions: près de 19 mds de dirhams
Alors quel serait l’impact d’une totale élimination des subventions –notamment pour les produits pétroliers et alimentaires qui n’ont pas été touchés par la réforme de 2014-aujourd’hui envisagé au Maroc? L’impact financier total s’élèverait à 18,9 mds de dirhams –soit 568 dirhams par tête d’habitant et par an- et s’établirait à 2,3 mds pour les plus pauvres, contre 5,7 mds pour les plus riches.
En termes de bien-être des foyers, l’élimination totale des subventions aurait un impact trois fois plus élevé pour les plus pauvres que pour les plus riches. Ce qui ferait passer le niveau de la pauvreté de 4,1% avant la réforme à 5,2% après la réforme. Et pour maintenir la pauvreté à son niveau ante, un transfert de fonds compensatoire paraît inévitable –il est estimé à 8,5 mds de dirhams- mais le gouvernement «est capable de cibler les pauvres»; il pourrait réduire la facture.