un quai du port de Tokyo, le 22 avril 2015 (Photo : KAZUHIRO NOGI) |
[22/04/2015 05:54:26] Tokyo (AFP) Le Japon, qui ploie sous des déficits commerciaux massifs depuis l’accident nucléaire de Fukushima, a affiché en mars un excédent pour la première fois depuis juin 2012, une embellie peut-être éphémère mais d’importance pour le gouvernement et la Banque du Japon (BoJ).
Après 32 déficits d’affilée, la troisième puissance économique mondiale peut souffler un peu: les comptes du commerce extérieur ont enfin basculé dans le vert le mois dernier, avec un solde positif de 229 milliards de yens (1,8 milliard d’euros), selon les statistiques publiées mercredi par le ministère des Finances.
Ce résultat est bien meilleur que les attentes des économistes, qui anticipaient un excédent de seulement 45 milliards de yens.
La tendance s’était dessinée ces derniers mois grâce à la chute des prix du pétrole et à la vigueur des exportations, dopées par une relative amélioration de la conjoncture internationale et surtout la bonne santé américaine.
En mars, les achats d’or noir ont plongé de 51% et ceux de produits pétroliers de 38%. La facture de gaz naturel liquéfié s’est également réduite (-12%).
Au final, les importations ont reculé de 14,5% en valeur sur la période, à 6.698 milliards de yens (51,5 milliards d’euros).
Dans le même temps, les exportations ont progressé de 8,5% à 6.927 milliards de yens, portées par les machines diverses, les semi-conducteurs et les automobiles.
Elles ont également bénéficié de l’affaiblissement du yen, qui gonfle mécaniquement les recettes encaissées à l’étranger une fois converties en devise nippone: en volume, la hausse n’est que de 3,3%.
Cet effet devises a particulièrement joué sur les échanges avec les Etats-Unis (+21,3% en valeur, +5,9% en volume).
En coulisses, les deux pays sont sur le point de boucler des négociations marathon sur le partenariat transpacifique (TPP), un accord de libre marché entre 12 Etats de la région. Reste à voir dans quelle mesure elles aboutiront à une réduction des barrières structurelles dans deux domaines clés, l’agriculture (riz) pour le Japon, l’automobile pour les Etats-Unis.
– ‘Lueur d’espoir’ dans une économie vacillante –
Ce premier excédent mensuel en près de trois ans apparaît comme une bonne nouvelle pour le Premier ministre Shinzo Abe et le gouverneur de la banque centrale, Haruhiko Kuroda, une semaine après un rapport encourageant du Fonds monétaire international (FMI) qui projette une croissance de 1% cette année.
Via une stratégie connue sous le vocable “abenomics”, les deux hommes tentent depuis deux ans, en vain, d’anéantir la déflation et de relancer une économie fragilisée par le passage à une TVA de 8% (contre 5% auparavant) l’an passé.
“La demande extérieure sera la lueur d’espoir de l’économie japonaise cette année, alors que la consommation des ménages et l’investissement des entreprises demeurent faibles”, a commenté, pour l’agence Bloomberg, Toru Suehiro, analyste chez Mizuho.
Mais attention, prévient Marcel Thieliant, de Capital Economics: “l’excédent commercial ne devrait pas durer”.
Il évoque l’amorce de rebond du marché pétrolier depuis le début de l’année et une devise nippone amenée à céder encore du terrain. Ce mouvement “devrait renchérir le coût des importations plus qu’il n’élèvera celui des exportations”, estime-t-il dans une note.
L’archipel avait glissé dans le rouge en 2011 sur l’ensemble de l’année, pour la première fois en 31 ans, conséquence de la catastrophe atomique de Fukushima qui a entraîné l’arrêt de l’ensemble des réacteurs du pays (48 sans compter les six saccagés de Fukushima Daiichi).
Ce drame a obligé le Japon à augmenter considérablement ses achats d’hydrocarbures pour faire tourner les centrales thermiques.
Si le pro-nucléaire Shinzo Abe plaide urbi et orbi pour le redémarrage des centrales, sa voix ne porte guère: seuls deux réacteurs seront probablement remis en service d’ici à fin 2015, et au moins cinq doivent être démantelés.
A terme, la production nucléaire ne retrouvera sans doute pas ses niveaux d’avant mars 2011, de quoi peser sur les comptes du commerce extérieur, même si, selon des informations de presse, le gouvernement s’oriente vers une électricité tirée à environ 20% de l’énergie nucléaire à horizon 2030.